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Le futur

Ça vous est déjà arrivé de prendre une résolution que vous n’avez pas respectée? Lorsque vient le moment de manger vos légumes/aller chez le dentiste/faire le ménage/aller au gym, est-ce qu’il vous arrive de vous dire que, euh… ça peut attendre? Avez-vous de longues listes «À faire»? Moi, oui.

De nombreuses études en psychologie expliquent pourquoi nous nous comportons ainsi. Le biais cognitif qui nous fait reporter à plus tard des choses qu’on considère importantes, mais désagréables, ça s’appelle le «biais en faveur du présent». Savoir qu’on est tous affligés de ce mal, à divers degrés, le rend un peu plus acceptable!

Il s’avère que la psychologie est aussi un outil utile pour comprendre l’actualité.

Prenez, par exemple, le litige qui opposait des groupes environnementalistes et la compagnie TransCanada, qui souhaite construire un port pétrolier à Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent. La Cour supérieure du Québec a rejeté lundi la demande des écologistes qui souhaitent que les travaux cessent jusqu’à ce qu’une étude scientifique en évalue les conséquences. Ces groupes estiment que le forage menacera la survie des bélugas, ces adorables mammifères marins qui semblent sourire en permanence.

Dans ce cas, les intérêts défendus par l’entreprise sont économiques et privés. Les environnementalistes, eux, travaillent pour qui? Quels sont les intérêts qu’ils servent? En fait, ils œuvrent pour cet intérêt flou et insaisissable: le futur.

Lorsqu’on sonde les Québécois, ils répondent qu’ils souhaitent que l’environnement soit préservé. Pourtant, forcés de choisir entre une protection contre des dangers futurs vagues et diffus, et des bénéfices immédiats, nous choisissons souvent les bénéfices. On n’est pas méchants. On est humains.

La psychologie nous permet de comprendre ces attitudes contradictoires. En plus du «biais du présent», qui nous fait repousser à plus tard des choses déplaisantes, il y a le biais de la «planification fallacieuse», décrit par le prix Nobel Daniel Kahneman. Ce chercheur en économie comportementale a montré que l’être humain ne prend pas des décisions purement rationnelles. Nous avons tendance à surévaluer les bénéfices et à sous-évaluer les risques liés à des projets.

L’Union européenne a instauré le principe de précaution, un cadre d’analyse qui permet d’interdire certaines pratiques ou produits même si leurs méfaits n’ont pas encore été démontrés rigoureusement, mais dont on soupçonne qu’ils pourraient avoir un effet délétère sur la santé humaine ou sur les écosystèmes. Ce principe est également à la base du Protocole de Montréal sur la protection de la couche d’ozone et du Protocole de Kyoto. En nous forçant à la prudence, les artisans de ces traités ont cherché à équilibrer nos biais cognitifs. L’application du principe de précaution s’avère cependant difficile.

Les écologistes ont cette tâche ingrate de se battre contre la nature humaine. Nous leur en saurons peut-être gré un jour, dans le futur.

Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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