La zone industrielle a-t-elle plus d'avenir que les logements?
De toute évidence, la consultation publique pour demandes de dérogation et modifications du plan d’urbanisme de ce coin de rue, le 2 septembre, a révélé que l’existence d’une zone industrielle à proximité pose des questions qui dépassent de loin les simples compromis qu’une telle réunion était allée rechercher.
Le promoteur veut construire un immeuble de huit étages de logement locatifs. Sur le terrain visé se trouvent présentement trois commerces. Ils sont séparés par une étroite ruelle d’une usine de textiles qui témoigne de l’activité industrielle passée et actuelle des lieux.
Beaucoup parmi les citoyens présents souhaitaient maintenir le secteur industriel existant.
Ils rejoignaient ainsi l’avis du comité Jacques-Viger, le comité consultatif en aménagement urbain de la Ville de Montréal. Cette instance avait statué après sa réunion du 14 juin 2013 – à l’étape où était arrivé le projet – qu’elle émettait un avis défavorable à la requalification du secteur pour permettre la construction d’un immeuble à logements même si elle était à l’aise avec l’intention de requalification du zonage.
Elle recommandait à l’arrondissement d’avoir une vue plus large et de se doter « d’une stratégie d’intervention sur le domaine public à l’échelle du secteur pour assurer une bonne insertion des projets et ainsi, une requalification réussie du secteur. »
La parole est d’argent
Concrètement, ce sont les représentants de l’entreprise de textiles Madison Avenue Studios qui ont souligné les difficultés réelles à faire coexister des activités industrielles et du logement. L’entreprise qui emploie actuellement une quarantaine de personnes, est mitoyenne du projet.
Farid, un ingénieur de la compagnie a évoqué les problèmes de stationnement dans ce secteur notamment en hiver.
Par ailleurs, des cheminées de l’usine dégagent en permanence des gaz, qui même s’ils sont non toxiques, peuvent gêner des résidents à proximité, a fait valoir le fils du propriétaire de l’entreprise.
Le propriétaire, George Leisser a mis de l’avant la circulation permanente de camions de livraison. Mais plus encore, M. Leisser soutient que son entreprise est en train de reprendre du poil de la bête après une période creuse dans les années 1990.
Un changement de vocation de ce secteur créerait un doute dans l’esprit du gestionnaire de Madison Avenue Studios et pourrait affecter la progression de l’entreprise.
Finalement, les élus qui étaient venus demander aux citoyens s’il était intéressant de transformer la vocation d’un secteur industriel en zone résidentielle sont repartis avec une interrogation beaucoup plus lourde. Faut-il se départir d’une zone industrielle qui reprend des forces?
En tous les cas, les arguments de M. Leisser et de ses accompagnateurs semblent avoir fait leur effet.
Pierre Desrochers, conseiller de Saint-Sulpice, et Harout Chitilian, conseiller de Bordeaux-Cartierville, ont indiqué qu’ils entendaient bien les arguments de l’homme d’affaires. « Je pense qu’il est nécessaire de préserver la vocation industrielle du quartier », a précisé M. Chitilian.
Lorraine Pagé, conseillère du district Sault-au-Récollet, s’est demandé dans quelles conditions la coexistence entre une zone industrielle et un secteur résidentiel peut-elle réussir.
Émilie Thuillier, conseillère d’Ahuntsic, s’était opposée au projet dès son dépôt par le promoteur. Elle a souligné les difficultés de transport en commun ajoutant « si on veut changer les paramètres – d’un secteur (NDLR) – il faut qu’on fasse la réflexion dans le cadre de limites valables. » La ruelle qui séparerait l’immeuble projeté de la première usine du quartier paraît pour Mme Thuillier tout à fait inadéquate.
Les élus devraient faire connaître leur décision dans les prochaines semaines.