Ceci n’est pas un parc, mais de futurs condos!
« Je me suis levée un matin et j’ai vu qu’on installait une grosse affiche au coin de Pie-IX et Laurier, annonçant de futurs condos. J’ai appelé au numéro inscrit pour avoir des détails et c’est là qu’on m’a annoncé que le bâtiment serait construit au coin Laurier et Jeanne-D’Arc… Dans mon parc! »
C’est ainsi que Gisèle Paradis a appris la vente par la Ville de Montréal du lot 1 878 363, quel entretenait depuis des années, avec l’espérance qu’il devienne un jour un véritable parc municipal.
« Je trouve la façon de faire sauvage; mon père a planté des arbres ici, chaque année, dit-elle en pointant les énormes conifères présents sur le terrain. Je tonds moi-même depuis des années le gazon pour que l’endroit soit propre. On espérait que la Ville transforme ce terrain en un petit parc de coin de rue, un peu comme celui de Charlemagne – Laurier, sur la rue voisine. On ne pensait pas qu’elle le vendrait à un promoteur pour en faire des condos. C’est un parc ici… »
L’arrondissement voulait vendre
À l’arrondissement Rosemont – La Petite-Patrie, comme à la Ville de Montréal, on affirme que le lot n’a jamais été un parc et qu’il est bel et bien zoné « habitation » et « résidentiel ».
Pourtant, selon des documents que le Journal de Rosemont – La Petite-Patrie a consulté, il existe un flou sur la nature même de cet espace qui fut, longtemps, propriété d’Hydro-Québec.
Dans l’acte de vente du terrain de la société d’État à la Ville, datant du 8 mars 1999, on peut y lire : « Approuver un projet d’acte par lequel la Ville acquiert d’Hydro-Québec, à des fins de parc, des lots dont l’un est situé au nord de la rue Laurier et à l’est de la rue Jeanne-D’Arc. »
Le 12 juillet 2007, l’arrondissement a décidé qu’il n’avait plus besoin de ce terrain à des fins de parc et a alors mandaté la Direction stratégies et transactions immobilières de la Ville de Montréal (DSTI) pour le vendre « par appel d’offres public ».
« Ce terrain n’était plus requis pour cette occupation et dans cette perspective le zonage fut changé de manière à recevoir un développement résidentiel », lit-on dans la mise en contexte d’un sommaire décisionnel ultérieur relatif au dossier.
« L’arrondissement nous a demandé, en 2007, pour vendre le terrain pour du développement résidentiel, confirme Sandy Hébert, de la DSTI. C’est ce qu’on a fait, puisque c’était notre mandat. Et on a travaillé avec les gens de l’arrondissement pour procéder à une transaction conforme au prix du marché. Ils sont au courant de la vente du terrain, ils la souhaitaient. »
Les sommaires décisionnels de l’automne 2011 relatent les étapes menant à la vente du terrain, au coût de 580 000$, à la compagnie 9104-2523 Québec, appartenant à David Owen, président également du groupe Mondev. On y lit que les différents intervenants au dossier, dont l’arrondissement RPP, ont donné un « Avis favorable » à la transaction.
Condos sur pilotis
La vente du terrain « vert », complétée il y a quelques semaines seulement, a été effectuée non pas par appel d’offres public, mais de gré à gré entre la Ville de Montréal et Groupe D3 inc, appartenant à M. Owen, pour ainsi satisfaire, en partie, une entente hors cour intervenue le 17 juin 2008.
Rappelons que le promoteur voulait construire, au début des années 2000, des condos sur pilotis surplombant des terrains appartenant à Stationnement de Montréal. L’arrondissement du Plateau – Mont-Royal s’y opposait et une entente a finalement été conclue pour trouver des terrains vacants appartenant à la Ville de Montréal et où M. Owen pourrait construire un total de 100 condos. Le terrain au coin des rues Jeanne-D’Arc et Laurier, entretenu depuis des années par la famille Paradis, se veut être une indemnité partielle à cette entente, alors que 16 condos y seront construits.
« La DSTI n’a pas procédé à la vente de ce terrain par appel public de proposition compte tenu de cette entente », indique-t-on dans un document consulté par le Journal de Rosemont – La Petite-Patrie.
Toujours pour satisfaire l’entente, d’autres terrains présents dans les arrondissements centraux de Montréal, dont RPP, et appartenant toujours à la Ville, « pourraient vivre une situation similaire » dans les prochaines années, laisse savoir le représentant de la DSTI, alors que la Ville a jusqu’au 17 juin 2015 pour remplir ses obligations relatives à l’entente.
Mobilisation
Même si des fonctionnaires de l’arrondissement ont travaillé sur ce dossier en 2008 en partenariat avec ceux de la Ville de Montréal, le maire de RPP, François W. Croteau, dit ne pas avoir été mis au courant de la transaction avant la séance du conseil de la Ville de Montréal, le 19 décembre 2011. Arrivé au pouvoir en 2009, il déplore cette transaction de gré à gré entre la Ville et le promoteur.
« Nous ne sommes évidemment pas heureux de voir un de nos espaces vert et boisé devenir des condos. On se pose des questions et on aurait aimé avoir des informations sur la transaction de la part de la Ville-centre. On aurait préféré voir le terrain situé tout juste à côté, près de Pie-IX, et où il n’y a aucune verdure, être vendu à M. Owen. Cela aurait été un choix plus logique quand l’on prétend vouloir protéger les espaces verts, comme le dit Alan DeSousa. »
Le chef de cabinet du maire de RPP, Francis Côté, ajoute : « Si un appel d’offres public avait été fait, comme nos fonctionnaires l’ont demandé à l’époque, nous aurions eu à reparler de ce dossier, du prix du terrain et de la vente. Mais en faisant la transaction de gré à gré, nous n’avons pas été tenus au courant de la transaction. »
Des citoyens se mobilisent actuellement pour renverser la vente et sauver l’ « espace vert ». Jusqu’ici, près de 300 noms ont été inscrits. Le maire Croteau espère que cette mobilisation lui permettra une négociation avec le promoteur. « On veut le convaincre de changer de terrain et de prendre celui situé plus près de Pie-IX », dit-il.
Mme Paradis, elle, souhaite simplement retrouver « son parc » et non pas voir l’arrivée de voisins non-désirés à côté de la maison construite par son père.