Non est une phrase complète !
Comme moi, il vous arrive plus ou moins souvent d’acheter la paix. Une façon d’en finir avec les gens qui nous harcèlent avec des demandes inintéressantes, c’est de dire OUI. Avec un oui, on coupe court et on passe à un autre appel. Mais aujourd’hui, dire NON, c’est une autre paire de manches. D’abord, les gens en général rejettent souvent le non. Impossible de dire simplement non.
Pourquoi tu viens pas ? Pourquoi tu ne manges pas ? Pourquoi tu sors pas ? Pourquoi tu joues pas ? Pourquoi tu ne vends pas ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi !
Les enfants ont compris; lorsqu’ils sont excédés, écrasés par les pressions parentales, ils répondent: parce que ! Les parents, haïssent ça, ils sont insultés et refusent cette réponse. Ils insistent. Erreur !
– Veux-tu me dire pourquoi, Marie-Yogourt, maman est fâchée, tu lui fais de la peine !
Chantage affectif, l’enfant tombe dans le panneau; réflexe sympathique, il s’engage dans la «créativité»; tout à coup, il ment comme il respire. C’est amusant être créatif, ça ne fait pas mal. Xavier dit ce que maman ou papa veut entendre. Il évite la punition, les longs discours, les comparaisons, les «dans mon temps…». Il est content, tout le monde est heureux et réconforté. Le ti-gars s’en retourne à ses jeux vidéo… Le bonheur. C’est pourtant mal de mentir. On l’apprend jeune, aussi, le mensonge. Mentir pour ne pas dire non.
Tous les ados sont des spécialistes en déformation de la vérité. En tout cas, moi, je l’étais. J’avais toujours l’excuse parfaite, j’avais déjà à l’époque une grande imagination. Le ti-gars à maman était parfait. Ce n’était jamais lui, jamais de sa faute. J’avais la chance d’avoir une sœur plus jeune… C’était souvent, elle, la coupable… Bref, à l’école c’est un bon endroit pour apprendre à dire oui quand on pense non. C’est pas bien mentir! Je l’ai déjà dit. Un ado digne de ce nom, n’est pas un menteur, il maquille la vérité; il connaît tout, c’est un acteur qui vit dans sa réalité. Personne ne le comprend, sauf ses amis, à qui il peut dire NON, souvent accompagné d’autres jolis mots colorés.
Alexis dit OUI à son prof, achète une paix provisoire, il sauve du temps, toujours pour demain. Lâche-pas Alex ! Ce serait pourtant si facile de dire: NON, je ne l’ai pas fait mon devoir. Toute vérité n’est pas bonne à dire, c’est bien connu !
Au travail, je présume que c’est la même chose. Il arrive qu’il est difficile de dire les vraies choses. Quelques fois ! On a souvent peur de faire de la peine, on a peur de ne plus être aimé, d’être boudé… On a peur; la vérité fait peur. On dit bêtement OUI, même si on ne dort pas pendant des semaines. La vérité finit toujours par sortir. Dans un bureau, les murs ont des oreilles, qu’on se le dise. Dire non, ça veut tout dire. C’est complet. Non, je ne l’ai pas fait. Non, j’ai oublié. Non, je ne suis pas d’accord. Non, j’veux pas coucher avec toi. (ça ne se passe pas à mon bureau… juré !)
Vraiment, dire les vraies choses, c’est payant; on sauve du temps, de l’énergie. On se fait deux ou trois ennemis qui alimentent les conversations de sous-sol, mais on se fait surtout des amis qui, avec nous, ont l’heure juste et qui apprécient notre franchise. Pourquoi raconter le pourquoi du comment ? Quand le temps est venu, dites : NON; ce petit mot est une phrase complète.