Les plaintes d’harcèlement explosent de 37 % au Québec
S’adressant aux travailleurs non syndiqués, le service des plaintes de la CNT a enregistré 10 095 plaintes, de 2004 à 2009, et 13 785 au cours des cinq années suivantes.
Selon Johanne Tellier, directrice du Centre juridique de Montréal, la CNT ne détient pas d’explication scientifique pour justifier le phénomène. Toutefois, elle parie que toute l’information, les campagnes publicitaires multiplateformes ainsi que les rencontres de sensibilisation menées au fil des ans ont porté leur fruit.
Peu de disparités régionales
Les données compilées pour chaque région de la province indiquent peu de variations significatives. Bien sûr, le volume de plaintes est influencé par la population du territoire, mais le pourcentage venant de femmes, par exemple, est similaire. Le nombre de plaignantes s’élève à 57 % à Montréal et à 66 % au Saguenay/Lac-Saint-Jean. Il s’agit du plus grand écart.
Comparativement aux régions, les hommes qui habitent les grands centres sont plus nombreux à formuler des plaintes. À Montréal et dans la Capitale-Nationale, ils représentent respectivement 43 % et 41 %.
Le choc est encaissé
Au dire de plusieurs intervenants interrogés, les dispositions de la Loi seraient aujourd’hui entrées dans les mœurs, après en avoir pris plus d’un par surprise, il y a 10 ans.
« Il y a eu un choc, se rappelle le président directeur de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec, Florent Francoeur. On a fait beaucoup de formation pour mieux comprendre ce que voulait dire la fameuse loi », poursuit-il.
Au départ, des employeurs craignaient par exemple être brimés dans leur droit de gérance ou être blâmés pour des situations conflictuelles au travail. Il s’est avéré clair, par la suite, que de tels cas ne constituaient pas du harcèlement psychologique au travail, de relater M. Francoeur, spécifiant qu’il régnait de moins en moins de confusion.
Dur, dur à prouver devant les tribunaux
Les plaintes de harcèlement qui n’ont pas trouvé d’entente en médiation aboutissent souvent devant les tribunaux. La Commission des relations de travail (CRT) traite chaque année bon nombre de dossiers d’employés non syndiqués provenant de la haute fonction publique à… la petite fabrique d’église. Si le portrait ne répond à aucun stéréotype, une constante demeure : la majorité d’entre elles sont rejetées.
Le Front de défense des non-syndiqués déplore qu’une soixantaine de plaintes seulement aient obtenu gain de cause à la CRT depuis 10 ans. De plus, les compensations pécuniaires dont bénéficient les victimes seraient nettement insuffisantes, variant généralement entre 2000 $ et 5000 $. La porte-parole Carole Henry estime qu’en forçant les employeurs à donner de meilleures réparations aux personnes ayant subi du harcèlement, les cours de justice enverraient un message fort. Il s’agirait d’un incitatif pour que les employeurs soient encore plus nombreux à adopter une politique contre le harcèlement psychologique, avec des mécanismes de plainte internes connus de tous. « Il faut que ça leur coûte quelque chose », dit-elle
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