Bleu nuit: nostalgie d’une cinéphilie nocturne
La génération Y a grandi devant la télé en regardant des émissions devenues cultes: Passe-Partout, Ciné-Cadeau et… Bleu nuit. C’est sur ce programme érotique diffusé pendant 20 ans à TQS que se sont penchés Éric Falardeau et Simon Laperrière, qui ont dirigé l’ouvrage Bleu nuit, histoire d’une cinéphilie nocturne.
La nostalgie a-t-elle été l’élément déclencheur de la création de ce livre?
Simon Laperrière: Je serais porté à dire que oui. La nostalgie de retrouver une époque où l’accès au cinéma n’était pas du tout le même qu’aujourd’hui, une époque pré-internet. La nostalgie de revenir un peu sur ce passage de notre vie où notre découverte de l’érotisme était marquée par des rituels: s’assurer que les parents sont couchés, mettre le volume du téléviseur au minimum, etc. C’est une époque qui est fondamentalement dépassée. Je pense qu’aucun jeune de 17-18 ans ne pourra aujourd’hui vivre une expérience similaire.
Éric Falardeau: Ce n’est pas la nostalgie d’une époque où tout était plus beau et merveilleux par rapport à la sexualité, mais plutôt un regard sur un moment qu’on a vécu quand on était jeunes. C’est la nostalgie d’une expérience, en fait.
En quoi l’émission Bleu nuit est-elle mythique?
EF: Elle est mythique parce qu’elle était liée à un interdit. Ça lui a donné une aura différente. On parlait des rituels pour regarder Bleu nuit à un certain âge sans se faire attraper, même si nos parents le savaient probablement très bien qu’on la regardait! Ensuite, c’était d’en discuter sous le couvert du secret. On a créé un mythe par rapport à quelque chose qu’on n’avait pas le droit de regarder. Bleu nuit est le seul programme qui a eu un tel impact.
Samuel Archibald parle dans un essai qu’on trouve dans le livre de sa nostalgie d’un cinéma soft. Celui-ci est-il révolu?
SL: C’est un des points sur lesquels la majorité des auteurs du livre reviennent: l’arrivée de l’internet et avec elle la fin du cinéma érotique.
EF: La sexualité façon Bleu nuit s’est déplacée et est devenue la norme dans des émissions qu’on regarde dans la vie de tous les jours, comme Girls, où il y a des scènes qui dépassent ce qu’on voyait dans Bleu nuit à l’époque. On n’a pas perdu ce type de cinéma, il a juste été récupéré.
SL: Le cinéma softcore a toujours été regardé de haut, souvent pour de bonnes raisons d’ailleurs. Ce qui est intéressant par contre, c’est que les héritiers de ce cinéma – des cinéastes audacieux qui n’ont pas peur d’aborder le thème de la sexualité de façon explicite – sont des cinéastes qui aujourd’hui se retrouvent à Cannes avec des films comme La vie d’Adèle, qui a remporté la Palme d’Or. C’est un peu grâce à Bleu nuit qu’on en est venus à accepter l’érotisme au cinéma. Sournoisement, c’est la victoire du softcore.
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Leur Bleu nuit préféré
«Si ma gueule vous plaît, une comédie française.» – Simon Laperrière
«C’est un film d’aventure qui aurait une bonne place au festival Fantasia s’il était refait. C’est un émule d’Indiana Jones version un peu érotique, basé sur une bédé sado-maso. C’est une drôle de bibitte qui mélange des genres.» – Éric Falardeau
Bleu nuit, histoire d’une cinéphilie nocturne
Aux éditions Sommes toute