Yves Bédard: «Je suis fier de ce qu’on a accompli en 15 ans»
Il est le plus ancien employé de Métro. Il a vécu la création un peu chaotique de ce quotidien gratuit, ses hauts et ses bas. Le directeur de la distribution revient sur ces 15 années remplies de défis.
Vous avez été le premier employé de Métro. Racontez-moi la création d’un nouveau quotidien.
Tout s’est fait de façon assez secrète. J’ai répondu à une annonce dans un journal, puis j’ai passé 12 entrevues!
On m’a appelé un 12 février pour me dire que je commençais le lendemain matin. J’ai alors réalisé que j’étais le seul employé. Personne n’avait encore été engagé, je n’avais même pas une feuille et un crayon, encore moins un bureau! J’étais le premier, il n’y avait rien de fait et on m’a annoncé que le journal serait lancé le 1er mars!
J’ai rencontré un distributeur potentiel, puis élaboré une stratégie de distribution. Dans les semaines qui ont suivi, ils ont engagé un rédacteur en chef, des vendeurs, des pupitreurs, etc.
Que représente Métro pour vous qui avez connu ses débuts et qui êtes toujours là aujourd’hui?
À la base, je ne savais pas ce qu’était Métro [international]. Pour moi, c’était une occasion de revenir dans le monde des médias.
J’ai eu deux gros chocs en commençant. D’abord, tout le monde disait que ça ne marcherait pas, Métro, un quotidien gratuit. C’était hors norme. Le mouvement des quotidiens gratuits dans le monde commençait. C’était un peu démoralisant la première année. Ça faisait 25 ans qu’un journal n’avait pas été lancé à Montréal. Le dernier, c’était Le Journal de Montréal. En ce qui concerne les ventes, c’était difficile de convaincre des annonceurs d’acheter de la pub chez nous.
Deuxième défi : la bataille d’aller chercher du lectorat. On était les deuxièmes au Canada, après Toronto, à lancer un quotidien gratuit.
Aujourd’hui, je suis pas mal fier de ce qu’on a fait en 15 ans! Métro est le journal le plus lu sur l’île de Montréal, ce n’est pas peu dire. Notre nombre de lecteurs par copie a atteint les mêmes ratios que les journaux traditionnels: 2,4 lecteurs par copie. Personne n’aurait imaginé ça. Un journal gratuit, tout le monde peut en avoir un, tout le monde peut le lire et le jeter. On a quand même réussi à aller chercher ce ratio. On a pris notre place, on est respectés, on est un incontournable aujourd’hui.
«Tout le monde disait que ça ne marcherait pas, Métro, un quotidien gratuit. Aujourd’hui, on est le plus lu sur l’île de Montréal.» -Yves Bédard, directeur de la distribution chez Métro
Après 15 ans, vous devez sûrement avoir quelques anecdotes à raconter…
Il faut d’abord que je remette les choses en contexte: 12 jours après notre lancement, Québecor lançait le Montréal métropolitain, qui est l’ancêtre de notre concurrent actuel, le 24 heures.
Leur moyen de distribution, étant donné qu’ils n’avaient pas remporté le contrat de distribution avec la Société de transport de Montréal (STM), était d’utiliser des camelots à l’extérieur des stations de métro. On avait nous aussi des camelots en plus des présentoirs. Tout était nouveau pour tout le monde.
Le contrat d’exclusivité était plus ou moins respecté. De nombreux camelots du concurrent travaillaient à l’intérieur, et ça amenait beaucoup de confrontation entre les camelots, les superviseurs, etc. La tension était élevée, tout le monde se chicanait pour essayer de passer son journal. Donc, un jour, j’étais à la station Bonaventure en train de faire ma tournée pour voir si tout se déroulait bien. J’ai vu cinq camelots de la concurrence qui ne devaient pas être à l’intérieur. Ça faisait plusieurs fois que je les avertissais. Ils ont décidé de me suivre, et quand je suis arrivé dans les portes tournantes, ils ont bloqué les portes, les ont brassées, ont cogné dans les vitres!
À la suite de cet incident, il y a eu des conversations entre les patrons des deux parties pour tempérer les choses. Les premières semaines ont été rock’n’roll. Les gens ne pouvaient pas s’imaginer ce qui se passait dans les tunnels.
Un moment marquant de Métro des 15 dernières années?
L’année 2010 a été la plus marquante. Sur le plan financier, ç’a été une bonne année, mais ç’a aussi été l’année du grand choc où notre contrat d’exclusivité de distribution dans le métro avec la STM a pris fin. On a presque recommencé à zéro. Entre le 17 décembre et le 3 janvier, j’ai dû changer tout le monde de la distribution qu’on avait bâti pendant 10 ans. On a dû se battre avec les annonceurs et rebâtir un réseau pendant le temps des Fêtes.
Qu’est-ce qui a le plus changé chez Métro depuis 15 ans?
Les moyens financiers ont changé. La première année fiscale, on a vendu en une année ce qu’on vend aujourd’hui en publicité dans un mois. On était limités dans notre façon de faire bouger ce milieu-là.
Ce qui n’a pas changé, c’est ce que j’ai senti avec l’arrivée des premiers employés : une unité, une coopération vraiment à 100 % de tout le monde, peu importe le poste que chacun occupait. La passion du produit est là encore aujourd’hui!