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Fais-moi peur!

Photo: Pablo A. Ortiz/Metro

Ce ne sont pas les fantômes qui nous font peur. C’est plutôt la peur qu’on nous insuffle qui nous fait y croire. 

Pour les fantômes, ça va. Nous comprenons le mécanisme et nous rions de nous-mêmes. Nous avons, tout simplement, cédé à la supercherie.

Mais les fantômes peuvent prendre de formes diverses, selon les urgences du moment. Le bogue de l’an 2000, la grippe aviaire, le crime organisé, le terrorisme islamiste. Le calcul des probabilités prend aussi rapidement le bord que les faits et la raison.

Depuis l’aube des temps, les politiciens le savent. Pour convaincre le public, rien de plus efficace que d’effrayer et de rassurer en même temps. Voici notre problème, j’en connais la solution, faites-moi confiance.   

Aujourd’hui, les médias jouent un rôle essentiel dans la projection de nos peurs. Avec des formats toujours plus courts et la nécessité de générer du trafic, il n’y a ni mise en contexte ni décryptage en profondeur. Ce sont l’émotion et le pathos qui priment.

Nous venons de vivre un de ces épisodes de peur dans les jours qui ont précédé la légalisation du cannabis.

Avant de dire qu’on en a assez parlé et que finalement, rien ne s’est passé – ce qui est vrai –, mieux vaut en tirer quelques leçons.

Les groupes d’intérêt, les politiciens et les médias à forte écoute n’ont certainement pas réussi à faire avancer le débat républicain. Nous faire peur les intéressait bien plus qu’une discussion franche sur les droits et libertés des usagers.

La profession médicale n’a pas hésité à brandir la menace d’une détérioration du cerveau des jeunes consommateurs de cannabis, vieille recette qui avait échoué aux États-Unis dans les années 1980.

Les médecins reviennent à la charge et nous mettent en garde contre les plans monopolistiques des producteurs de cannabis. Ils oublient, hélas, le rôle des géants pharmaceutiques dans la surmédication de nos populations.

Le gouvernement Legault, pour contenter sa base électorale, va peut-être interdire la consommation de cannabis jusqu’à 21 ans. Une décision qui risque d’alimenter les préjugés, déjà bien ancrés, sur les jeunes adultes issus des minorités visibles.

Attendez-vous aussi à une nouvelle campagne de peur au moment où les premières statistiques sur la vente et la consommation de cannabis seront publiées. Des experts autoproclamés se battront pour les interpréter et vous alarmer.

Et il y aura des mises en scène de grand impact à partir de faits anecdotiques. Une réalité simplifiée qui alimente les pires craintes du public. Ces discours alarmistes n’expliquent pas les risques – réels, gérables – du cannabis. Ils dévoilent plutôt la soif de célébrité et le sans-gêne de ceux qui veulent nous en protéger.

Les maîtres de la peur, vous les reconnaîtrez sans peine. Ils ignorent tout argument et tout exemple mettant en évidence que l’usage de cannabis, vieux de plusieurs siècles, ne convertit pas nécessairement les humains en zombies.

Ne vous laissez pas prendre en otage. Suivez Jean-Sébastien Fallu. Lisez Marie-Andrée Bertrand. Étudiez Thomas Szasz et Isabelle Stengers.

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