Une cerise dans le cocktail
Fondu et rond de jambe. Un rond de jambe très lent. Précis. Interminable mais tout de même excitant, dans la mesure où on en connaît la fin certaine. Je confonds aisément le ballet classique du mollet avec cette saison où les bassins se fracassent sur un coin de rue près d’un trou de canal. C’est beau, l’hiver. C’est féérie et février dure sept ans.
Chaque année, je l’attends, lui et son calme pur délice. Parce qu’il répugne et effraie, février a ça de chic: il garde à l’écart ce sieur joueur de tam-tam et cette criarde à chapeau de feutrine qui tient à exprimer à l’écho du parc qu’elle maîtrise son cri de pignata dans le plus rafraîchissant des abandons. L’hiver, les excités restent chez eux (à s’exciter), et les huit tarés qui restent s’emmitouflent dans un parka qui sent les vieilles mitaines pour savourer le silence des bancs de neige (les agneaux étant partis) en fredonnant Les nuits d’une demoiselle.
Février dure sept ans, mais c’est pas sa faute. Il est si petit, si court de la jupette et discret au calendrier, il devrait être réjouissance, non? Non. Mais pourquoi diable, câlaille? L’insupportable râle collectif à propos des trous de sloche et du givre dans les cils, les appels au printemps hurlés sur le balcon et les canines déchaussées par cet été qui ne reviendra jamais seraient-ils attribuables – je spécule – aux grands sites météo et bulletins du soir à la discrète propension à DÉCLARER LA MORT IMMINENTE DE TOUTE ÂME QUI OSE BRAVER UN COCKTAIL MÉTÉO?
Je raffole des bulletins météo. Je les inspecte, m’en abreuve à toute heure du jour. J’aime savoir quelle épaisseur spécifique de bermuda porter pour Thanksgiving. Mais ces dernières années, et particulièrement cet hiver, se pourrait-il qu’une âme esseulée aux commandes des alertes météo et des petits bandeaux rouges qui prédisent tanks et plaies d’Égypte, qu’importe le réseau, ait besoin d’une petite thérapie pour apprendre à gérer sa passion pour les films
où Will Smith entre dans un ovni en moto en tirant du gun d’un franc «hii-haaaaaaa!»?
Certes, c’est l’hiver. Ça va peut-être glisser sous tes gumboots, Carole. Et ça brûlera sans doute dans ton beau visage, si tu mets pas de foulard ou si même, aventureuse et féline, tu ne portes pas ta capeline de laine bouillie. Sache-le. Mais sache aussi que tu peux aller dehors. Tu peux prendre une petite marche par tempête. Et même aimer ça. Tu peux faire ton marché, sortir le chien, aller chercher quelque chose dans ton char sans mourir poignardée par un cormoran des glaces, tu peux même regarder par la fenêtre sans risquer la cécité (oui!) et inviter les membres de ta famille, terrés de frayeur sous la table de cuisine en position «gare à la faille de San Andreas» à sortir, respirer et retrouver la quiétude des beaux jours, même si c’est blanc dans le ciel.
Météorologues et chuchoteurs de nouvelles, l’apocalypse, on peut-ti la prédire seulement si Cheval-Serpent revient pour l’an trois? C’EST JUSTE GLISSANT UN PEU, DEHORS.
La bise.