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Fukushima: la nourriture tirée de l’océan Pacifique restera-t-elle saine?

La nourriture tirée de l’océan Pacifique restera-t-elle saine?
Photo: Chung Sung-Jun/Getty Images

Le Japon a approuvé le rejet des eaux usées radioactives de Fukushima dans l’océan. Le processus devrait commencer en 2023 et durera 30 ans. Metro s’est intéressé à cet enjeu.

L’annonce que le Japon rejettera de l’eau contaminée dans l’océan depuis la centrale nucléaire de Fukushima, endommagée à la suite du tremblement de terre et le tsunami de mars 2011, a suscité des critiques et des débats dans le monde entier. L’une des questions abordées est la sécurité alimentaire.

Les eaux usées de Fukushima sont conservées dans des réservoirs depuis 2011. La capacité de stockage devant être épuisée d’ici la fin de l’année prochaine, le Japon a décidé d’aller de l’avant avec des plans longtemps spéculés de les rejeter dans la mer.

«Toutes les centrales nucléaires et centres de traitement des déchets nucléaires rejettent des effluents contaminés. La pollution est donc mondiale. C’était déjà le cas à Fukushima avant l’accident nucléaire ! Les conséquences sont politiques et géopolitiques, notamment avec la Corée du Sud et la Chine. Elles sont également environnementales et constituent une préoccupation majeure pour l’industrie de la pêche et les consommateurs», a expliqué Franck Guarnieri, professeur à MINES Paris/Université PSL.

Mais comment résoudre ce problème ? Selon M. Guarnieri, il ne peut y avoir qu’une seule solution. «Il n’y a pas d’autre option que de continuer le stockage.»

L’expert ajoute: «et d’espérer une avancée scientifique significative pour permettre un assainissement complet. Les eaux de Fukushima subissent déjà un traitement complexe. Mais il y a toujours du tritium. L’eau est stockée dans des réservoirs. Il y en a plus de 1 000 à ce jour. Ils représentent un volume total de plus d’un million de mètres cubes. Le stockage est devenu un défi industriel. Le rejet en mer apparaît comme la meilleure solution.»

Consommer de la nourriture provenant de l’océan Pacifique sera-t-il sécuritaire? «Le polluant préoccupant est le tritium. Les spécialistes affirment ne pas avoir noté de phénomène de «bioaccumulation» par les algues et les mollusques. Cependant, on se demande ce qui se passerait si le tritium s’accumulait dans les sédiments et quelle forme chimique il prendrait. Comment les organismes vivants réagiraient-ils au voisinage de ces sédiments? Quel serait l’effet du tritium à plus long terme? On ne le sait pas vraiment. Il y a un manque d’études scientifiques à ce sujet.»

«Les dangers de la radioactivité»

«À l’exception des fruits de mer capturés à proximité de sources de radioactivité comme les centrales nucléaires endommagées de Fukushima, à moins que les fuites radioactives n’augmentent, la plupart des fruits de mer du Pacifique auront des niveaux de radioactivité inférieurs aux niveaux maximaux autorisés, assure Tilman Ruff, médecin spécialisé en santé publique et en maladies infectieuses.

«Cependant, chaque hausse de l’exposition à la radioactivité augmente la probabilité de cancer et d’un certain nombre d’autres maladies, en particulier les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, ainsi que des dommages génétiques permanents pour les personnes exposées. Cela est vrai même pour les expositions inférieures aux limites autorisées.

«Dans l’ensemble, les femmes et les filles sont 40% plus susceptibles de contracter un cancer pour la même exposition aux rayonnements que les hommes et les garçons, et les jeunes enfants sont quatre à cinq fois plus sensibles aux méfaits des rayonnements à long terme que les adultes. Toutes les expositions aux rayonnements évitables doivent être réduites au minimum autant que possible, en particulier pour les personnes les plus exposées.

«Une fois rejetées dans l’océan, les matières radioactives se propagent largement avec les courants océaniques, ainsi que par les poissons migrateurs, les mammifères et les oiseaux. Certains se désintègrent rapidement, d’autres très lentement. Certains, comme le tritium, deviennent assez dilués; la plupart des autres, comme le césium-137, le strontium-90, le cobalt-60 et le carbone-14, s’accumulent dans les sédiments des fonds marins à des concentrations qui sont des milliers de fois supérieures à celles présentes dans l’eau de mer. Plusieurs deviennent également concentrés et sont recyclés dans les plantes et les animaux comme les poissons – comme le carbone-14 qui atteint des concentrations dans les poissons jusqu’à 50 000 fois plus élevées que l’eau dans laquelle ils nagent. Les poissons vivant au fond de la mer et au sommet de la chaîne alimentaire, comme le thon, auront les niveaux de contamination les plus élevés.»


Deux questions à…

Vlado Vivoda, professeur d’études stratégiques à l’Université Deakin, en Australie

Est-ce qu’il sera toujours sécuritaire de consommer de la nourriture provenant de l’océan Pacifique ?

Il est peu probable que le rejet proposé d’eau radioactive traitée et diluée de la centrale nucléaire de Fukushima dans l’océan Pacifique entraîne une modification significative des propriétés sanitaires des produits de la mer destinés à la consommation humaine. Le consensus scientifique est que le rejet proposé ne constitue pas une menace pour la santé humaine. Le rejet est similaire à l’élimination des eaux usées nucléaires traitées dans d’autres centrales nucléaires à travers le monde, y compris dans le pourtour du Pacifique. Beaucoup plus de matières radioactives non traitées et non diluées ont été rejetées dans le Pacifique par des essais d’armes nucléaires effectués par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France au cours des années 1940, 1950 et 1960.

Quelles sont les conséquences auxquelles on doit s’attendre ?

Le rejet proposé d’eau radioactive traitée de la centrale nucléaire de Fukushima dans l’océan Pacifique a été décrit comme une «solution réaliste» par le premier ministre japonais Yoshihide Suga. Cette libération aiderait le Japon à résoudre le problème de la diminution de la capacité de stockage de l’eau radioactive de Fukushima, les réservoirs de stockage devant se remplir d’ici 2022. Une autre catastrophe naturelle pourrait rompre les centaines de réservoirs contenant l’eau contaminée, provoquant une nouvelle crise environnementale.

Le Japon fait valoir que le rejet des eaux usées est sûr car elles sont traitées dans un processus de filtration complexe qui élimine presque tous les éléments radioactifs et seront également fortement diluées. Selon les scientifiques, les éléments restants, comme le tritium, ne sont jugés nocifs pour l’homme qu’à de très fortes doses. Ils disent que l’eau diluée ne présente aucun risque scientifiquement détectable. De plus, le tritium a une demi-vie courte de seulement 12 ans.

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