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Hanté par les réfugiés rencontrés en Ukraine

Le journaliste indépendant cofondateur de la plateforme The Rover Christopher Curtis revient d’un périple d’une dizaine de jours en Ukraine. En entrevue avec Métro, le Montréalais explique qu’il est parti à la rencontre de réfugiés ukrainiens pour mieux comprendre les conséquences humaines de l’invasion russe.

Ce qui a poussé Christopher Curtis à se rendre seul en Ukraine, c’est d’abord un sentiment qui s’apparente à de la culpabilité, raconte-t-il.

En effet, en discutant avec une «coordonnatrice» ukrainienne, le journaliste apprend que la dame en question a une fille ayant à peu près le même âge que la sienne. «Le fait que sa fille doit être en danger et que la mienne peut vivre, que l’on peut presque prendre pour acquis que ça va être facile pour elle, ça m’avait vraiment dérangé et perturbé», affirme Christopher Curtis. 

«En regardant les reportages et en voyant le nombre d’enfants qui sont affectés par la guerre, je me sentais vraiment incapable de penser à autre chose», poursuit-il. 

M. Curtis publie ses reportages en anglais. Vous pouvez lire ici une version traduite d’un de ses textes. Pour la couverture complète de son périple, rendez-vous sur le site de The Rover.

Des vies humaines changées à jamais

De son arrivée en Ukraine, après avoir traversé la frontière polonaise en pleine nuit, Christopher Curtis se rappelle surtout les réfugiés vulnérables, en grande majorité des femmes, des enfants et des aînés, qui tentaient à tout prix de fuir leur pays. 

Pour lui, c’était important de comprendre comment ces «98 ou 99% du pays» qui ne sont pas au front vivent cette crise. «Il faut comprendre que la guerre, ce n’est pas juste ce qu’on voit à la télévision, les faits saillants ou les explosions. La guerre, c’est voir un enfant attendre en file pendant 24 heures pour sortir de son pays. C’est d’être dans un autobus avec des gens qui quittent le pays en n’ayant aucune idée de ce que demain va leur amener», explique-t-il.

M. Curtis était basé à Lviv, une ville d’Ukraine dans laquelle il voyait passer environ une centaine de milliers de réfugiés par jour. «Une grande partie passait par la station de train. Il y avait tellement d’enfants qu’il a fallu créer une salle spéciale pour accueillir des bébés. […] C’est difficile de penser à ces petits-là», confie-t-il.

Des civils visés

D’après les témoignages de réfugiés rencontrés en Ukraine, Christopher Curtis affirme que les civils ont l’impression d’être visés par les forces militaires russes.

Ils parlaient souvent du fait que leur quartier n’a aucune valeur stratégique et que détruire leur quartier ne sert à rien à l’armée russe. Sauf leur faire peur et les tuer.

Christopher Curtis

Depuis le début de l’invasion, une centaine d’enfants ont perdu la vie et une vingtaine d’infrastructures médicales ont été bombardées, rappelle le journaliste. «Ce n’est pas un hasard. On vise les civils. C’est ce qui s’est passé en Syrie», ajoute-t-il.

Selon Curtis, les Ukrainiens sont victimes d’un «nettoyage ethnique» de la part de la Russie. «Il y a une déshumanisation [du peuple ukrainien] et un niveau de violence extrême. La vie humaine n’a aucune valeur pour le président russe. Ça te donne des cauchemars», dit-il.

Le choc du retour

Après 10 jours d’absence, Christopher est revenu à Montréal mardi, poussé par le désir de revoir son bébé et sa conjointe. «J’avais presque honte de les avoir quittés. Mais à la fois j’avais honte d’avoir quitté l’Ukraine parce que je me sentais comme si je n’avais pas vraiment aidé ou que j’aurais pu en faire plus. Il y a beaucoup de culpabilité. J’essaie encore de négocier ces émotions-là dans ma tête», raconte-t-il. 

S’il mentionne que ce séjour lui a fait manquer certains moments irrattrapables avec sa fille, le journaliste estime que le tout en a valu la peine. Celui qui dit n’avoir jamais senti être en danger en Ukraine prévoit déjà y retourner dans quelques mois, lorsque les choses seront plus stables. 

Il aimerait aussi discuter avec d’autres réfugiés d’ailleurs qui, selon lui, «doivent faire un deuil non seulement du pays qu’ils ont perdu, mais de l’avenir qu’ils ont peut-être perdu. De leur langue et des subtilités de leur culture qu’ils ne pourront jamais retrouver dans un autre pays», pense-t-il. 

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