Fierté caquiste
CHRONIQUE – Se déroulait ce week-end le dernier congrès de la CAQ avant le scrutin automnal. Manifestement annonciateur de ses prochaines couleurs électorales, le thème de «fierté» y aura occupé le haut du pavé.
Fidèles à leurs habitudes, les staffs de députés et ministres allaient engloutir les médias sociaux de photos et vidéos dudit congrès avec, en filigrane, la thématique en question. Déclinée à toutes sauces, celle-ci devait s’immiscer à chaque publication ou presque: «Wow! Tout un congrès!! C’est avec fierté que j’y ai participé… avec mon équipe de feu… dont je suis si fier!»
À Dorval cette même journée afin d’accueillir les premiers réfugiés ukrainiens, le ministre de l’Immigration ne pouvait s’empêcher d’affirmer «sa fierté» à cet effet. Fier de remplir nos obligations internationales, donc.
Bref, à la CAQ, on est fier. Fier d’être fier. Temps plein.
Rien de mal à ça, mais reste néanmoins la question suivante: de quoi – et on le demande sans malice – la formation de François Legault est-elle si «fière»? À part ses scores fantasmagoriques dans les intentions de vote, évidemment, quelles réalisations concrètes la propulsent au Saint-Graal de l’autocongratulation?
Parce qu’un coup d’oeil, même vif, au bilan des quatre dernières années laisse dubitatif, sinon pantois.
Fier de… constituer la province canadienne avec le plus de morts durant la pandémie?
De Herron?
Du refus de tenir une enquête indépendante sur ces tragédies humaines, potentiellement les plus importantes de l’histoire récente?
De l’ovation en chambre à Marguerite Blais et Danielle McCann, les deux ministres alors responsables?
Fier… de leur bulletin environnemental?
D’un troisième lien unanimement décrié par la communauté scientifique et écologiste?
Du fait que les Québécois, par tête de pipe, émettent deux fois plus de GES que les Chinois, et six fois plus que les Indiens?
De soustraire de l’analyse du BAPE une pléiade de projets controversés ou discutables?
De permettre, comme dans le bon vieux temps, à quelques minières du Nord québécois de garrocher leurs déchets à même nos lacs et rivières?
Fier de… notre système de santé?
Du non-respect de leur promesse-phare de la dernière campagne électorale de déchirer l’entente d’un milliard supplémentaire avec les médecins spécialistes?
De s’être fait tirer l’oreille – et c’est encore le cas – afin d’honorer leurs engagements financiers face aux préposés aux bénéficiaires, nos «anges gardiens» pandémiques?
Fier de leur bilan… devant les tribunaux?
Du fait de s’être fait ramasser par la Cour supérieure après avoir:
Voulu déchirer illégalement plus de 18 000 dossiers d’immigration pourtant remplis en bonne et due forme?
Violé la séparation des pouvoirs en matière de bilinguisme judiciaire?
Imposé un couvre-feu à des sans-abris?
Refusé des services de CPE à des réfugiés?
Fier de… la lutte au racisme?
De nier le concept de racisme systémique, pourtant démontré scientifiquement par les rapports de la commission Viens et de la Commission des droits de la personne du Québec, et reconnu par la GRC et le SPVM?
D’avoir battu la résolution sur le Principe de Joyce, voulant que tous les Québécois, incluant les Autochtones, aient accès aux mêmes soins de santé?
D’avoir provoqué, de ce fait, un recours devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU?
D’avoir adopté la loi 21, laquelle empêche les femmes musulmanes portant le voile d’enseigner, en pleine pénurie de personnel?
Fier de… la loi 96, qui permet aux inspecteurs de l’OQLF de fouiller, perquisitionner et saisir sans autorisation judiciaire les bureaux d’entreprises, de médecins ou de journalistes?
Fier de… l’actuelle crise de main-d’œuvre?
De celle relative à l’inflation, où le nanan de 500 $ donné à tout un chacun aura contribué non pas à solutionner l’affaire, mais plutôt à la galvauder?
De la crise du logement et ses loyers à 500-600 $, dixit le premier ministre?
Fier d’avoir… gouverné deux années complètes, soit beaucoup plus que nécessaire, par décret?
Fier d’avoir… brisé leur promesse, pourtant névralgique, d’ajouter un mode de scrutin proportionnel?
Morale de l’histoire ? La «fierté», bien fondée, arrogante ou exagérée, sert de paravent électoral d’une efficacité sans nom. Parce que pendant que l’on se flatouille de satisfaction la bédaine nationale, le vrai bilan et les enjeux réels s’éclipsent d’eux-mêmes. Pratique.