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Les convictions

Photo: Montage archives Métro

CHRONIQUE – Depuis mon arrivée à Hochelag, je traîne, ici et là, au Canard Café, petite bombe sympa. J’y croise dernièrement un ami engagé au Parti libéral, comme staff. Brillant, cultivé, progressiste. Le genre qu’on souhaite voir sur la patinoire.

– Hey, bravo pour votre virage vert. Une excellente idée, le truc des hydrocarbures et du 100 milliards.

– Ouais, on est content.

– Il était temps que vous parliez d’environnement pour la peine! Il est là, l’enjeu.

– Je sais bien. Mais tsé, faut aussi faire du realpolitik, être réalistes. On ne peut être dans les seuls principes; on n’est pas chroniqueur, nous.

Sans malice ou méchanceté, sa boutade m’a néanmoins fait réfléchir: la politique 2021 consiste, au mieux, en un jeu d’équilibre convictions-calculs.

Peu après, au micro de Nic Payne, ce dernier me lance:

– Que pensez-vous du PLQ et de sa proposition de nationalisation des hydrocarbures? Vous ne trouvez pas que c’est commun et pratique, pour les partis politiques, d’envoyer l’attention ailleurs? Que c’est bon chic, bon genre, côté vertu? Que ça permet d’occulter le fait que les libéraux sont actuellement à 10% des intentions de vote chez les francophones? Et quels seront les gains potentiels, électoralement, pour le PLQ, à votre avis?

– Hmmmm… Et si je vous répondais, Nic, que la survie de l’humanité devrait transcender les seuls calculs politiques? Que celle-ci ne devrait pas constituer un simple jeu de calculette électorale, mais surtout de principes? Et comme principes, justement, me semble que la survie de l’humanité devrait trôner au sommet de la hiérarchie des préoccupations politiciennes, non?

– Je vous l’accorde. Mais côté répercussions?

– M’en tape.

***

Lors du congrès du PQ du week-end dernier, je ne pus m’empêcher de relayer, sur Twitter, cette petite pièce jouissive: une publication de Paul St-Pierre Plamondon, datant de 2017, s’apprêtant, selon ses propres termes, à aller «porter un message d’ouverture» aux péquistes, en tentant de les convaincre d’une évidence maintenant reniée par le néo-chef: celle du racisme systémique.

Un de ses militants m’apostrophe dès lors:

– C’est le propre de la politique, l’art du possible.

L’art du possible? Ah bon. J’y voyais plutôt un processus pandémique chez le politicien moyen: celui de laisser en pan toutes convictions dès lors que l’obstacle électoraliste s’avère trop considérable. Dire à la foule visée ce qu’elle souhaite entendre, à charge de retour d’ascenseur: son appui.

Reste que dans ce cadre précis, et sous réserve des volte-face maintenant classiques de Plamondon, je ne peux qu’éprouver un respect certain pour le militant péquiste actuel. Alors que nombre d’entre eux auront troqué, sans justification morale, leurs convictions souverainistes pour un job au gouvernement Legault, disons que ceux restant méritent chapeau bas, député.e.s  inclus.es.

Parlant de guidouneries caquistes, admettons, ici encore, l’évidence: les valeurs du parti sont définies au gré du dernier sondage Léger. Rien de mal à gouverner en quête d’un assentiment populaire constant, bien entendu. Sauf que les montants engloutis, d’une absurdité stratosphérique, suggèrent plutôt l’absence de tout autre gouvernail. Idem quant aux publicités gouvernementales, permettant à la roue de rouler: comme l’indiquait Michel C. Auger, entre mars 2020 et février 2021, le cabinet Legault aura dépensé davantage que le gouvernement fédéral et les autres provinces réunies, soit 135 millions de spin visant à astiquer sa propre statue.

D’ordinaire un parti de convictions, Québec solidaire se livre lui aussi, dernièrement, aux chants des sirènes électoralistes: il faudra attendre l’après-élection afin de connaître ses nouvelles propositions, sinon postures, sur l’enjeu de la laïcité, loi 21 au premier chef. D’ici là? Mutisme complet.

Morale de l’histoire? Des principes si nécessaires, mais pas nécessairement des principes. Attendons plutôt voir si ceux-ci paient, ou en coûtent, électoralement parlant.

P**** que je m’ennuie, et solidement, des politiciens d’antan qui nous faisaient rêver, convictions à l’appui. Tirant le peuple vers le haut, refusant de s’adresser au plus bas dénominateur commun.

Mourir pour des idées, mais de mort lente, chantait Brassens. Précisément ce qui s’en vient, les idées en moins. Confortable agonie.

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