Soutenez

Un café autochtone qui «brise les barrières en passant par la nourriture»

Photo: Josie Desmarais | Métro

Créer des ponts entre les peuples et mettre fin aux préjugés à l’égard des Premières Nations sont au coeur des objectifs de la Maison Ronde, le seul café autochtone de Montréal, qui ne manque pas d’originalité dans ses efforts pour faire rayonner la culture culinaire autochtone. Reportage.

Le café de la Maison Ronde a ouvert en 2015 dans le Square Cabot, un parc situé à l’ouest du centre-ville, au coin de l’avenue Atwater et de la rue Sainte-Catherine Ouest. Cet espace vert, qui sert depuis de nombreuses années de point de rencontre pour les itinérants inuits et autochtones, a été l’objet d’une vaste revitalisation en 2015 qui a coûté plus de 6M$ à la Ville de Montréal.

Installé dans une petite construction en brique de forme semi-circulaire, ce café exigu est muni d’un four servant à confectionner la banique, un pain traditionnel autochtone utilisé pour cuisiner des sandwichs et des desserts. On y trouve également une machine espresso et des chaises colorées ont été installées autour du café avec de petites tables destinées aux clients.

«Il n’y a pas de meilleur endroit au monde pour créer des liens et se rencontrer qu’un café ou un restaurant», a lancé à Métro le chef du développement social à L’Itinéraire, Charles-Éric Lavery. L’organisme, qui est à l’origine de ce café unique, est épaulé par l’arrondissement de Ville-Marie, qui finance le projet depuis 2015. L’entente financière initiale prenant fin cette année, l’avenir de La Maison Ronde semblait incertain au début de l’été.

Cependant, M. Lavery a indiqué à Métro être «pas mal sûr que le financement va être renouvelé»; le café, ouvert du mois de mai à la mi-octobre, ayant démontré qu’il joue un rôle social important. En effet, en plus de faire découvrir une partie de la culture autochtone par son menu unique, la Maison Ronde a également permis depuis trois ans à plusieurs personnes autochtones en situation d’itinérance ou de précarité de se trouver un emploi à temps plein. Actuellement, le café compte quatre employés saisonniers.

«On veut briser les barrières entre les Blancs et les Autochtones en passant par la nourriture», a indiqué la coordonnatrice du café de la Maison Ronde, Mélodie Grenier. La gestionnaire, qui travaille au côtés des autres employés dans la cuisine et à la caisse, se réjouit de pouvoir contribuer à défaire les mythes qui entourent les premiers peuples. «On est tellement dans la folklorisation des Autochtones. [Au café de la Maison Ronde], on fait de la sensibilisation par le service à la clientèle. C’est une belle déconstruction de l’idéologie», a-t-elle lancé.

Un nouveau menu
Mardi dernier, le groupe communautaire L’Itinéraire a organisé une dégustation des plats concoctés par la Maison Ronde, qui a dévoilé pour l’occasion son nouveau menu réalisé par le cuisinier autochtone George Lenser, originaire de la Colombie-Britannique. Tout en s’inspirant des techniques de préservation autochtones, le chef a voulu que ses plats soient «simples à préparer et abordables».

Ainsi, la Maison Ronde propose désormais des sandwichs composés de pain banique, de saumon, d’échalotes, d’algue séchée et de caviar. Un heureux mélange qui rappelle au cuisinier «les lunchs» que lui faisait sa grand-mère quand il était enfant. Le café offre également des tacos, inspirés de la culture culinaire autochtone du Mexique, composés de pain banique, de crème sûre, de pico de gallo (une salsa maison) et de viande au goût fumé. En plus d’une salade des trois soeurs composée de maïs mariné, d’haricots verts et jaunes, de courge poivrée, le tout agrémenté d’une vinaigrette à la moutarde de Dijon, le café sert aussi des madeleines uniques. Composé d’une pâte à pain banique agrémentée de crème fouettée, de sirop d’érable et de noisettes, ce dessert saura séduire tous les becs sucrés.

«À partir du moment où on décide de cuisiner des mets autochtones en leur donnant une touche contemporaine, c’est très intéressant et ça permet de créer des ponts» entre les Autochtones et les Allochtones. –Mélodie, coordonnatrice du café de la Maison Ronde

Attirer des clients
En raison des travaux de construction qui sont réalisés dans le Square Cabot, cette troisième saison, qui se termine à la mi-octobre, «a été catastrophique», a confié Mélodie Grenier. Elle espère que des événements comme celui organisé mardi, qui a permis à L’Itinéraire de vendre 53 repas prépayés de 15$, «attirent des clients» et permettent au seul café autochtone de la métropole de continuer sa mission «l’an prochain».

«C’est un travail d’économie sociale. Notre but, ce n’est pas de faire des profits. Tant qu’on arrive kif-kif, on est super contents», a quant à lui soutenu M. Lavery, rappelant que son projet n’a non pas comme but premier de faire des profits, mais d’aider ceux dans le besoin. «Par contre, c’est un défi de ne pas être déficitaire et de faire rouler la business. En ce moment, on est déficitaire», a-t-il concédé.

Alors que des milliers d’Autochtones résident dans la métropole, il peut sembler étonnant que la Maison Ronde soit le premier café autochtone de Montréal. «Il y a des raisons historiques à ça», croit George Lenser, ajoutant que le niveau d’éducation au sein des membres des Premières Nations est «généralement plus bas» que le reste de la population. De nombreux Autochtones ne parlant pas français, cela expliquerait selon lui pourquoi on retrouve «quelques restaurants» autochtones à Toronto et aucun à Montréal.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.