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Valérie Plante: «J’assume mon budget même s’il n’est pas sexy»

Photo: Josie Desmarais/Métro

Sous le feu des critiques depuis la présentation la semaine passée du premier budget de son administration, qui prévoit une hausse moyenne des taxes de 3,3%, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, continue de défendre ses projets et ses choix. Visiblement très émue par ces réactions, l’élue a tenu à préciser les mesures qu’elle souhaite mettre en oeuvre, tout en admettant des erreurs de communication.

Face à la grogne de différents élus, citoyens et organismes, allez-vous réécrire votre budget?
Non, on ne va pas réécrire le budget. On est arrivé en poste dans un contexte pas facile, avec cet écart bien réel des revenus projetés et des dépenses [un trou de 358M$ dénoncé par l’administration Plante dès son élection]. On a fait des choix, différents de la précédente administration, et on les assume. Je n’ai pas de marge de manœuvre. La mobilité, l’habitation, la vie de quartier: c’est notre budget. On ne peut pas le revisiter. Mais s’il y a une chose sur laquelle je suis bien d’accord, c’est sur la façon dont on a communiqué le budget.

Il y a eu des erreurs de communication?
Absolument. Mais il n’en demeure pas moins que dans ce contexte financier, on a décidé d’être responsable et de mettre en application certains de nos engagements faits en campagne électorale. C’est ce que j’ai envie que les gens entendent. On a décidé de ne pas couper dans les services aux citoyens et dans les arrondissements comme ce fut le cas lors des quatre dernières années. On a même remis de l’argent. On a dit qu’on allait s’occuper de la mobilité et de l’habitation. Et c’est exactement ce qu’on a fait.

«Ma plus grande erreur a été de ne pas bien expliquer mon budget. J’aurais dû savoir que ça toucherait les Montréalais.» – Valérie Plante

Vous investissez notamment 28M$ supplémentaires pour le transport en commun, mais les 300 nouveaux bus récemment promis narriveront quen 2020. Quest-ce qui va changer en 2018?
La fréquence des métros, le soir, va être augmentée. On n’attendra pas plus de 5 minutes. On va aussi remettre des bus et investir là où la fréquence a baissé. On veut desservir correctement des secteurs comme Griffintown, Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles, où les gens se sentent complètement abandonnés.

Vous avez évoqué la semaine passée un réinvestissement dans la réfection des rues. Concrètement, que souhaitez-vous faire? Réduire les nids-de-poule?
Effectivement et on va aussi sécuriser plus d’intersections et de viaducs. La qualité de la chaussée a un impact sur les automobilistes, les camions, les cyclistes et même les piétons. L’idée est d’avoir une réfection plus durable afin de s’assurer qu’on ne refasse pas les rues tout le temps. J’avoue avoir un peu peur de la fin de l’hiver et de voir l’état des routes. Le froid puis le redoux ont un impact important. Il ne faut pas oublier qu’on investit aussi 6M$ supplémentaires pour le déneigement afin d’améliorer, notamment, l’entretien des trottoirs.

Un des thèmes de votre campagne était la rétention des jeunes familles. Mais en augmentant les taxes pour les propriétaires, qui transmettront la facture aux locataires, ne craignez-vous pas de les faire fuir?
On veut garder les Montréalais à Montréal. On va investir, à terme, 21M$ sur des programmes d’accès à la propriété, c’est énorme. On veut aussi avoir des logements sains. Un ménage sur trois à Montréal vit avec un problème d’insalubrité, c’est un chiffre préoccupant. On double le nombre d’inspecteurs pour veiller à ces problèmes. Je ne veux pas minimiser l’impact de ces hausses [de taxes], mais les programmes d’aide qu’on va mettre en place vont être substantiels.

À quel moment ces mesures, dont le remboursement de la taxe de bienvenue pour les premiers acheteurs, seront annoncées?
On m’a déjà présenté la première ébauche du programme et on est en train de le peaufiner, de régler les détails. On le verra en 2018.

Tout au long de votre campagne, vous avez annoncé vouloir réduire la congestion. Ce budget le permet-il?
Ce n’est pas, malheureusement, quelque chose qui se règle en un claquement de doigt. On a des mesures à court, moyen et long terme. Très rapidement, on veut une meilleure gestion des chantiers avec une équipe qui veillera à améliorer la circulation autour de ces chantiers. Il y aura un effort soutenu avec les forces de l’ordre. Mais la congestion ne se règle pas qu’avec la gestion des chantiers, mais aussi avec l’amélioration du transport collectif.

La STM a néanmoins déjà annoncé une hausse des tarifs en juillet après un gel en 2017. Nest-ce pas un message ambivalent?
Mais si on ne réinvestit pas dans la flotte et la fréquence, les gens ne prendront pas les autobus. Il faut contrôler la hausse des tarifs, mais je jase avec les gens dans le métro et ils me disent être confortables avec une certaine augmentation, s’il y a la fréquence et la qualité. Quatre ans de sous investissement, ça paraît.

«On voulait faire une rupture avec la façon dont la précédente administration avait géré l’argent public. Oui, on peut faire le statu quo et refiler la facture aux arrondissements. Ça ne paraîtra pas dans les journaux. Mais pour nous, la vie dans les quartiers est primordiale.» – Valérie Plante

De nombreux commerçants craignent pour la vitalité de leurs commerces. Quen est-il du fonds promis pour aider les commerçants touchés par des travaux?
L’idée est soutenir financièrement les artères commerciales locales lorsque des travaux se prolongent. On veut présenter ce programme d’ici l’été. On veut aussi revoir les règles fiscales qui désavantagent les petits commerçants des artères commerciales locales. On ne trouvera pas de formule magique, mais on pourrait être créatif. La créativité amènera sans doute son lot d’inquiétudes ou d’irritants, c’est sûr, mais on s’est engagé à revoir cette fiscalité dans son ensemble, car on très conscient que les commerçants à Montréal sont parmi les plus taxés au Canada.

Avez-vous l’impression que votre lune de miel avec les Montréalais s’est arrêtée?
Cette notion de lune de miel m’embête car elle entraîne des attentes démesurées. Ce budget montre là où je veux investir l’argent. Je ne veux pas le mettre dans une Formule E ou dans des projets personnels qui m’intéressent. Je le mets là où j’ai dit que j’allais le mettre: les transports, l’habitation, l’insalubrité et les commerces locaux.

Que répondez-vous aux villes liées qui sont prêtes à faire appel à Québec afin de contester la hausse de leur quote part?
Je prends la responsabilité d’avoir une meilleure communication avec elles en amont. Mais il ne faut pas oublier qu’il est question du partage des coûts qui ont augmenté pour les pompiers, les policiers, les infrastructures de l’eau. Ce sont des responsabilités gérées par la Ville de Montréal mais tout le monde en profite. Je l’entends, mais j’ai de la misère avec cette critique. Ce sont notamment des coûts qui ont augmenté en raison de nouvelles conventions collectives et nous, comme agglomération, on doit faire avec.

L’augmentation, sensible, de cette taxe deau était-elle nécessaire?
C’est un geste courageux qui n’est absolument pas sexy. C’était primordial, et l’opposition peut dire ce qu’elle veut. Il n’y pas eu assez d’investissements ces dernières années pour réparer nos fuites. On perd en ce moment beaucoup d’eau et, si on ne répare pas, Québec peut nous donner des pénalités très importantes. Il faut savoir que lorsque tu répares un tuyau maganné qui explose, ça coûte 10 fois plus cher que de le réparer en amont. J’aurais pu faire le service minimum et le faire plus tard. J’ai dit non, on y va. Mais c’est sûr, c’est risqué.

Ne regrettez-vous pas ce risque?
J’ai entendu les critiques et les tomates. Mais il y a une chose dont je suis fière: dans ce budget-là, on n’a pas fait comme les administrations précédentes et on ne s’est pas mis la tête dans le sable en se disant qu’il n’y a pas de problèmes de fiscalité ou dans notre réseau d’aqueducs. Je considère qu’on est vraiment courageux, même si je sais que politiquement, ce n’est pas payant. Je ne suis pas parfaite, mais pour moi, faire de la politique autrement, c’est poser des gestes qui sont les bonnes choses à faire. Je n’ai pas envie de refiler des factures incroyables à mes enfants. Ça ne me tente pas.

«On peut me reprocher plein de choses, mais pas un manque de courage politique.» – Valérie Plante

On vous sent néanmoins très touchée. Vous attendiez-vous à de telles critiques?
Même si je suis nouvelle en politique, je sais qu’une hausse de taxe crée de la turbulence. J’ai décidé de me lancer dans cette campagne à la mairie car je n’aimais pas cette façon d’entretenir le statu quo et de ne pas faire de gestes politiques forts sous prétexte que ce n’est pas payant à long terme. Moi, ce n’est pas ma logique. Je trouve ça dur de me faire juger, mais je ne suis pas fâchée contre les Montréalais. Je vais continuer d’assumer mon budget même s’il n’est pas sexy.

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