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Montréal ouvre ses services pour sortir les immigrants sans statut «de la clandestinité»

Les élues Rosannie Filato et Magda Popeanu, mercredi. Photo: Josie Desmarais/Métro

Montréal injecte 200 000$ dans une politique d’accès «sans peur» qui ouvrira les services municipaux aux immigrants à statut précaire afin «de les sortir de leur clandestinité». Seule dérogation: le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est toutefois exclu de la démarche.

«On estime à entre 80 000 et 500 000 le nombre de personnes sans statut légal au Canada. Même si c’est difficile de vérifier ce chiffre à Montréal, on doit être proactif», explique la responsable de la sécurité publique, Rosannie Filato.

Si les municipalités ne peuvent protéger un migrant d’un renvoi à cause de son statut – Montréal s’était éloignée en décembre du terme de ville sanctuaire pour cette raison – elles doivent «agir au maximum» pour réduire les inégalités, plaide l’élue. «Les sans-papier vivent des situations très stressantes et, par ces politiques, on leur permet de sortir de la clandestinité», ajoute-t-elle.

La responsable de la diversité, Magda Popeanu, admet que l’accès aux services est parfois «limité» ou «aléatoire» pour plusieurs immigrants. «Il faut reconnaître que ces personnes craignent que leur statut soit dévoilé. Ça créé une vulnérabilité et une précarité», envisage-t-elle.

Dès l’automne prochain, chaque personne immigrante pourra «certifier son identité» auprès de quatre organismes, dont Médecins du monde. Sur présentation d’un permis de touriste, d’étudiant ou de visiteur par exemple, une carte d’accès aux services sera alors émise, même si les documents d’identification sont échus.

La Ville investit aussi 130 000$ dans une nouvelle cellule d’intervention pour les migrants à statut précaire qui ont été victimes ou témoins d’abus, de concert avec le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC).

«Les gens qui feront appel à nous n’auront pas nécessairement à dénoncer. Ce qu’on vise, c’est plutôt la reprise de pouvoir. On a le souci de mieux répondre à cette clientèle qui vient peu vers nous.» -Jenny Charest, directrice du CAVAC

De «très bonnes nouvelles», d’après la directrice des opérations nationales chez Médecins du monde, Véronique Houle, la situation des migrants à statut précaire étant «très méconnue».

Selon les données de l’organisme, plus de 80% des immigrants à statut précaire sont sous le seuil de la pauvreté, alors que 71% d’entre eux «limitent leurs déplacement» par peur d’être arrêtés. Plus de la moitié d’entre eux vivent de l’instabilité résidentielle, une réalité «très inquiétante qui est en croissance», avance Mme Houle, d’autant plus que près des deux tiers deviendront éventuellement résidants permanents ou citoyens.

Le SPVM exclu
Alors que la carte sera valable dans les bibliothèques, les installations sportives ou les camps de jour, elle ne le sera pas auprès de la police de Montréal. «Les lois s’appliquant au SPVM ne sont pas les mêmes qu’à la Ville, justifie Rosannie Filato. Il doit y avoir un certain respect du code criminel.»

D’après l’élue, deux représentants policiers iront prochainement à New York pour évaluer quelles sont les meilleures pratiques à adopter en matière d’identification. «Il y a un système là-bas qui pourraient potentiellement être appliqué ici», résume-t-elle.

Appelé à réagir, le porte-parole du SPVM, André Durocher, affirme que c’est l’indépendance judiciaire qui explique l’exclusion du corps policier.

«Le politique ne peut pas intervenir dans des enquêtes policières. Imaginez une société libre où des politiciens le feraient. Non, les pouvoirs sont séparés.» -André Durocher, porte-parole du SPVM

M. Durocher affirme que la politique d’accès «sans peur» ne changera rien au travail des policiers. «Les lois font déjà en sorte qu’on ne peut forcer quelqu’un à s’identifier pour le plaisir. C’est seulement lorsqu’il y a infraction, enquête ou mandat d’arrestation. Pas parce que vous n’avez pas l’air entre guillemets Québécois de souche», certifie-t-il.

«L’ethnie n’a absolument rien à voir là-dedans. C’est factuel», renchérit-il, soulignant que malgré tout, le SPVM doit déterminer «un équilibre entre ville sécuritaire et inclusive».

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