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Des excuses qui laissent la communauté italienne sur sa faim

Le président du Congrès national des Italo-Canadiens du Canada, Antonio Sciascia. Photo: Fabrizio Intravaia

À l’instar notamment des communautés autochtones et LGBT, les Canadiens d’origines italiennes recevront à leur tour des excuses du gouvernement Trudeau pour des événements survenus au cours de la Seconde Guerre mondiale. Des excuses attendues, mais pour l’instant, insuffisantes.

Le premier ministre Justin Trudeau a révélé le 14 juin la volonté de son gouvernement de présenter des excuses officielles à cette communauté. Il n’a toutefois pas encore indiqué à quel moment celles-ci seraient faites. Dans une même annonce, il a également indiqué que le gouvernement mettrait sur pied un centre d’affaires permanent à Milan, en Italie.

Le conseiller de ville Dominic Perri a milité pendant quatre années pour que des excuses soient offertes. Bien qu’il se réjouisse de la nouvelle, celles-ci sont toutefois insuffisantes à ces yeux, et déplore qu’elles surviennent à quelques mois des élections.

« Ce sont de beaux mots, mais ça prendrait quelque chose de tangible pour les accompagner, pense-t-il. Un bureau de commerce, ce n’est pas un dédommagement pour la communauté, c’est un acte commercial pour favoriser les échanges entre le Canada et l’Italie. C’est bien, mais ça n’a rien à voir avec les internements. »

Le gouvernement Trudeau avait notamment assorti ses excuses envers la communauté LGBT d’un don de 145 millions, et avait également offert 750 millions pour les enfants autochtones enlevés à leur famille.

« On est évidemment très heureux, mais on aurait aimé que [les excuses] soient faites avant les élections, remarque pour sa part le président du Congrès national des Italo-Canadiens du Canada, Antonio Sciascia. Ça devient conditionnel à ce que le gouvernement libéral soit réélu. » Il compte d’ailleurs approcher les autres partis politiques au cours de la campagne pour s’assurer d’en arriver à une entente finale.

Tout comme M. Perri, il espère que les excuses seront accompagnées d’un geste plus tangible afin de rappeler et commémorer l’événement. « On propose d’établir des chaires d’études dans des universités, qui serviraient à l’enseignement de la contribution des Italo-Canadiens au développement du Canada, ajoute M. Sciascia. On aimerait également que cet épisode historique soit rappelé au musée de la civilisation à Ottawa. » Son organisation avait d’ailleurs déposé un mémoire en ce sens au parlement la semaine dernière.

Des photos d’archives provenant des internements.
(Courtoisie Marisa Celli)

Rappel des faits
En juin 1940, sous le gouvernement fasciste de Mussolini, l’Italie entrait officiellement en guerre, au côté de l’Allemagne. Les répercussions se sont faites sentir jusqu’au Canada, où la communauté italienne présente a rapidement été associée à l’ennemi. « On craignait que les Italiens d’ici, qui étaient actifs dans des associations civiques ou culturelles, puissent commettre des actes de subversions contre le gouvernement, résume le professeur d’Histoire à l’Université de Montréal, Bruno Ramirez, qui se spécialise dans l’immigration des Italiens au Québec. Sur la base d’un soupçon, d’une paranoïa, on les a internés dans des camps de travail. »

Au cours de cette période, près de 600 hommes sont emprisonnés dans des camps, où leurs droits ont été suspendus. 31 000 Canadiens d’origine italienne sont pour leur part contraints de se présenter chaque mois dans des postes de la GRC.

« C’est une communauté qui était là depuis des décennies, et qui avait des racines très profondes dans la société québécoise, souligne M. Ramirez. C’est un traitement totalement injuste de la part de l’État, qui a accusé des gens d’être potentiellement subversifs, en raison de leur ethnie, alors qu’ils n’avaient rien à voir avec cette déclaration de guerre. »

Conclure un chapitre
À la Casa d’Italia, sa directrice, Marisa Celli, se réjouit évidemment de cette nouvelle. L’endroit avait été saisi au cours de la guerre par la GRC, qui en avait fait son quartier général. « Ça vient enlever ce stigmate que c’était un lieu reconnu fasciste, alors que ce n’était pas nécessairement le cas. C’est peut-être une façon de revenir en arrière et de voir que malgré tout, la majorité de la communauté était en soutien avec le gouvernement canadien. Ce n’était pas leur guerre, mais ils ont été pris entre ces deux mondes. »

De son côté, M. Sciascia croit que l’annonce permettra de clore un chapitre. « Ça met fin à cette histoire noire. Les familles peuvent maintenant passer à autre chose. On voudrait que ça se termine par des excuses officielles au Parlement, comme ça a été le cas pour les autres groupes. »

Pour M. Ramirez, il est important de se souvenir de cet événement pour éviter de répéter les erreurs du passé. « Ça ne veut pas dire que d’autres crises du genre ne surviendront pas, il faut être très attentif, parce que l’opinion publique peut être facilement manipulée. On voit de plus en plus une certaine attitude négative face aux Québécois d’origine maghrébine, donne-t-il en exemple. Il faut être constamment alerte, pour éviter qu’on tombe dans des pièges de ce genre, comme ça a été le cas pendant la Deuxième Guerre. »

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