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Polytechnique: 30 ans après, un livre pour en prendre «la pleine mesure»

Qui dit Polytechnique dit aussi débat sur la prolifération des armes à feu au Canada. L’organisme PolySeSouvient, composé de plusieurs membres ou proches des victimes, en fait d’ailleurs un cheval de bataille depuis plusieurs années. Photo: Métro

Comment le féminisme a-t-il évolué au Québec depuis la tragédie de Polytechnique, en 1989? Et que peut-on tirer comme société de cette transformation? Trente ans plus tard, la journaliste Josée Boileau tente de répondre à ces questions essentielles, en laissant la parole à plusieurs femmes affectées de près ou de loin par la tuerie, dans son nouveau livre, Ce jour-là, parce qu’elles étaient des femmes, en librairies le 4 décembre.

«J’espère que ça deviendra un repère dans l’histoire du Québec, explique à Métro l’auteure à propos de son livre, mais surtout de ce qu’il traite. Ça va aider à prendre mesure de l’importance de cet événement, à plusieurs niveaux, dans notre histoire collective. Il y a plusieurs angles à creuser dans cet ouvrage, soit pour en savoir plus, soit pour mener ses propres recherches et pousser ça plus loin.»

Peu de gens savent par exemple, dit Mme Boileau, que le milieu de l’ingénierie s’est fortement inquiété, au tournant des années 1990, de l’absence des femmes dans la profession. «Il y a eu plusieurs bourses qui ont été mises en place. C’est ce genre de repère historique qui est mis en lumière», note-t-elle.

Des témoignages

En plus de ces mises en perspectives, la journaliste raconte aussi l’histoire de plusieurs victimes dont la vie a été bouleversée par la tragédie. «Ça m’a permis de constater à quel point on a amalgamé les victimes, alors que ces femmes sont toutes très différentes et intéressantes, poursuit-elle. Elles étaient presque des pionnières. Elles ont laissé leur marque dans le paysage québécois.»

«Je n’ai pas fait ce livre pour dénoncer, mais bien pour essayer de comprendre ce qu’était le mouvement féministe des années 1980, et comment il va ensuite reprendre du poil de la bête.» -Josée Boileau

Son livre laisse aussi la parole à des figures peu connues du grand public. «Si on avait l’impression qu’après 30 ans, tout avait été dit, c’est faux. Il y a encore des gens qui n’ont pas parlé, qui avaient gardé ça pour eux toutes ces années. Ça donne un recul sur la société de l’époque», envisage Mme Boileau.

L’auteure et journaliste, Josée Boileau, en octobre 2016. Crédit: Archives Métro

Depuis Polytechnique, l’évolution des perceptions

Au début novembre, la Ville de Montréal reconnaissait officiellement la tragédie de l’École Polytechnique comme un «attentat antiféministe». Un nouveau panneau commémoratif sera d’ailleurs installé au coin de l’avenue Decelles et du chemin Queen-Mary afin de marquer le coup.

Pour Josée Boileau, la mesure est résolument positive, et en va de l’évolution naturelle de la société. «Un jeune de nos jours se demanderait pourquoi on ne l’a pas identifié comme tel bien avant. Mais dans les années 1980, on n’en était pas à raffiner le vocabulaire sur les questions féministes. On était encore en train de prendre acte des violences faites aux femmes», raisonne-t-elle.

«Le harcèlement, par exemple, était un concept qu’on ne comprenait pas trop encore à l’époque. Aujourd’hui, on est plus précis dans notre façon de nommer les choses.» -Josée Boileau

Porté par des centaines de milliers de femmes à travers le monde, le mouvement #MoiAussi «est bien loin d’être terminé», lance l’auteure. «C’est très présent chez les jeunes femmes : pas de compromis, pas de concession. Cette prise de conscience va durer dans le temps», fait-elle remarquer.

Au Québec, cette sensibilité se traduit par des gestes politiques comme la création d’une table de travail pour mieux traiter les cas d’agression sexuelle dans le système de justice, dit Josée Boileau. Le mouvement «grandissant» dans les universités pour l’égalité des sexes en fait aussi la démonstration, ajoute-t-elle. Mais il reste encore «beaucoup de travail à faire», nuance l’auteure.

Un débat à avoir sur les armes à feu

Qui dit Polytechnique dit aussi débat sur la prolifération des armes à feu au Canada. L’organisme PolySeSouvient, composé de plusieurs membres ou proches des victimes, en fait d’ailleurs un cheval de bataille depuis plusieurs années.

«S’il y a quelque chose de très décevant à ce sujet, c’est le peu de gains pour la lutte qui est menée, reconnaît Josée Boileau. La manière dont le gouvernement Harper a tout défait et, plus récemment, la démission de Nathalie Provost sur le comité du gouvernement Trudeau, montre que ça n’allait nulle part.»

Lors de la dernière campagne électorale, les libéraux fédéraux se sont engagés à bannir les armes d’assaut, dont les fusils semi-automatiques AR-15, s’ils étaient réélus. Seul hic: l’interdiction des armes de poing serait refilée aux municipalités, ce qui déplaît à plusieurs villes dont Montréal.

«Les gens de PolySeSouvient vont être très à l’affût. C’est clair que quand on voit l’explosion du nombre d’armes à feu dans les grandes villes canadiennes, on ne peut que réaliser le sérieux travail de réforme à faire», lâche Mme Boileau.


Ce jour-là, parce qu’elles étaient des femmes

Disponible en librairies et en ligne dès le 4 décembre

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