Antisémitisme: Montréal n’adoptera pas la définition controversée
Devant la levée de boucliers de plusieurs organismes et citoyens, l’opposition officielle à l’hôtel de ville a finalement retiré, mardi, une motion en faveur de l’adoption par Montréal d’une définition controversée de l’antisémitisme.
Le parti Ensemble Montréal a présenté lundi soir une motion pour demander à la Ville d’adopter la définition de l’antisémitisme rédigée en 2016 par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, mieux connue sous l’acronyme anglophone IHRA.
«C’est la définition qui est la plus universellement acceptée», a affirmé, mardi, le chef d’Ensemble Montréal et auteur de cette motion, Lionel Perez.
Certains groupes rejettent toutefois cette définition, à commencer par l’organisme Voix juives indépendantes Canada (VJI). L’organisme, qui est à l’origine de la campagne NoIHRA, a organisé une manifestation devant l’hôtel de ville lundi soir à laquelle une quinzaine de personnes ont pris part. Certaines d’entre elles faisaient flotter un drapeau de la Palestine au-dessus de leur tête.
Un sujet sensible
L’opposition de certains groupes à cette définition controversée de l’antisémitisme est reliée à certains exemples de propos ou d’actes que l’IHRA associe à de l’antisémitisme sur son site web. On y mentionne notamment que «l’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’État d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive». Les critiques à l’égard des politiques du pays peuvent toutefois être légitimes, précise l’organisation.
«C’est un sujet qui est sensible parce que chaque mot compte et chaque virgule compte également», a constaté la mairesse de Montréal, Valérie Plante. Cette dernière a ainsi proposé que la Commission de la présidence du conseil étudie cette définition.
Ensemble Montréal a toutefois rejeté cette option.
«Ce serait quelque chose de contre-productif et ça risquerait simplement de continuer à envinimer le débat. On continuerait d’avoir les actions de lobbying de certains de ces groupes [qui s’opposent à cette définition]», a réagi M. Perez. Ce dernier a donc décidé de retirer sa motion de l’ordre du jour.
«Nous sommes profondément déçus que la mairesse de Montréal, Valérie Plante, n’ait pas apporté son soutien à l’adoption de la définition la plus largement acceptée de l’antisémitisme», a réagi mardi le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), dans un communiqué.
Les opposants heureux
«On a gagné. On est très contents», a pour sa part réagi à Métro le coordonnateur de VJI, Corey Balsam.
Dans les derniers mois, les villes de Calgary et de Vancouver ont repoussé l’adoption de cette définition en raison des vives critiques dont elle fait l’objet.
«On craint vraiment que [cette définition] servent à museler les groupes de solidarité avec la Palestine. […] Il faut absolument empêcher ça», a martelé à Métro le responsable des communications de VJI, Aaron Lakoff.
De nombreux citoyens ont par ailleurs pris part à la période de questions de la séance du conseil municipal en soirée, lundi, pour faire part de leur opposition à cette motion.
«On ne peut pas nier que la définition mise de l’avant par le chef de l’opposition cause de la discussion», a constaté la mairesse de Montréal, Valérie Plante. Elle a d’ailleurs précisé mardi que la Ville a reçu de nombreux courriels et appels des citoyens dans les derniers jours concernant celle-ci.
Anniversaire de la libération d’Auschwitz
Dans les dernières années, plus d’une trentaine de pays, dont le Canada, les États-Unis et la France, ont adopté cette définition de l’antisémitisme de l’IHRA. Elle reçoit aussi l’aval de plusieurs organisations juives, qui estiment que celle-ci définit clairement les différentes formes que peut prendre la haine des Juifs.
«Si tant de pays et de villes sont confortables avec cette définition, je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas le cas de la Ville de Montréal.» -Marvin Rotrand, conseiller de Snowdon
La présentation de cette motion, lundi, concordait d’ailleurs avec la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste. La date choisie, le 27 janvier, fait référence à l’anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, en 1945.