Canada Malting: un projet immobilier privé ou communautaire?
Alors qu’un collectif citoyen tente de s’approprier le site de la Canada Malting, un promoteur immobilier a déposé mardi son projet à l’arrondissement du Sud-Ouest, qui devra trancher sur l’avenir du site.
Le promoteur Renwick Development tente depuis 2016 de convaincre l’arrondissement de le laisser développer ce terrain de près de 12 400 mètres carrés. Celui-ci se trouve dans le secteur le plus pauvre du quartier Saint-Henri.
«Ce projet-là continue d’évoluer. Il est prêt depuis 2017, ficelé et financé», affirme le consultant Glenn Castanheira, qui agit comme porte-parole du projet immobilier.
Évaluée à 120 M$, l’initiative, qui a reçu l’appui de plusieurs investisseurs privés, a franchi une étape importante mardi en raison de son dépôt à l’arrondissement. «Désormais, notre projet est à l’étude», souligne M. Castanheira.
Le promoteur prévoit l’aménagement de 220 logements sur le site, dont 30% de logements sociaux et 60% de logements familiaux. Des condos de plus petite taille viendraient compléter le tout. Le projet inclus aussi l’aménagement d’une soixantaine d’ateliers d’artistes et de plusieurs espaces verts.
«Si les permis sont émis avant l’hiver, les logements sociaux seront prêts en 2021», affirme M. Castanheira.
Un long processus
Le promoteur estime qu’il pourrait commencer les travaux dès le mois d’octobre, s’il reçoit le feu vert de l’arrondissement. Le cabinet du maire de l’arrondissement du Sud-Ouest, Benoit Dorais, est toutefois plus nuancé.
«Ça pourrait prendre six à neuf mois comme ça pourrait prendre quelques années», évoque sa directrice de cabinet, Julie Bélanger. Cela dépendra notamment des modifications qui devront être apportées au projet, indique-t-elle.
«On est en pleine crise du logement. On manque de logements sociaux maintenant et les familles ont de la difficulté à se loger […] On a un projet qui est prêt.» -Glenn Castanheira, porte-parole de Renwick Development
Un projet communautaire
Le collectif À nous la Malting a par ailleurs présenté mardi aux médias le plan financier préliminaire du projet de 45 M$ entièrement communautaire qu’il souhaite voir se concrétiser dans cette ancienne malterie. Celle-ci est à l’abandon depuis 1989.
Le groupe, qui se mobilise depuis 2013 pour obtenir ce site, prévoit y aménager 200 unités de logement, de même qu’une garderie et des jardins communautaires. Un marché et un café-coop se trouveraient en outre dans la cour intérieure. Une serre verrait aussi le jour au-dessus des silos de la Canada Malting.
«Notre message aujourd’hui est clair: oui, nous pouvons faire autrement, au profit de nos communautés», a soutenu mardi Shannon Franssen, la coordonnatrice de la Corporation de développement communautaire (CDC) Solidarité Saint-Henri.
Or, le collectif n’a toujours pas remis les plans de son projet à l’arrondissement, qui en a financé la réalisation. Une entente conclue avec le collectif prévoyait que cela devait être le cas d’ici au 28 février, souligne Julie Bélanger.
En entrevue à Métro, Mme Franssen a nié que l’arrondissement lui ait donné cette date butoir. Elle compte maintenant sur une rencontre prévue le 13 mars pour présenter son projet aux élus de l’arrondissement.
«C’est à partir de là qu’on va déterminer les prochaines étapes avec la politique municipale», note celle qui presse la Ville de Montréal de «mettre ce terrain en réserve». «Si on ne reçoit pas le projet [du collectif], ça va être difficile d’en discuter», a rétorqué Mme Bélanger.
Le temps presse
Concernant la protection du patrimoine, le projet de Renwick Development prévoit de préserver la façade de l’usine et de réaménager ses silos en béton. D’autres parties de l’ancienne malterie feront pour leur part l’objet d’une reconstruction respectant «les mêmes détails architecturaux» qu’à l’origine, indiquent les plans du projet.
«Il y a certains endroits qui vont tomber en ruines», évoque M. Castanheira.
En février 2019, l’organisme Héritage Montréal avait indiqué à Métro qu’il y a «urgence d’agir» de réaménager la Canada Malting avant qu’il ne soit trop tard. «Chaque hiver qu’on ajoute à cette discussion est un coup de main à la démolition du bâtiment par indifférence et délibération», a réagi mercredi son directeur général, Dinu Bumbaru.
-Avec la collaboration d’Annie Bourque