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Un changement de zonage inquiète dans Villeray, en pleine crise du coronavirus

Une bâtisse de logements
Le dépôt de garantie demeure illégal au Québec. Photo: Josie Desmarais/Métro

Un regroupement de citoyens et d’architectes dénonce que l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension veut interdire toute construction sur trois étages dans les zones où on en retrouve moins de 25%. En pleine crise du coronavirus, récolter les signatures nécessaires pour bloquer le projet a été d’autant plus difficile, s’insurgent-ils.

«On ne parle pas de densification extrême, mais bien d’un troisième étage. Ce n’est pas vrai que sur la rue Berri, à trente secondes du métro Jarry, un propriétaire va vouloir acheter une maison ou un bloc sans pouvoir le développer», explique à Métro l’architecte Marie-Andrée Bérubé. Elle dit craindre que les logements abordables et les familles «diminuent en nombre» dans les zones touchées.

Au moins trois autres architectes auraient fait part de la même inquiétude, en plus de plusieurs citoyens. Pour obtenir la possibilité d’organiser un référendum, son groupe devait toutefois obtenir plus d’une douzaine de signatures dans chaque nouvelle «zone» de l’arrondissement. Celles-ci sont délimitées par des quadrilatères homogènes en matière de type d’habitations.

Or, vue la situation actuelle et le confinement à la maison d’une large partie de la population, rassembler toutes ces signatures a été impossible, dit la Montréalaise. «Sur les huit jours de la période admissible de dépôt des signatures, entre le 11 et 19 mars, nous avons perdu la moitié à cause des restrictions pour la COVID-19», s’indigne-t-elle.

La modification au règlement de zonage, elle, a été adoptée lors d’un conseil d’arrondissement de Villeray, au début mars.

Une question de modernité, dit la Ville

Pour le conseiller dans Villeray, Sylvain Ouellet, la situation du cadre bâti appelait à une réforme en profondeur. «Il y a eu énormément d’aberrations dans les règlements d’urbanisme lors du dernier mandat, juge-t-il. Je voyais des projets approuvés, alors qu’ils contrastaient durement avec les autres bâtiments sur la rue. On a fait du ménage.»

L’arrondissement, qui affirme avoir examiné l’ensemble du cadre bâti pendant deux ans pour modifier son règlement de zonage, dit vouloir «passer au 21e siècle».

«On s’est aperçus dans les dernières années, avec le boom immobilier, que tout le monde utilisait le maximum des limites autorisées. Ça faisait en sorte que les nouvelles constructions étaient toujours plus denses, plus hautes et plus profondes», explique Sylvain Ouellet.

«Ce n’est pas une réforme pour tout densifier ou tout geler. Quand il y aura plus de 75% d’une rue qui est uniforme d’un point de vue de la hauteur, ça deviendra la norme.» -Sylvain Ouellet, conseiller de François-Perreault

Débat sur la règle d’insertion

Selon l’arrondissement, ce changement au règlement de zonage ne changera pas la densité du territoire de Villeray, car elle touche une proportion «très faible» de 16% des propriétés, lit-on dans des documents exécutifs.

Se disant «consciente» que la population grandit dans Villeray, la direction a tout de même choisi de retirer les règles d’insertion actuelles qui obligeaient un constructeur à se fier à la hauteur du bâtiment adjacent le plus conforme.

Mais pour Marie-Andrée Bérubé, cette lecture de la situation manque de rigueur.

«On nous parle de 16% visé par une diminution de hauteur, mais seulement en considérant que les règles d’insertion sont encore appliquées. Tous les duplex dans les zones visées vont être pénalisés.» -Marie-Andrée Bérubé, architecte

Sylvain Ouellet, lui, se fait rassurant. «Une personne peut toujours nous présenter un projet qui ne dénature pas la rue. Les probabilités qu’il soit accepté sont quand même grandes. On est toujours ouverts», promet-il.

Ingénieux mais délicat dans Villeray

Pour la spécialiste des questions d’urbanisme et de développement local, Danielle Pilette, cette réforme du zonage est «ingénieuse».

«Ça permet l’harmonisation des rues avec des normes faciles à administrer. Et non des instruments d’urbanisme discrétionnaires qui sont beaucoup plus compliqués», explique-t-elle à Métro.

Cela dit, les inquiétudes sont compréhensibles, juge l’experte. «C’est la rentabilité des terrains à haute valeur qui importe. Rentabiliser la valeur accrue de ces terrains est un solide contre-argument dans le contexte actuel», lâche-t-elle.

«Tout va dépendre de la durée de la crise du coronavirus. Si on devait avoir une grande récession, la valeur des terrains pourrait descendre», conclut Mme Pilette.

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