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Des jeunes forcés de choisir entre la rue et l’abus à cause du coronavirus

Des jeunes dans la maison d'hébergement Tangente.
Des jeunes hébergés dans la Maison Tangente Photo: Courtoisie Auberges du Coeur

Les maisons d’hébergement pour jeunes disent être laissées pour compte par le gouvernement dans la lutte au coronavirus. Plusieurs de ces établissements, qui offrent du soutien aux jeunes de 12 à 35 ans à risque d’itinérance et souvent victimes d’abus, ont dû fermer leurs portes faute de financement pour faire face à la crise.

Sean habite dans une maison d’hébergement jeunesse. Il vient d’une famille où il subissait de l’abus. L’hébergement jeunesse lui a permis de reprendre confiance en lui et de changer ses habitudes, affirme le jeune homme de 24 ans, qui est bipolaire.

«Pour moi, les intervenants sont des héros», dit-il. Si la Maison Tangente, qui héberge Sean, ferme ses portes, il pourrait devoir retourner vivre avec sa famille alors que d’autres jeunes pourraient carrément se retrouver à la rue.

Six des 30 maisons d’hébergement qui composent le Regroupement des Auberges du cœur du Québec ont fermé leurs portes depuis le début de la crise du coronavirus. C’est le cas de l’auberge Service Saint-Denis. Faute de personnel, elle a dû temporairement cesser ses activités.

Le service d’hébergement St-Denis accueillait des jeunes de 15 à 20 ans, dont plusieurs vivent de la détresse psychologique et ont de graves problèmes de santé mentale.

Plusieurs intervenants toussaient et ne pouvaient donc plus travailler, confie la directrice de la maison, Shirley Triggs. «J’aurais pu essayer d’embaucher, mais avec les salaires qu’on offre, on n’est pas de taille, ajoute-t-elle. C’est un problème que nous avions et qui s’aggrave avec la COVID-19.»

Deux des neuf habitants de l’auberge ont dû retourner dans leurs familles abusives, dit-elle. «Ce n’est pas idéal, mais on surveille la situation de près», affirme la directrice.

«Les grands oubliés»

La présidente du conseil d’administration des Auberges du cœur, Johanne Cooper, craint davantage de fermetures si une aide financière du gouvernement n’est pas octroyée aux maisons d’hébergement pour jeunes. Avec la pandémie, les maisons ont dû mettre les bouchées doubles pour servir les jeunes à risque, dit-elle.

Certaines auberges n’offraient pas d’aide alimentaire ou offraient une aide partielle. Elles doivent maintenant trouver de la nourriture pour nourrir les jeunes qui ne peuvent plus travailler, explique Mme Cooper. Certaines auberges manquent de matériel pour combattre le virus, comme des gants, du désinfectant à mains et des lingettes.

«On est déjà sous-financés, et contrairement aux autres maisons qui sont aidées par le gouvernement depuis la crise, nous notre tour n’est pas encore venu», s’insurge Johanne Cooper.

Les Auberges du cœur ont lancé un appel au secours dans une lettre ouverte adressée au gouvernement. «Nous peinons à voir ce qui est fait pour la jeunesse en difficulté. Dans toutes les mesures annoncées à ce jour, les jeunes en situation d’itinérance sont, une fois de plus, les grands oubliés malgré leur vulnérabilité», peut-on lire dans la lettre.

Les Auberges du cœur demandent un financement de 100 000$ par auberge, soit 3 M$ au total, pour pouvoir garder les maisons ouvertes et continuer d’offrir des services aux jeunes vivant des difficultés.

«Traitement inéquitable»

Mme Triggs aimerait que les maisons d’hébergement pour jeunes soient autant considérées que celles pour les femmes victimes de violence, qui ont reçu une aide de 50 M$ de la part d’Ottawa pour faire face aux défis liés au coronavirus.

«Je ne pense pas que notre clientèle soit moins en détresse. Ils viennent souvent de familles où ils ont vécu de l’abandon, de la négligence et de l’abus sexuel. On est beaucoup moins financés alors qu’on a les mêmes coûts et que nous offrons les mêmes services», mentionne-t-elle.

Un constat que partage Johanne Cooper, qui qualifie la situation d’inéquitable. «On demande au gouvernement de démontrer la même volonté politique envers les maisons pour aînés et les maisons pour femmes que pour les jeunes. On veut faire en sorte que nos jeunes ne font pas grossir le nombre de personnes présentement à la rue», dit-elle.

La demande a été acheminée au bureau de la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, qui confirme être en discussion avec l’Auberge du cœur. «Leur mission est importante», a indiqué à Métro le cabinet de la ministre.

Mais Johanne Cooper est sceptique face à ces déclarations. «Ça fait plusieurs fois que nous avons des discussions avec la ministre et leur faisons part de l’iniquité vécue dans les maisons et l’aide tarde à venir.»

Elle garde toutefois espoir.

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