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Réouverture des commerces à Montréal, entre soulagement et inquiétudes

Commerces
Photo: Pablo Ortiz/Métro

C’est jour de réouverture pour plusieurs commerces dans la région de Montréal. S’ils se réjouissent d’entamer enfin un «certain retour à la vie normale», la plupart d’entre eux restent sur leurs gardes, et se demandent à quoi ressemblera la vie économique de demain. Nombreux sont ceux qui estiment que les mesures sanitaires risquent de créer un climat plus froid, moins propice à la consommation. Tour d’horizon.

«Normalement, je dis à mes clients de s’asseoir, de se détendre, je leur offre un café. Tout ça prend le bord aujourd’hui. On va être très sévères dès le départ pour que nos clients se sentent en sécurité. C’est clair que l’ambiance sera plus militaire», explique à Métro le propriétaire de la Librairie de Verdun, Philippe Sarrasin. Il dit préférer en faire «plus que pas assez» pour rassurer sa clientèle. Quitte à obliger le port du masque dans ses locaux.

«Il y a un réel souci chez mes employés. On se demande comment les gens vont circuler, comment ils seront en contact avec nous, ce qu’ils auront le droit de toucher.» -Philippe Sarrasin

Côté revenus, Philippe Sarrasin ne s’attend pas à grand-chose non plus. «Il va falloir que je fasse mon deuil des pertes qu’on a eues dans les derniers mois. On ne va jamais rattraper ça. À court terme, ça ne reviendra pas non plus comme avant, surtout avec cinq personnes maximum dans le magasin», lâche le libraire.

S’habituer au nouveau normal

Sur le boulevard Saint-Laurent, la propriétaire du magasin V de V, Fanny Vergnolle de Villers, abonde dans le même sens. «Le défi principal va être de s’habituer, en tant que travailleur, à changer nos habitudes. Les commerces de proximité ont l’habitude de faire un lien, mais là, le rapport devient plus complexe, non-naturel en fait», raisonne-t-elle.

Dans les dernières semaines, l’entrepreneure a mis le paquet pour créer un environnement chaleureux, même dans les circonstances.

«L’expérience d’achat n’est pas terminée. Notre but est d’essayer de faire oublier tout ça aux gens, en étant bien sûr très sécuritaires. On va trouver des manières de retisser la communauté qu’on avait. C’est une question de temps, et d’ajustements.» -Fanny Vergnolle de Villiers

Le propriétaire du Saint-Viateur Bagel sur l’avenue du Mont-Royal, Vincent Morena, s’inquiète lui aussi pour le commerce local. «On veut tous que ça revienne à la normale, mais on l’ignore. Partout, la clientèle a drastiquement diminué, et on ne sait pas si elle reviendra. Les habitudes ont changé. Chose certaine: ce sera un été très intéressant», avance-t-il.

SDC et commerces sur la ligne de départ

«C’est un mélange de préoccupations et de soulagement», dit le président de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal (ASDCM), Billy Walsh, lorsqu’on lui demande comment il se sent. «Nos façons de faire, notre modèle d’affaire, tout ça va changer. C’est certain qu’il y aura beaucoup d’insécurité», ajoute-t-il, précisant qu’avec le temps, ces nouvelles réalités deviendront la normalité.

«Si on arrive à fournir un cadre d’aménagement qui favorise la distanciation, et qu’on s’y adapte, on retrouvera peu à peu le rythme de croisière.» -Billy Walsh

Le directeur de la SDC de l’avenue du Mont-Royal, Claude Rainville, se veut rassurant. «Effectivement, ça risque d’être un peu plus rigide, mais les gens ont hâte de recommencer à se rencontrer. Les contacts ne seront pas si froids pour autant. Le respect des règles, ça peut se faire dans le respect justement», commente-t-il.

Plus au nord, la société de développement du boulevard Saint-Laurent reste pour sa part réaliste. «On ne pourra rétablir le manque à gagner, dit sa porte-parole, Tasha Morizio. La réouverture va se faire tranquillement, et va prendre du temps. On ne connaît pas le futur, parce qu’on n’a jamais rien vécu de tel. Il faudra prendre le temps de bien réfléchir à nos interventions au quotidien», précise-t-elle.

Chez Destination Centre-Ville, le directeur général Émile Roux parle de «défis particuliers» à affronter. «Tant et aussi longtemps que les 400 000 travailleurs qui représentent l’immense majorité de nos chiffres d’affaires ne reviendront pas, il va falloir s’adapter. Il faut qu’on amène une nouvelle clientèle au centre-ville», envisage-t-il.

Brigade propreté «renforcée», aménagement de mobilier convivial pour gérer les files d’attente, stations-vélos sanitaires et corridors sanitaires; Émile Roux promet d’être très «proactif» sur le terrain dès lundi, pour rassurer la population et les commerçants.


Partout, des préparations à la réouverture

À l’est de l’île, la propriétaire des boutiques écologiques Terre à Soi, Annie Martel, est encore dans les préparatifs. Il y a tellement de choses à mettre en place qu’elle ouvrira ses deux succursales montréalaises à une semaine d’intervalle. «Ouvrir les deux en même temps, c’est trop stressant», confie-t-elle.

Pour elle, le plus compliqué est de construire un parcours-client efficace. «On a beau mettre un plexiglas et des flèches par terre, il faut le tester», explique la femme d’affaires.

Mme Martel souhaite que ce soit le plus clair possible pour le client qui a déjà «beaucoup d’efforts à faire».  C’est pourquoi elle va aussi encourager l’achat en ligne. «Sur le web, tu ne peux pas toucher, mais tu peux prendre le temps de lire les indications et le temps passé en magasin serait moins long», conclut-elle.

Idem sur la Promenade Fleury, où la boutique de vêtements et accessoires Scrupules Inc. vivra de grands changements, selon son propriétaire, Bruno Cloutier.

«Sincèrement, on retravaille notre façon de faire tous les jours, avoue-t-il. On a pu commencer à raffiner la formule, mais on se rend compte que ce n’est plus le même service par rapport à toutes sortes de façons de faire.»

Chez Expertise portes et fenêtres, on ne cache pas la joie de reprendre l’activité normale, même s’il faut faire des adaptations. «Nous allons poser des marquages au sol pour créer un circuit que les gens vont pouvoir suivre dans le magasin», indique un des associés, Danny Vieira.

Avec Naomie Gelper et Amine Esseghir

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