Racisme et police: gare aux «amalgames», dit un ancien directeur du SPVM
L’ancien directeur du SPVM, Jacques Duchesneau, veut créer des ponts entre le public et les autorités pour établir un vrai lien de confiance. Il dénonce que «l’horreur» qu’a été le meurtre de George Floyd, aux États-Unis, soit aujourd’hui associé trop rapidement à tous les services de police, dont celui de Montréal.
«Ce que je regrette, c’est qu’on fasse des amalgames comme on le fait actuellement, qu’on voit des Derek Chauvin un peu partout dans les services de police», a expliqué le principal intéressé lundi, sur les ondes de Radio-Canada.
Il affirme que la «très grande majorité des policiers font un travail extraordinaire, dans un contexte de plus en plus difficile». «Ce qui se passe aux États-Unis est dans un contexte très particulier et au Canada, c’est autre chose», illustre celui qui est aujourd’hui inspecteur général de la Ville de Saint-Jérôme.
Dans une lettre ouverte publiée samedi, M. Duchesneau cite l’exemple du projet Immersion, lancé par la police de Longueuil pour rencontrer, sans armes, des citoyens vulnérables et ainsi établir une vraie relation. «Quand on connaît les policiers avec qui on travaille sur une base régulière, pas dans un contexte de confrontation, ça va bien», illustre l’ancien policier.
«Il faut se rapprocher de la population qui nous parle fort. Il faut être capables de les écouter, mais il faut aussi faire les nuances. Ce n’est pas vrai que tout ne fonctionne pas.» -Jacques Duchesneau, ex-directeur du SPVM
C’est d’ailleurs dans une optique de «réconciliation» que Jacques Duchesneau affirme avoir créé les polices de quartier (PDQ), en 1997. Près de 25 ans plus tard, leur modèle a changé, mais il fonctionne encore, selon lui. «L’approche qu’on avait était de désamorcer les crises en travaillant avec les communautés. Et j’entends encore de bons commentaires», relate-t-il.
Et le financement du SPVM?
Alors que de plus en plus de protestataires appellent à allouer moins de ressources aux corps policiers, Jacques Duchesneau appelle à la prudence. «Quand ça va aller mal à trois heures le matin, on va appeler qui? Des travailleurs sociaux ou des policiers? Il ne faut pas tomber dans la pensée magique non plus», argue-t-il.
«Quand tout va bien dans une société, on a peut-être besoin de moins de policiers, mais dans une situation comme celle qu’on vit actuellement, ça prend des ressources», ajoute-t-il.
Lundi, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, s’est dite «ouverte» à avoir cette «grosse conversation» avec le SPVM, alors que le conseil municipal de Minneapolis a voté le «démantèlement» de la police locale qui laisserait place à un «nouveau modèle» de financement, basé sur l’intervention communautaire.
«Je suis définitivement ouverte, mais je ne veux pas travailler en silo. On doit regarder ça comme province, comme pays.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Le système, premier ennemi
Contrairement à la première manifestation organisée le 31 mai dernier, la marche contre le racisme et la violence policière qui a eu lieu hier s’est déroulée en collaboration avec le SPVM. Les organisateurs avaient d’ailleurs invité le directeur Sylvain Caron à se joindre au cortège, avant de finalement retirer son invitation devant les protestations de plusieurs militants, qui se sont dits «terrifiés à l’idée qu’il soit là».
Le boxeur et fondateur de l’Organisme communautaire Ali et les Princes de la Rue, Ali Nestor, estime qu’il faut viser les bons coupables.
«Ce ne sont pas les policiers nos ennemis. Notre ennemi, c’est le système». Nous devons être les gardiens les uns des autres.» -Ali Nestor, boxeur et organisateur communautaire
Au micro, l’une des coordonnatrices de l’événement, Anastacia Marcelin, a pour sa part fait part de son impatience face à la lenteur des changements demandés. «C’est la dernière marche que la communauté noire va faire contre le racisme et le profilage racial. On a beaucoup marché, mais maintenant il faut qu’on passe à l’action. On n’en peut plus! Le Québec n’appartient pas qu’aux Blancs», a-t-elle martelé.