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Bibliothèque de Pierrefonds: la Ville de Montréal évite un procès avec l’entrepreneur

bibliothèque de Pierrefonds
La nouvelle bibliothèque de Pierrefonds-Roxboro alors qu'elle était toujours en construction, en 2018. Photo: François Lemieux/Cités Nouvelles

L’administration de Valérie Plante ne défendra finalement pas devant les tribunaux son droit de placer l’entreprise à l’origine de l’agrandissement de la bibliothèque de Pierrefonds sur une liste noire, celle-ci ayant proposé de s’exclure volontairement des appels d’offres de la Ville, a appris Métro.

En janvier 2019, l’inspectrice générale de la Ville, Brigitte Bishop, a déposé un rapport accablant sur l’entreprise Les Constructions Lavacon. Cette dernière a remporté en 2017 l’appel d’offres lancé un an plus tôt concernant le réaménagement et l’agrandissement de la bibliothèque de Pierrefonds, dont le contrat initial s’élevait à environ 20,3 M$.

Pour réaliser ce chantier, qui devait initialement prendre fin à l’automne 2018, l’entreprise a fait affaire avec une trentaine de sous-traitants. L’entrepreneur a alors conclu une entente de partage des frais avec ses sous-traitants dans laquelle ceux-ci s’engageaient à lui donner une «cote» de 5 à 15% de la valeur de leurs travaux «pour chaque directive de changement». Ces «manoeuvres frauduleuses» ont incité les sous-traitants à gonfler le prix de leurs travaux pour éviter de subir des pertes financières reliées à cet escompte, indiquait le rapport de Me Brigitte Bishop.

Le rapport constatait également que l’entreprise n’avait pas informé la Ville sur ce processus. «Lavacon cherchait à s’enrichir au détriment de la Ville de Montréal en contournant ses obligations contractuelles», soulevait l’inspectrice générale.

«Lavacon s’est placé dans une situation de conflit entre ses propres intérêts et ceux de la Ville de Montréal puisqu’il a retiré des avantages financiers à ce que les travaux des sous-traitants soient faits au coût le plus élevé possible.» -Extrait du rapport du Bureau de l’inspecteur général de Montréal, publié en janvier 2019

Bras-de-fer

Le jour même de la publication de ce rapport, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, avait promis de punir l’entrepreneur en question.

«On va mettre en place des moyens de réprimander cet entrepreneur-là. C’est tout à fait inacceptable de voler l’argent des Montréalais comme ça», avait-elle réagi.

Brigitte Bishop proposait de bannir pendant cinq ans l’entreprise et son principal dirigeant, Luigi Pallotta, de tous les contrats publics de la Ville, en inscrivant ceux-ci au Registre des entreprises non admissibles. Une demande que le conseil municipal a entérinée en mars 2019.

Or, deux mois plus tard, on apprend que l’entreprise, qui dément toute manoeuvre frauduleuse dans ce dossier, remet en question le pouvoir de la Ville de la placer sur une liste noire. Elle envisage alors de se rendre devant les tribunaux pour contester les intentions de la Ville et fait appel à un cabinet d’avocats.

En réplique, l’administration Plante fait état en juillet 2019 de son intention d’aller devant les tribunaux pour confirmer son droit d’écarter Lavacon de ses appels d’offres. La Ville souhaitait aussi récupérer les sommes qu’elle aurait déboursé en trop dans le cadre de ce contrat.

«Le recours judiciaire de la Ville a été déposé à l’automne 2019, mais la pandémie a freiné sa progression», indiquent des documents décisionnels adoptés à huis clos par le comité exécutif, la semaine dernière.

Une exclusion «volontaire»

Ce procès n’aura finalement pas lieu. L’entreprise a en effet indiqué ce printemps qu’elle ne souhaitait plus soumissionner pour prendre part aux appels d’offres de la Ville «pour la durée de la sanction prévue» par la Ville, indiquent les documents décisionnels, dont Métro a obtenu copie.

L’administration de Valérie Plante voyant là l’occasion de s’éviter un procès judiciaire coûteux, elle a préféré conclure une entente hors cour avec l’entreprise. Celle-ci prévoit donc «une exclusion volontaire» de l’entreprise Lavacon et de son principal dirigeant aux appels d’offres de la Ville, «au minimum jusqu’au 31 décembre 2023». Cette restriction s’applique aussi aux entreprises reliées à M. Pallotta.

«L’entente sera homologuée par la Cour supérieure du Québec, lui conférant ainsi un caractère exécutoire pouvant donner ouverture à la procédure de l’outrage au tribunal en cas de non-respect de ses termes», précisent les documents de la Ville.

Le cabinet de Mme Plante n’a pas commenté. Au moment de mettre en ligne, Lavacon n’avait également pas répondu à Métro.

«Si on avait poursuivi le processus, les décisions au procès auraient sans doute été dommageables pour l’entrepreneur, mais peut-être aussi pour la Ville», analyse à Métro la professeure à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste des affaires municipales, Danielle Pilette.

L’entreprise avait d’ailleurs tout avantage à proposer de s’exclure volontairement des appels d’offres de la Ville, au lieu de terminer sur une liste noire, ajoute l’experte.

«Ça préserve davantage l’image de l’entreprise, qui reste positive, parce qu’elle a conclu une entente hors cour», estime Mme Pilette.

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