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Hausse des évictions: une modification au Code civil réclamée

L'appartement de Frieda Weinstein, dans Côte-Des-Neiges—Notre-Dame-De-Grâce, subit de grosses rénovations par son propriétaire. La dame craint qu'elle et son mari soient forcés de déménager. Photo: Josie Desmarais/Métro

Des élus municipaux et des organismes pressent le gouvernement Legault de modifier un article du Code civil du Québec, alors que le nombre d’évictions est en forte hausse dans l’arrondissement le plus populeux de la métropole, a appris Métro.

Sur une base annuelle, l’Organisation d’éducation et d’information en logement (OEIL) de Côte-des-Neiges traite généralement une dizaine d’avis d’éviction pour subdivision ou agrandissement d’un logement reçus par des locataires.

L’organisme a toutefois constaté une hausse marquée de ce type de plaintes dans les derniers mois. À la fin décembre, il en a reçu 23 en lien avec des évictions prévues dans les prochains mois dans ce quartier, a appris Métro.«Et ce n’est que la pointe de l’iceberg», car plusieurs locataires ne contestent pas leur avis d’éviction, souligne l’organisatrice communautaire Sandy Wodarka.

«C’est une année où on a jamais vu autant d’évictions [pour agrandissement ou subdivision]», confirme une intervenante à Projet Genèse, un autre organisme de Côte-des-Neiges, Margaret Van Nooten.

Des locataires pris de court

Métro s’est d’ailleurs entretenu cette semaine avec plusieurs locataires de l’arrondissement qui écopent de cette situation. Ceux-ci logent dans divers immeubles où des dizaines de locataires ont reçu des avis d’éviction pour les motifs dont il est question.

«Je suis perdue. Je ne sais pas ce que je vais faire avec ça», soupire Intissar Ibn Gandoula. La mère de famille demeure avec son enfant depuis deux ans et demi dans le même logement à loyer modique. Elle craint que si elle ne réussit pas à gagner sa cause devant le Tribunal administratif du logement (TAL), elle ne pourra trouver un autre logement aussi abordable.

«Certaines personnes dans mon bâtiment sont parties et maintenant, elles paient le double de loyer […] Je ne peux pas me permettre de faire ça», soulève d’ailleurs Elena Arnautu Grecu. La dame dans la soixantaine demeure depuis 2002 dans le même logement. Elle aussi entend contester son avis d’éviction, qui lui demande de quitter les lieux avant le 1er juillet

«Il y a des gens qui risquent de se retrouver à la rue parce que les loyers sont très élevés et que pour les personnes vulnérables, c’est très difficile de trouver un logement.» -Margaret Van Nooten, intervenante à Projet Genèse

«Une échappatoire» dans le Code civil

Un effet de gel est pourtant en vigueur dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce concernant l’octroi de permis pour des subdivisions, agrandissements et changements d’affectation. Ce sont d’ailleurs plusieurs arrondissements à Montréal qui ont adopté un règlement dans les derniers mois pour protéger leur parc locatif.

Cela n’a pas empêché des propriétaires d’envoyer des avis d’éviction pour ces motifs à leurs locataires. Métro a d’ailleurs obtenu plusieurs lettres acheminées par l’arrondissement à certains d’entre eux dans les dernières semaines pour leur rappeler qu’ils contreviennent au moratoire en vigueur dans ce secteur.

À l’échelle du Québec, cependant, le droit des propriétaires d’évincer leurs locataires pour les motifs en question est encadré par le Code civil du Québec. L’article 1959 prévoit ainsi que le locataire dispose d’un mois pour contester son avis d’éviction devant le TAL après avoir reçu celui-ci. Autrement, il devra quitter les lieux à la fin de son bail.

«Côte-des-Neiges a un problème d’évictions qui semble prendre de l’ampleur depuis que des propriétaires ont constaté une échappatoire dans le Code civil du Québec», laisse tomber à Métro le conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand.

Québec analyse la situation

L’arrondissement a ainsi adopté une motion au début du mois afin de demander au gouvernement Legault de modifier cet article du Code civil afin que ce soit plutôt au propriétaire de se tourner vers le TAL pour justifier son intention d’évincer ses locataires. Ainsi, seuls les propriétaires qui auraient obtenu les permis nécessaires de la Ville pourraient aller de l’avant.

«C’est urgent de faire quelque chose pour protéger les locataires», martèle à Métro la mairesse d’arrondissement Sue Montgomery.

Contacté par Métro, le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a d’ailleurs confirmé que des discussions sont en cours avec Québec «pour alléger le fardeau de la preuve qui pèse sur les locataires montréalais» qui souhaitent contester un avis d’éviction.

Par écrit, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, assure être «très sensible à toute la question des évictions». Sans s’avancer sur la possibilité de modifier le Code civil, elle ajoute que «des travaux sont menés au sein de [son] ministère pour évaluer les différentes solutions possibles».

«Ce serait très mal avisé si Québec ouvrait la porte à une modification au Code civil. On ne laisserait pas passer une telle mesure», prévient toutefois le directeur des affaires publiques à la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, Hans Brouillette. Cela représenterait «une attaque au droit de propriété», fait-il valoir.

«Ils veulent se débarrasser de nous»

Certains propriétaires n’hésiteraient d’ailleurs pas à utiliser des moyens controversés pour tenter de convaincre des locataires de quitter leur appartement. C’est notamment le cas de Frieda Weinstein, qui demeure depuis 1989 dans le même 4 et demi situé dans Côte-des-Neiges. Elle et son mari reçu un avis d’éviction en lien avec des travaux majeurs pendant le temps des Fêtes, tout comme les autres locataires de l’immeuble.

«[Le propriétaire] continue de pousser les gens à l’extérieur, malgré la pandémie», soupire Mme Weinstein, qui conteste son avis d’éviction devant le TAL. En attendant son audience, la dame affirme subir diverses tactiques du propriétaire de l’immeuble. Ce dernier aurait notamment coupé le chauffage dans une partie du bâtiment et exposé la poussière d’amiante qui se trouvait dans ses murs.

«Je ne sais pas s’ils veulent vendre l’immeuble [après les travaux], mais je sais qu’ils veulent se débarrasser de nous», laisse tomber Mme Weinstein.

Métro n’as pu rejoindre le propriétaire de l’immeuble.

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