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La décriminalisation de la prostitution réclamée à nouveau

Le Comité autonome du travail du sexe (CATS) avait déjà manifesté pour demander la décriminalisation du travail du sexe. C'était en mars dernier. Photo: Denis Germain - Collaboration spéciale

Le Comité autonome du travail du sexe (CATS) organise une manifestation devant le palais de Justice de Montréal à 17h45, ce vendredi, afin d’exiger l’abrogation de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes de l’exploitation. Ce même jour, les audiences de la contestation constitutionnelle de l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe à la Cour supérieure de l’Ontario se termineront.

Plusieurs travailleuses et travailleurs du sexe estiment que la loi a des impacts délétères sur leurs conditions de vie. Ils revendiquent la décriminalisation complète et immédiate de la prostitution.

Cette loi criminalise la communication dans les lieux publics aux fins de services sexuels, les clients et les tierces parties impliquées. «Ça criminalise nos patrons, chauffeur[s]; on a une sécurité. Ça peut même aller jusqu’à nous criminaliser si on partage un espace de travail», explique Adore Goldman, une militante du CATS.

La loi rendrait également le filtrage des clients plus difficile, car ceux-ci mentiraient sur leur identité par peur d’être criminalisés. De plus, elle découragerait les professionnelles d’appeler la police, ce qu’a prouvé une récente étude de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et de l’Université d’Ottawa. Celle-ci concluait notamment que la criminalisation des clients ne protégeait pas les travailleuses du sexe.

De meilleures conditions de travail

«Ce qu’on demande, c’est un changement de paradigme. Nos patrons sont surveillés dans le cadre des lois criminelles, mais ça nuit aux travailleuses, car les lieux de travail peuvent fermer et on peut [y] accroître la présence policière», dénonce Mme Goldman.

Une autre raison derrière la motivation du CATS à abroger cette loi: obtenir de meilleures conditions de travail. Il existe des clients violents ou abusifs, concède Adore, mais la criminalisation de ces derniers n’arrangerait rien.

Ce n’est pas le travail, le problème, mais les conditions de travail qui font qu’on a des risques.

Adore Goldman, militante du CATS

Elle cite l’exemple de la Nouvelle-Zélande, un des rares pays ayant décriminalisé le travail du sexe, en 2003. Cela a permis de mettre en place quelques réglementations, comme l’usage obligatoire du condom. Au Canada, cela permettrait aux travailleuses, entre autres, d’accéder à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), de se syndiquer, de demander des congés et de faire des plaintes. 

«Ça permettrait d’accéder au congé pour parentalité. Ça nous permettrait aussi d’accéder à des compensations ou d’amener son employeur en cour si jamais il ne respecte pas le droit à la sécurité ou si le lieu de travail est non sécuritaire», poursuit-elle.

Ça nous permettrait de nous organiser en syndicat. La criminalisation du travail du sexe rend cela très difficile, les gens ont peur de s’organiser pour demander leurs droits.

Adore Goldman, militante du CATS

Travail pour certains, exploitation pour d’autres

Interrogée par Métro, Jennie-Laure Sully, organisatrice communautaire à la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES), tient à changer l’expression «travail du sexe» par «exploitation». Son organisme milite pour la décriminalisation totale des personnes «en situation de prostitution», mais est en faveur, en revanche, de la criminalisation des exploiteurs et des clients.

Ce n’est pas une industrie comme les autres. Ça demeure une industrie dominée par le crime organisé et les hommes.

Jennie-Laure Sully, de la CLES

«On a des femmes qui viennent chercher du soutien qui se définissaient comme travailleuses du sexe – c’est une façon de ne pas regarder la réalité en face», estime Mme Sully.

Elle note d’ailleurs que les travailleuses du sexe sont souvent en situation précaire, ou encore issues de communautés immigrantes et autochtones. «On croit que dans un monde idéal d’égalité hommes-femmes, il n’y aurait pas de prostitution», abonde Pascaline Lebrun, coordinatrice à l’intervention et chargée de projet de recherche à la Maison de Marthe, un organisme qui aide les victimes de réseaux de proxénètes à sortir de la prostitution.

Si elle comprend la lutte du CATS en tant que féministe, elle voit dans la prostitution de la manipulation exercée par des hommes et l’asservissement du corps de la femme. «Il y a de grands manipulateurs qui font que des femmes restent là-dedans. C’est tout un système: l’attrait et l’hypersexualisation des jeunes femmes, dans la société», poursuit-elle. Alors, une des solutions résiderait dans l’éducation des filles et garçons, afin d’amener la société vers une vision de la sexualité plus saine.

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