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Services aux demandeurs d’asile: le communautaire au bord du gouffre

La Coalition regroupe des organismes présents dans 14 quartiers montréalais.
La coalition regroupe des organismes présents dans 14 quartiers montréalais. Photo: Quentin Dufranne / Métro Média

Épuisée de devoir travailler avec les moyens du bord et sans financement adéquat pour répondre à la détresse des demandeuses et des demandeurs d’asile qui afflue, une coalition regroupant des organismes présents dans 14 quartiers montréalais tire la sonnette d’alarme face à une situation jugée «inquiétante».

Selon le directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), Stephan Reichhold, ils seraient entre 40 000 et 50 000 demandeurs d’asile sur le territoire du Grand Montréal. La majorité est arrivée par voie régulière et non par le chemin Roxham, qui représente près de 40% du total des entrées.

Et pourtant, depuis 1996, aucun d’entre eux n’a droit aux services pour les nouveaux arrivants tels que l’aide juridique ou encore les services de garderie subventionnés.

Face à leur détresse et au manque de moyens mis à leur disposition, les organismes locaux n’ont guère le choix de trouver des solutions sur le tas, et ce, même s’ils ne sont pas financés à ces fins.

«Ils sont laissés à eux-mêmes, mais les organismes que je représente ne sont pas financés pour donner des services à ces populations-là», explique Stephan Reichhold.

La coalition se veut claire: il faut d’abord annuler la décision ministérielle de 1996 qui limite l’accès aux services publics pour les demandeurs d’asile. Cela doit s’accompagner d’une augmentation des financements à la mission, afin de renforcer leur capacité à offrir des services adéquats.

Les organismes présents demandent un accès à l’ensemble du Programme d’accompagnement et de soutien à l’intégration (PASI) pour les demandeurs d’asile ainsi qu’un renforcement des services d’accompagnement juridique.

Le réseau des organismes communautaires est arrivé à un point de saturation. On est en train de frapper un mur et on n’est plus capable de fournir.

Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

Des organismes à bout de souffle

Face à la détresse des demandeurs d’asile et aux failles d’un système d’accueil déficient, les organismes communautaires n’ont guère le choix de s’adapter, et ce, au détriment de leur propre bon fonctionnement.

«Nos services sont étirés au maximum. On est à 400% de notre capacité, sans financement conséquent pour répondre aux besoins émergents», déplore le directeur général de la Cafétéria MultiCaf, Jean-Sébastien Patrice.

Fatma Djebbar est la directrice générale du Service d’interprète d’aide et de référence aux immigrants (SIARI). Son organisme a été mandaté en mai 2022 pour offrir un soutien aux demandeurs d’asile logés à leur arrivée dans les hôtels fédéraux. Alors que les services aux demandeurs d’asile représentent normalement un dixième des services du SIARI, il monopolise désormais plus de la moitié de ses efforts.

«Très rapidement, nous avons été débordés vu l’afflux massif des demandeurs d’asile au quotidien, dit-elle. Avant cette crise, nous recevions une moyenne de cinq demandeurs d’asile par jour. Désormais, nous sommes rendus à une soixantaine de demandeurs d’asile par jour avec les mêmes subventions.»

L’organisme est rendu à la mi-année financière du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) et pourtant il est au double du nombre de demandeurs d’asile par rapport à la même période l’an passé.

Pour tenter de répondre aux besoins grandissants, le SIARI organise désormais des séances groupées chaque mardi, accueillant près de 120 demandeurs d’asile pour les aider dans leur demande d’immigration, le tout dans leur propre langue.

En raison du manque de financement et de la demande exponentielle de services, travailler au sein de ces organismes devient de plus en plus difficile. Face à cette situation, certains employés succombent à l’épuisement ou voient leur compassion diminuer face aux bénéficiaires, ce qui les pousse dans certains cas à se trouver un autre emploi.

Bruno Hidalgo est intervenant en coparentalité à l’organisme Pause Famille dans Ahuntsic-Cartierville. Il constate l’épuisement collectif des intervenants dans le communautaire, qui s’efforcent tant bien que mal de survivre à cette situation.

«On est épuisé, oui, c’est vrai, parce qu’on essaie d’être élastique et d’être flexible le plus possible […] On pense à nos collègues et aux personnes avec qui on travaille et on se dit parfois que ça vaut plus que le salaire, mais il ne faut pas que ça dure comme ça, explique-t-il. Quand on manque d’empathie lors d’une intervention car on est surchargé tous les jours, ce n’est pas la meilleure réponse à donner, surtout à des gens qui ont tant de souffrance déjà dans leur cœur.»

Une manifestation devrait avoir lieu dans les prochains jours pour témoigner de la solidarité envers les demandeurs d’asile et attirer l’attention sur les besoins du communautaire.

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