Hausse des cas de VIH en provenance des Caraïbes à Montréal
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) fait état d’une hausse de 12,7% des nouveaux diagnostics d’infection par le VIH au Québec en 2021. Alors qu’en 2020, 212 nouveaux diagnostics avaient été dénombrés, ce chiffre est passé à 239 en 2021. Près de six diagnostics (58,2%) sur dix ont été répertoriés à Montréal.
Les données pour l’année 2022 ne sont pas disponibles, mais sur le terrain, des organismes communautaires qui desservent une clientèle en provenance de régions du monde où la maladie est endémique affirment voir une augmentation de sa prévalence chez les nouveaux arrivants. C’est le cas du Groupe d’action pour la prévention de la transmission du VIH et l’éradication du sida (GAP-Vies).
Les autorités sanitaires parlent d’une augmentation de cas chez les personnes sans numéro d’assurance sociale (NAS) et donc des nouveaux arrivants.
Joseph Jean-Gilles, directeur général de GAP-Vies
Plus de 100 000 personnes sont arrivées au Québec par le chemin Roxham de 2017 à avril 2023, date de sa fermeture. «On observe beaucoup de cas parmi les personnes qui sont arrivées à Montréal récemment et qui sont âgées de 23 à 35 ans», analyse Joseph Jean-Gilles.
Selon les données de l’INSPQ, la métropole enregistre à elle seule la majorité des cas de la province. GAP-Vies dessert la communauté haïtienne, mais reçoit plus de cas de personnes originaires de l’Afrique subsaharienne, soit 53% de sa clientèle.
Guerres et troubles politiques
En raison des risques de stigmatisation, les autorités sanitaires ainsi que les organismes évitent de parler publiquement de la nationalité des personnes infectées. «Il y a une nouveauté dans la méthode, souligne M. Jean-Gilles. Les données sont maintenant établies en fonction des origines régionales ou continentales des personnes.»
Il dit constater que dans des pays en situation de guerre ou aux prises avec des troubles politiques, historiquement, les cas de VIH sont souvent en hausse. Joseph Jean-Gilles cite comme exemples le Burundi et le Rwanda «à une certaine époque». Et la situation politique en Haïti pourrait expliquer une certaine recrudescence.
Malgré tout, il y a des résultats intéressants dans la communauté haïtienne, notamment des progrès au niveau du comportement, ce qui fait en sorte que les cas ont baissé dans cette communauté.
Joseph Jean-Gilles, directeur général de GAP-Vies
Selon lui, les gens sont aussi mieux informés sur le VIH qu’il y a 10 ans et ils réagissent différemment. À titre d’exemple, il évoque la situation de nombreux couples sérodifférents (une personne est infectée et l’autre ne l’est pas) qui acceptent de vivre ensemble.
Décriminalisation
Grâce aux avancées de la médecine et aux médicaments antirétroviraux (ARV), le virus peut devenir «indétectable». Et s’il est indétectable, on considère qu’il est par conséquent intransmissible. C’est ce que les chercheurs appellent «i=i».
«J’ai beaucoup de cas comme ça. Et cela donne de l’espoir quelque part, car les gens acceptent de vivre ensemble», confirme Joseph Jean-Gilles. Son organisme fait partie d’un groupe qui milite en faveur de la décriminalisation des situations de non-transmission.
«Nous faisons pression pour qu’on décriminalise des cas comme ça», indique le responsable de GAP-Vies.
Le sida en chiffres
– En 2021, dans le monde, 38,4 millions de personnes vivaient avec le VIH, selon l’ONUSIDA. Près de 40 ans après sa découverte, le virus du sida reste incurable et continue d’infecter chaque année près de 2000 Canadiens.
– Le nombre de nouveaux diagnostics d’infections par le VIH au Québec, qui avait diminué de 31,4 % entre 2019 et 2020, a augmenté entre 2020 et 2021, passant de 212 à 239 (+12,7%), selon l’INSPQ. L’épidémie du VIH reste concentrée dans les centres urbains: 58,2% des nouveaux diagnostics sont effectués à Montréal; 13% en Montérégie; et 7,5 % dans la Capitale-Nationale.
– Il y a peu de changements dans les caractéristiques des nouveaux diagnostics. Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH) demeurent le groupe de population le plus touché, avec 145 nouveaux diagnostics en 2021. Plus de six nouveaux diagnostics sur 10 sont enregistrés chez des HARSAH. Chez les femmes, les personnes originaires de pays où le VIH est endémique sont aussi touchées de façon disproportionnée (60,5% des nouveaux diagnostics féminins).
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.