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Carburer à l'huile végétale

Simon Daigle a toujours été sensible aux causes environnementales. Un jour, il a décidé de convertir son moteur de voiture diesel pour que celui-ci puisse carburer à l’huile végétale usagée.

Cela a tellement bien fonctionné qu’il a décidé, en 2005, de fonder une entreprise de conversion de véhicules diesel, Vegetalcar.com, qui est également le nom de son site internet explicatif en français sur ce type de carburant. Métro a discuté avec ce spécialiste qui a converti quelques centaines de voitures pour qu’elles puissent exploiter cette technologie, dont une douzaine pour son usage personnel.

Quelles sont les motivations des conducteurs qui vous demandent de convertir leur véhicule diesel?
C’est sûr que chaque fois que le prix de l’essence monte, il y a plus de gens qui désirent rouler à l’huile. Sauf qu’aujourd’hui, je fais de moins en moins de conversions, car je choisis mes clients. Si les gens n’ont pas de convictions environnementales, je ne le fais pas, parce que je sais que ça ne marchera pas à long terme. Pour que ça soit durable, il faut que ce soit pour des raisons de recyclage avant tout, et pour s’affranchir de sa dépendance au pétrole. Si ce n’est que pour sauver de l’argent, c’est une mauvaise raison, car avoir une bonne qualité d’huile, ça prend beaucoup de temps et d’efforts. On doit faire ça par conviction, pour le trip écologique.

Pourquoi faut-il autant de conviction environnementale?
C’est quelque chose de relativement ardu à faire longtemps : ça prend du matériel et de l’espace pour s’installer une station de filtration et entreposer son huile, du temps pour la traiter, un restaurant qui accepte de vous la fournir, etc. C’est une activité très marginale qui sert surtout à sensibiliser les gens au fait qu’il existe des solutions de rechange au pétrole.

Pouvez-vous me dresser le portrait type de vos clients?
Ce sont des jeunes âgés de 20 à 35 ans, généralement des universitaires motivés et persévérants qui osent prendre les devants dans le domaine environnemental. Ce sont des gens qui acceptent de rouler dans un véhicule qui n’est pas nécessairement récent, qui n’ont pas peur de se salir, qui acceptent d’y mettre le temps nécessaire. C’est très encourageant à voir!

Ce serait une bonne chose, d’un point de vue écologique, que plus de gens roulent à l’huile végétale usagée?
En fait, je ne voudrais pas que tout le monde roule avec ça, parce que ça reste de l’huile qui brûle. On ne se cachera pas que ça pollue quand même! Ça ne sera jamais le carburant de l’avenir… Ce que je souhaite, c’est que tout le monde se mette à rouler à l’électricité, parce que c’est la plus belle invention. Évidemment, ça n’arrivera pas demain, car à mon avis, c’est la meilleure façon de jeter l’économie par terre.

Selon vous, quelles marques de véhicule se prêtent le mieux à la conversion à l’huile végétale?

J’ai moi-même eu une douzaine de véhicules différents convertis, de plusieurs marques, mais c’était toujours de vieux modèles, car les technologies des années 1980-1990 sont plus tolérantes à la conversion que les nouvelles. Dans le cas des Volkswagen, par exemple, les modèles de 2003 et moins sont convertibles. Aujourd’hui, je ne sais pas si les constructeurs s’arrangent maintenant pour que ce ne soit plus possible, mais il y a beaucoup de bris techniques sur les modèles plus récents.
 
Y a-t-il des types d’huiles végétales usagées plus performantes que d’autres ?
Toutes les huiles végétales actuellement utilisées par les restaurants fonctionnent. La plus fréquente et la plus abordable, c’est l’huile de canola, et ça fonctionne bien.
 
L’odeur de friture qui se dégage quand on roule à l’huile végétale, est-ce une légende urbaine?

C’est parfaitement vrai! Et il y a des huiles plus odorantes que d’autres… Mais au final, c’est plus drôle qu’autre chose!
 
Est-ce qu’il est pensable pour un Montréalais qui vit en appartement de filtrer lui-même son huile?
C’est sûr que c’est mieux d’avoir accès à une cour ou à un garage, mais sur un balcon, ça peut se faire. Ce n’est pas l’idéal, car on doit laisser l’huile décanter longtemps, mais il existe de petits systèmes de filtration. Je sais que quelqu’un faisait décanter son l’huile par gravité dans son bain : c’est possible, mais c’est casse-cou!

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Une pratique secrète
Quels mécaniciens convertissent des moteurs diesel à l’huile végétale? Dans quels restaurants s’approvisionner en huile usée? À quoi ressemble une installation de filtration et d’entreposage? Des questions restées sans réponses… Parce que les convertis sont très discrets.

«Les gens se font de plus en plus discrets, car c’est de plus en plus difficile de trouver un fournisseur d’huile qui ne se la fait pas voler ou qui ne la vend pas à des compagnies qui l’ajoutent à la nourriture du bétail ou encore à du diesel vendu à la pompe», raconte Simon Daigle, propriétaire de Vegetalcar.com.

Le Service de police de Montréal (SPVM) est au courant des vols, assure sa porte-parole Anie Lemieux. «Nous n’avons pas de statis­tiques précises pour le moment, car ils se classent dans la catégorie générique des ‘‘vols de moins de 5 000 $ »». Et porter plainte n’est pas évident. «Pour qu’il y ait ouverture d’une enquête sur un vol, il faut que ce soit le propriétaire du bien, c’est-à-dire le restaurateur, qui porte plainte, explique-t-elle. L’utili­­sateur n’est pas encore propri­é­taire de l’huile au moment du vol. Tout ce qu’il peut faire, c’est convaincre son fournisseur d’appeler la police.»

Ces conducteurs verts préfèrent peut-être aussi rester discrets afin de se sous­traire à la taxe d’accise sur l’huile usée, établie par Québec en 2007. Le paiement se fait sur une base volontaire.

«J’encourage les consommateurs à le faire, mais je trouve ça aberrant qu’on demande aux gens de faire des efforts environne­men­taux et qu’on les taxe quand même! fait valoir Simon Daigle. Les utilisateurs d’autos électri­ques ne paient pas de taxe d’accise sur leur électricité : c’est deux poids, deux mesures.»

Pour plus d’informations visiter le site Vegetalcar

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