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Décès du mafioso montréalais Vito Rizzuto

Andy Blatchford - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – Le présumé parrain de la mafia montréalaise Vito Rizzuto est décédé tôt lundi matin à l’hôpital Sacré-Coeur de Montréal, à l’âge de 67 ans, de causes naturelles.

Vito Rizzuto était de retour au Canada depuis un peu plus d’an après avoir été détenu pendant six ans aux États-Unis.

Même si le clan Rizzuto a été sérieusement affaibli, il semble que Vito Rizzuto, assoiffé de vengeance, avait repris du service dans le monde interlope, avec des alliés qui lui étaient fidèles.

Des meurtres commis récemment au sein du crime organisé n’ont pas encore été élucidés. La mafia montréalaise est contrôlée soit par le clan sicilien, dont faisait partie Vito Rizzuto, soit par le clan calabrais.

Selon des experts de la mafia, la mort de Rizzuto signale la fin du contrôle exercé par son clan sur le crime organisé, et soulève la possibilité de nouvelles violences, alors que d’autres joueurs manoeuvrent pour s’emparer du terrain laissé vacant.

«On pourrait dire que non seulement la mafia de Montréal mais la mafia de l’ensemble du pays est en deuil», estime Pierre de Champlain, ancien analyste de la Gendarmerie royale du Canada, qui dit aussi avoir été surpris d’apprendre que le présumé parrain était décédé de causes naturelles.

«C’est une nouvelle qui va sûrement bouleverser encore le milieu de la mafia montréalaise. Je pense qu’avec ce décès, cela met fin une fois pour toutes à la dynastie de la famille Rizzuto, à son emprise sur la mafia de Montréal qui perdurait depuis 1984.

«Si on m’avait dit qu’il avait été abattu, je me serais dit: ‘Ainsi va la vie’.»

Fils de Nicolo «Nick» Rizzuto, Vito Rizzuto était né le 21 février 1946 à Cattolica Eraclea, en Sicile, et avait émigré au Canada avec sa famille en 1954. Marié, il était le père de trois enfants, dont l’un des fils, Nick Jr, a été assassiné à Montréal en 2009.

En 2003, Vito Rizzuto avait été accusé par un grand jury fédéral de Brooklyn de racket, de prêt à taux usuraire et de meurtres, en marge des assassinats de trois «capos» rivaux de la famille Bonanno: Philip Giaconne, Dominick Trinchera et Alphonse Indelicato. Vito Rizzuto était soupçonné d’avoir été l’un des quatre tueurs recrutés par l’ancien capitaine de la famille Bonanno, Joe Massino, pour assassiner les trois capitaines en 1981. Massino était soupçonné d’avoir planifié ces assassinats pour prendre le contrôle de la famille Bonnano.

Rizzuto avait été appréhendé à Montréal en 2004, et avait finalement été extradé vers les États-Unis en 2006 après une bataille juridique de 31 mois. Il avait été dénoncé par Massino, condamné à la prison à vie pour meurtre et devenu délateur, et par le beau-frère de Massino, Salvatore Vitale, lui aussi acteur de ce triple meurtre et témoin repenti.

Le 4 mai 2007, le présumé parrain montréalais reconnaît sa culpabilité pour sa participation au triple meurtre. Il est condamné à 10 ans d’incarcération qu’il purgera à la prison de Florence, au Colorado. Pendant son séjour en prison, plusieurs membres de la famille Rizzuto ont été assassinés, dont son fils Nick Jr en 2009 et son père Nicolo en 2010, son beau-frère Paolo Renda et l’un de ses associés, Agostino Cuntrera.

Selon M. de Champlain, quiconque désirant combler le vide créé par la mort de Rizzuto devra sans doute posséder une partie des mêmes qualités de «rassembleur» pour unir les organisations criminelles et les familles de Montréal et de Toronto, afin d’assurer une certaine harmonie dans le milieu.

Quant à l’avenir de la mafia à la suite de la mort de Rizzuto, il s’agit là d’une «grande question», poursuit l’ancien analyste de la GRC.

«C’est certain qu’il y aura un peu de bousculade aux portes pour prendre la relève», croit pour sa part l’avocat criminaliste Jean-Pierre Rancourt. «Il y a eu tellement de changements depuis l’incarcération de Vito Rizzuto, depuis son retour (…) Il y a beaucoup de spéculations, autant du côté du clan calabrais que du clan sicilien, alors est-ce qu’il y aura un clan ou l’autre qui va prendre le contrôle? Ce sera à suivre.»

«On revient un peu en arrière, à l’année 2006 environ, alors que la mafia et l’ensemble du crime organisé étaient déstabilisés à Montréal», avance de son côté André Cédilot, journaliste expert et auteur du livre «Mafia inc.».

«Le décès de Vito [Rizzuto], en fonction d’où il en était rendu dans la réorganisation de la mafia, je pense que nous revenons en arrière, à 2006. Il y aura une autre période de transition, et il faudra trouver un nouveau leader, parce que dans le crime organisé, on ne peut pas demeurer sans leader, sinon ce sera le chaos.»

M. Cédilot ne veut pas non plus s’avancer sur l’avenir de ce secteur du monde interlope. «À moins qu’il y ait une alliance, une coalition entre les clans, un genre de pouvoir collégial, il est difficile, pour l’instant, de nommer quelqu’un qui pourrait remplacer Vito Rizzuto. Ça prend de l’expérience, un vaste réseau de contacts, beaucoup de respect de la part des familles mafieuses, ainsi que de l’ensemble des organisations criminelles.

«Le chef de la mafia est un genre de médiateur, qui règle les conflits à l’interne.»

La famille Rizzuto avait par ailleurs subi un autre dur coup, en 2006, lors de l’Opération Colisée, une enquête policière d’une durée de cinq ans ayant mené à de nombreuses arrestations dans le cadre du plus grand coup de filet contre la mafia italienne de l’histoire du Canada.

L’influence du défunt présumé parrain s’étendait cependant au-delà des frontière du pays, et ce jusqu’en Amérique du Sud, ou encore en Europe.

En 2005, des procureurs italiens ont déposé des accusations contre Rizzuto en lien avec des allégations voulant que la mafia était impliquée dans le projet de construction d’un pont de plusieurs milliards de dollars entre l’Italie continentale et la Sicile.

L’annonce de la mort du présumé parrain a même été relayée sur le site Internet du quotidien italien Corriere della Sera, où l’on titrait, lundi, que «Le dernier parrain de la mafia, Vito Rizzuto, est mort au Canada».

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