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Les statistiques de la police occultent le nombre d’altercations dans les bars

Photo: Pablo Blazquez Dominguez

Les bars de Montréal sont plus agités que les statistiques officielles le laissent entendre.

Frédéric Ouellet, Steve Geoffrion, et Rémi Boivin de l’École de criminologie de l’Université de Montréal, dans une étude publiée récemment dans le Journal of Substance Use et réalisée dans un bar de Montréal, soutiennent que les chiffres de la police de Montréal sur le nombre d’altercations dans les bars occultent l’ambiance réelle qui règnent dans ces lieux.

Pour la première fois, selon l’auteur principal de la recherche Rémi Boivin, un bar de Montréal a fait l’objet d’une observation quotidienne par des chercheurs durant toute une année afin d’évaluer la nature et la variation des incidents qui s’y produisent.

Sur près de 800 incidents répertoriés par les videurs lors de cette année de recherche en 2006, dont 242 agressions verbales ou physiques, les policiers ont été appelés sur les lieux pour seulement deux de ces interventions.

«Les statistiques de la police ne permettent pas d’évaluer si le bar est dangereux ou non. C’est plus risqué qu’on pourrait le croire», affirme M. Boivin. Il reconnait toutefois que «bien des personnes s’en doutaient, mais personne n’avait les données pour le confirmer». Il s’agit de la première étude qui fournit des données empiriques sur le sujet.

M. Boivin affirme que cette situation s’explique notamment par le dilemme auquel font face les videurs des bars.

«Ils sont là pour s’assurer que le bar soit sécuritaire, mais ils sont également là pour faire de l’argent. En appelant la police, ils font fuir la clientèle. Tant qu’ils sont capables de gérer la situation, ils n’appellent pas la police», mentionne le chercheur.

Peter Sergakis, président de l’Union des tenanciers de bars du Québec confirme cette affirmation. Il soutient que les policiers sont systématiquement appelés si les videurs ne sont plus en mesure de contrôler la situation, comme lorsqu’un client fait des menaces aux employés.

«S’il y a un danger majeur, je crois fortement que tous les tenanciers font appel à la police. Mais elle n’est pas là pour gérer nos établissements. On a la responsabilité de sécuriser notre clientèle. Ce n’est pas le travail d’un policier de venir 5 fois dans un même établissement chaque soir», remarque M. Sergakis.

Rémi Boivin mentionne que si l’occasion de refaire cette même recherche se présentait aujourd’hui, les données pourraient être différentes. Il estime que les appels à la police par les videurs sont peut-être plus fréquents aujourd’hui.

«Il y a eu des projets du SPVM pour se rapprocher des équipes de sécurité des bars. Certains policiers me disaient que plusieurs videurs de bars de Montréal, surtout ceux sur les rues St-Laurent et Sainte-Catherine, ont les numéros de cellulaire des policiers. Ils peuvent les appeler directement plutôt que de faire le 911», soutient M. Boivin.

M. Sergakis soutient quant à lui que les policiers de Montréal ont une bonne collaboration avec les tenanciers de bars.

«Oui, il y a des sergents qui donnent leur numéro de téléphone cellulaire aux tenanciers en les invitant à les appeler s’ils ont un problème spécifique», confie-t-il, ajoutant que les appels au 911 font plutôt venir des autopatrouilles.

Cette pratique est surtout présente chez les agents de l’escouade Éclipse de la police de Montréal (SPVM), spécialisée dans la prévention du crime dans les bars, selon M. Sergakis.

«Si on a un problème avec les gangs de rue, le SPVM préfère qu’on appelle directement Éclipse, car ils savent comment gérer ces situations. Beaucoup d’agents de cette escouade ont transmis leur numéro de téléphone aux tenanciers de bars pour faciliter les démarches», note M. Sergakis.

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