Les suspensions de policiers du SPVM en baisse
Le nombre de suspensions sans solde imposées à l’interne à des policiers du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a diminué de 42% depuis 2010, selon des documents obtenus par TC Media en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
Il y a eu 16 suspensions en 2014, contre 28 en 2010. Le nombre de jours sans salaire, a aussi diminué, passant de 102 en 2010, à 61 en 2014.
Plus du quart des suspensions ont été le résultat d’actes de négligence ou d’imprudence.
En cinq ans, ce sont 104 suspensions qui ont été décernées à travers le SPVM, dont 48 dans les 23 postes de quartier (PDQ), pour un total de 455 jours sans salaire.
Le PDQ 23 qui dessert le quartier Hochelaga-Maisonneuve a eu le plus grand nombre de suspensions, huit, pour un total de 88 jours. Douze PDQ avaient au moins une suspension.
Suspensions à l’interne
Selon Ian Lafrenière, porte-parole du SPVM, toutes ces suspensions ont été décernées à l’interne. Il faut donc les distinguer des cas qui relèvent de la déontologie policière.
Les statistiques pourraient toutefois changer puisque que 58 cas disciplinaires datant de 2011 attendent toujours d’être réglés.
«Je suis heureux que nous ayons moins de cas et moins de jours de suspension, mais ce n’est pas une victoire, puisque [le nombre de cas] pourrait augmenter de façon spectaculaire lorsqu’ils seront réglés», a déclaré M. Lafrenière.
Changement dans la formation
Paul Chablo, directeur du département des techniques policières au Collège John Abbott, n’est pas surpris par la diminution du nombre de suspensions. Selon lui, la formation que suivent les futurs policiers répond mieux aux réalités sociales d’aujourd’hui.
«La formation est orientée vers les réalités d’aujourd’hui. Par exemple, il y a longtemps, les sans-abri étaient enfermés alors que maintenant, il y a une sensibilité croissante envers cette population», dit-il.
Il ajoute que l’inconduite des policiers ne peut plus échapper à l’examen des internautes et des réseaux sociaux.
M. Chablo, ex-agent de police et commandant du PDQ 1 dans l’Ouest-de-l’Île, explique que les officiers doivent être conscients, aujourd’hui plus que jamais, que leurs actions, bonnes ou mauvaises, risquent d’être filmées et téléchargées sur les réseaux sociaux comme YouTube, Facebook et Twitter.
Compte tenu de ces innovations, on enseigne aux aspirants agents à «intervenir comme si vous étiez filmés», souligne-t-il, précisant que le nombre de cours d’éthique prévues dans diverses écoles policières de la province continue de grandir.
Culture policière
Jason Carmichael, professeur en criminologie à l’Université McGill, n’est pas convaincu que la baisse des suspensions sans solde depuis 2010 soit un résultat direct de ce qui se passe vraiment dans les coulisses.
«C’est juste la pointe de l’iceberg. Neuf fois sur 10, il n’y aura pas de rapports à ce sujet ou [les policiers] ne seront pas tenus responsables d’une mauvaise conduite», soutient M. Carmichael, dont les recherches traitent entre autres de l’utilisation de la force policière.
«Sans le nombre d’enquêtes internes examinées par le Comité de déontologie policière dans les cinq dernières années, dit-il, il est difficile d’évaluer véritablement la nature de la baisse du nombre de suspensions».
Selon lui, il est possible que les officiers de haut rang au SPVM aient été plus réticents à suspendre l’un des leurs, ce qui tend à être le cas dans des organisations très unies comme une force de police.
«Dans la culture policière, en général, les agents se considèrent comme étant ennemis de la majorité du public. Ils se sentent comme ils sont méprisés, comme s’ils avaient besoin de se protéger. Alors, quand un agent vient à la barre, son partenaire le défend», ajoute le professeur de l’Université McGill, ajoutant que ce type de mauvaise conduite policière se produit généralement dans les communautés moins nanties et immigrantes.
Négligence, imprudence et arrestations injustifiées
Environ 28% des 104 suspensions tombent sous la catégorie de la négligence, de l’insouciance et de l’arrestation illégale, selon le document obtenu par TC Media.
Le nombre élevé de ce type de suspension, une catégorie que certains nomment «abus de pouvoir», n’est pas surprenant pour M. Chablo du collège John Abbott.
L’ancien officier de police a admis que le champ d’application de la loi offre une grande puissance aux policiers.
«Nous devons nous rappeler que ces officiers sont des êtres humains. Ils vont faire des erreur», conclut M. Chablo.
Près de 24 pour cent des suspensions étaient liés au comportement. Le SPVM, cependant, n’a pas précisé la nature des gestes commis.
La Fraternité des policiers de Montréal a refusé de commenter.