Des jeunes loups à l’école comme sur le terrain de football
L’école Curé-Antoine-Labelle à Laval, en plus d’avoir l’une des meilleures équipes de football au Québec dans sa catégorie, présente un taux de diplomation de ses étudiants-athlètes qui frôle les 100 %. Quelle est la clé de ce succès? Métro est allé y faire un tour.
Le programme sportif des Loups a été mis en place dans les écoles secondaires publiques Curé-Antoine-Labelle et Poly-Jeunesse, à Laval.L’équipe évolue depuis une quinzaine d’années en Juvénile division 1, la ligue la plus relevée du football scolaire québécois. Elle a gagné à trois reprises le Bol d’or, le trophée qui couronne le championnat provincial, et compte sept participations en finale.
«C’est une immense source de fierté pour nous, affirme Stéphane Côté, directeur général de l’école. Ce que Martin Sénéchal et son équipe ont abattu comme travail, surtout pour une école publique, est simplement incroyable.»
Martin Sénéchal a fondé l’équipe qu’il dirige depuis 20 ans. Entraîneur dans le civil au départ, il a très vite compris que le football a le pouvoir de rassembler les jeunes et de les pousser vers l’excellence. «Quand j’ai approché la direction avec mon projet, ça a été un oui immédiat, dit-il. Les jeunes ont embarqué avec nous, et le sentiment d’appartenance n’a pas tardé à se développer.»
Le quart-arrière finissant Samuel Cloutier est un de ces jeunes. Pour lui, les Loups, c’est ni plus ni moins qu’une seconde famille. «Avant même de penser à faire des jeux ou à gagner des parties, nous mettons l’emphase sur l’esprit d’équipe», soutient-il.
Il faut aussi beaucoup de travail pour gagner des championnats. Parlez-en à Philippe Berthiaume, l’entraîneur-chef et coordonnateur offensif de l’équipe. M. Berthiaume est impliqué auprès des Loups depuis 14 ans. D’après lui, plusieurs éléments concourent au succès de son équipe : le soutien indéfectible de la direction de l’école, la chance d’avoir un bon bassin de jeunes avec lesquels travailler et la réputation de la région de Laval qui, selon lui, fournit les meilleurs joueurs de football au Québec. «Mais ce qui fait vraiment la différence, c’est sans aucun doute la passion qui anime tous ceux qui soutiennent l’équipe», ajoute-t-il.
Autour des Loups se greffe tout un réseau de parents d’étudiants-athlètes, de bénévoles et d’amateurs. Gilles Paul est le responsable du comité des parents. «Nous soutenons le programme du mieux que nous pouvons, car il fait vivre, à nous et à nos gars, des expériences enrichissantes», clame-t-il.
Parmi les ex-joueurs qui font aujourd’hui la fierté du programme, il y a Mehdi Abdesmad et Elie Bouka, qui viennent de signer des contrats avec deux équipes de la NFL dans le cadre du repêchage de 2016. Le premier avec les Titans du Tennessee et le second avec les Cards de l’Arizona. Il y a aussi l’ancien Carabin Mathieu Girard et Carl-Olivier Primé, des Tiger-Cats de Hamilton.
Nous fonctionnons avec à peine la moitié du budget des écoles privées. Mes entraîneurs ne sont pas là parce que je les paie, ce sont des passionnés.» –Martin Sénéchal, responsable du programme des Loups
Encadrement rigoureux
La scène se déroule dans le bureau des entraîneurs. Un groupe de jeunes Loups pénètre dans le local, et le premier de la meute s’adresse à son entraîneur-chef.
Celui-ci le coupe sans le laisser terminer sa phrase. «OK, avant que tu me parles, arrange ta tenue et remonte ton pantalon, ordonne Philippe Berthiaume à son protégé. C’est quoi, ces manières-là?» La tenue fut arrangée, et le pantalon remonté. C’était réglé.
«Nous ne sommes pas esclaves de la rigueur, mais nous exigeons de nos athlètes qu’ils soient concentrés, appliqués et disciplinés», prévient Martin Sénéchal, le responsable du programme des Loups. Et la discipline du football, poursuit-il, devient une discipline de vie.
Durant la saison morte, les joueurs ont deux séances de musculation obligatoires par semaine et deux optionnelles. Durant la saison régulière, en plus des jours de match, il y a des entraînements cinq soirs par semaine. Pour l’entraîneur-chef Philippe Berthiaume, les jeunes ont besoin de ce cadre structurant pour pouvoir réussir.
Quand un des étudiants-athlètes se fait pincer pour mauvaise conduite ou pour une mauvaise note en classe, ses entraîneurs sont mis au courant, souvent même avant ses parents. Ils se chargent de trouver des mesures pour aider le jeune à se corriger. «Ils nous en donnent tellement qu’on a envie de réussir pour eux», reconnaît Samuel Cloutier, le quart-arrière finissant.
«Les jeunes sont tellement réceptifs aux entraîneurs qu’on dirait que ces derniers leur parlent un langage qui échappe même aux parents», s’exclame Gilles Paul, le responsable du comité des parents. Pour Samuel Cloutier, cela ne fait aucun doute. «Entre mon coach et mon enseignant, c’est clairement le premier qui a le plus d’autorité sur moi», concède-t-il.
Les entraîneurs utilisent ce pouvoir pour pousser leurs poulains à réussir sur le plan scolaire. Pas moins de 98 % des étudiants-athlètes retenus dans le programme des Loups obtiennent leur diplôme d’études secondaires. «Les 2 % restants, nous réussissons à les amener de la sixième année primaire à la troisième année du secondaire, affirme le responsable du programme. Ils font plus de chemin avec nous que s’ils avaient été seuls dans leur coin.»
Implication et prévention du décrochage
Gustave Roel, le président-directeur général du Réseau du sport étudiant au Québec (RSEQ), est persuadé que l’implication de nombreux acteurs au sein de l’équipe et la stabilité au sein de l’équipe d’entraîneurs font le succès de Curé-Antoine-Labelle.
Pour lui, investir dans le sport est également un excellent moyen de retenir les garçons à l’école. «Il y a des écoles dont 50 % des jeunes seraient à risque de décrocher si elles n’avaient pas de programmes sportifs», prétend-il.
D’après les récentes statistiques du ministère de l’Éducation, du Loisir et des Sports, le taux de décrochage chez les garçons au Québec s’élève à près de 20 %, soit le double de celui des filles.