Gérer les désaccords avec maturité
La compagnie Wazo Furniture, qui semble consacrer des efforts assez importants sur les réseaux sociaux, à en juger par le nombre de fois où elle apparaît dans mon fil d’actualité sans même que j’en sois fan, a jugé bon de faire la promotion de ses tables et divans à l’aide de femmes objets, délicatement déposées sur les items à vendre. Hier, deux heures après la publication des 42 photos suggestives, une trentaine de commentaires, exclusivement négatifs, allaient de «ark, sexiste» à «je pensais que cette compagnie avait plus de classe que ça» en passant par les classiques «sommes-nous revenus en 1950». Ou quelque chose du genre. Dur à dire, tout a été effacé depuis. Plutôt que de reconnaître que sa campagne portait atteinte à son image de marque, l’entreprise a décidé de faire fi des commentaires, dont certains assez constructifs, et de poursuivre sa campagne comme si de rien n’était. Depuis, les critiques, même polies, semblent être invariablement supprimées.
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Pour une organisation, ignorer les critiques, c’est une chose – probablement à éviter –, mais y répondre peut être parfois plus périlleux encore. Pour une deuxième fois en quelques jours, Éduc’Alcool essuie des critiques au sujet d’une de ses campagnes de sensibilisation. Durant la semaine de la Fierté, on accusait une de ses publicités d’être transphobe. Cette semaine, c’est la publicité diffusée dans les Cégeps et Université et tentant de démontrer que si tu bois trop, tu pourrais vivre l’expérience ultra traumatisante d’avoir donné ton numéro de téléphone à une femme âgée, qui suscite la controverse.
La publicité est quelconque et renforce certainement des préjugés âgistes et sexistes, mais n’est pas aussi choquante que la réplique condescendante qu’a offert le directeur d’Éduc’alcool Hubert Sacy à un professeur de Concordia préoccupé par le message véhiculé par la publicité.
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Le porte-parole de l’organisme justifie sa publicité par le fait que des panels de discussion menés auprès des jeunes ciblés par cette campagne n’avaient révélé aucune trace de sexisme. Pourtant, l’organisme reconnaît qu’il s’agit d’une campagne d’éducation, menée donc auprès d’une clientèle à conscientiser. S’il fallait éduquer ces jeunes gens à ne pas être sexistes par des publicités qui encouragent maladroitement une consommation excessive d’alcool, reconnaitraient-ils que ces publicités font par ailleurs la promotion de l’alcoolisme? Si des jeunes ne voient pas le sexisme et l’âgisme dans une publicité, c’est peut-être qu’il faudrait les y sensibiliser.
L’essentiel de l’argumentation d’Hubert Sacy est ensuite consacrée à accuser le professeur de communication de Concordia, qui n’aurait pas suffisamment de sens de l’humour, qui manquerait d’objectivité, et qui ne ferait pas partie du groupe cible, d’être la source du problème. Si une pub était jugée super raciste par plusieurs, dirait-on que ce n’est pas grave parce qu’elle s’adresse seulement aux Blancs?
En entrevue au Devoir, Hubert Sacy a ajouté que les campagnes d’Éduc’alcool visant les jeunes ont pour objectif de prévenir «la violence et les relations sexuelles non désirées». Est-ce à dire qu’Éduc’alcool a compris que son mandat était de protéger les jeunes hommes de se laisser séduire par des femmes jugées trop vieilles pour pouvoir s’en vanter à leurs amis après? Il me semble que ce n’est pas habituellement ce qu’on entend par «relations sexuelles non désirées».
Le pire, c’est que cette campagne a attiré mon attention sur ce que faisait Éduc’alcool pour prévenir «la violence et les relations sexuelles non désirées», et c’est encore pire que ce qu’on pense. Ma recherche m’a conduite à cette page, qui nous apprend que «c’est aux normes sociales, et non à la biologie, qu’il faut attribuer la plus grande vulnérabilité des femmes qui ont trop bu à la violence physique ou sexuelle», selon les «grandes conclusions de la toute dernière publication dans la série Alcool et santé d’Éduc’alcool que l’organisme a rendue publique à l’occasion de la fête internationale des femmes». Heille, bonne fête les femmes!
Cette publication, intitulée «L’alcool et les femmes», nous apprend en outre que «L’intoxication rend les femmes vulnérables à des relations sexuelles sans consentement ou à ces violences si elles résistent» et que «Bien que cela soit injuste, elles doivent être prudentes et s’en tenir aux niveaux de consommation d’alcool à faible risque afin de ne pas augmenter leur vulnérabilité aux comportements agressifs, aux actes violents et aux agressions sexuelles», et qu’elles «devraient se méfier de prétendants qui les incitent à prendre beaucoup d’alcool». Est-il utile de préciser qu’aucune publication intitulée «L’alcool et les hommes» n’a été repérée sur le site d’Éduc’alcool? Devant cette absence d’instructions sexo-spécifiques équivalentes, le seul conseil auquel peuvent s’accrocher les membres de la gente masculine est de ne pas trop boire, sinon ils pourraient recevoir l’appel d’une vieille.