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L’avocate de Ghomeshi, non coupable!

Jian Ghomeshi, Marie Henein. Nathan Denette / La Presse Canadienne Photo: Nathan Denette / La Presse Canadienne

L’avocate de Jian Ghomeshi est invitée à prendre la parole, en février, à l’Université Bishop’s. Tollé. Lettre de protestation. Appui à celle-ci. On souhaite lui barrer la route, annuler purement et simplement sa conférence. Donner de la visibilité à Me Marie Henein contribuerait, argue-t-on, à perpétuer la culture du viol. Ouf. Problème majeur, ici. Pour plusieurs raisons:

Que chaque accusé puisse être défendu par avocat, et ce, tel que prévu par tout État de droit qui se respecte.

Que la présomption d’innocence existe encore (peut-être pas tant dans le traitement médiatique, mais au moins devant les tribunaux.) Que celle-ci est particulièrement utile, voire impérative, quand la vindicte populaire vous déteste la face.

Que l’avocate de Ghomeshi a joué les règles du jeu actuel. Compte tenu de celles-ci, reprocher à Me Henein d’avoir attaqué la crédibilité des témoins est pratiquement absurde. Prouver le consentement aux relations sexuelles était, à plusieurs niveaux, le propre de son mandat. Le contraire aurait d’ailleurs pu être considéré, quand on y pense, comme une faute professionnelle. Au risque de se répéter, on peut ne pas aimer les contours du système actuel. Légitime. Mais blâmer, voire censurer, une avocate qui opère à même les paramètres légaux reconnus? Avec succès? Drôle de raisonnement.

Défendre un individu, même du crime le plus abjecte, n’a rien d’honteux. Il s’agit d’un rôle fondamental au sein de toute société démocratique, de tout État de droit. Celui de forcer ce même État à démontrer, hors de tout doute raisonnable, la culpabilité de l’accusé. Parce que l’on préfère acquitter un coupable que de condamner un innocent. Un choix de société. Et un bon, dirait Victor Hugo.

Dans cette optique, barrer de l’espace public les avocats d’individus impopulaires, voire ignobles, serait bien mal avisé. Une confusion injustifiée des concepts. Et une parfaite injustice.

Le système judiciaire, le coupable?
Or, on peut, bien évidemment, se désoler du résultat du procès. Le système de justice pénale, de toute évidence, est visiblement peu adapté pour les crimes de nature sexuelle. Selon à peu près tous les rapports, une infime partie des agressions de cette nature se traduisent ultimement en condamnation. Une réflexion en profondeur, à cet effet serait, bienvenue. Comment, par exemple, s’assurer de redéfinir les paramètres de preuves applicables dans des situations aussi délicates? Une agression sexuelle est certainement plus difficile à dénoncer qu’un vol de char, et ce, pour toutes sortes de raison: traumatisme, stigmates sociaux, craintes de représailles, etc. Le rapport de forces est, dans bien des cas, parfaitement inégal. La plaignante, aussi courageuse soit-elle, verra la crédibilité de son témoignage, voire sa crédibilité tout court, attaquées par des avocats de la défense souvent d’expérience, souvent réputés. Ceux-ci auront libre cours à diverses stratégies jugées parfois agressives, parfois quasi-fallacieuses. Le système est ainsi construit. Détruisons, à tout prix, la version de Mme X.  Rappelons aussi que, et dans tous les cas, la Couronne devra prouver, hors de tout doute raisonnable, la commission du crime. Pas si simple. Surtout lorsqu’il est question de consentement.

La récente affaire des allégations d’agressions sexuelles de femmes autochtones par certains policiers de Val-d’Or constitue une bonne preuve de ce qui précède. L’absence d’accusations n’implique pas que ces mêmes agressions n’ont jamais eu lieu, que les plaignantes ont menti. Seulement qu’il serait, selon la Couronne, trop ardu d’en faire la démonstration hors de tout doute raisonnable. Deux choses différentes. Totalement distinctes.

Le temps pour une réflexion sur le traitement judiciaire des agressions sexuelles s’impose, disais-je. Des solutions doivent être envisagées. L’exemple de l’Islande, notamment, où l’État fournit à la plaignante un avocat veillant strictement à la protection de ses droits, de ses intérêts, de sa réputation. Un (bon) début. Pourquoi pas le huis clos, aussi? Ceci éviterait la surexposition médiatique de l’affaire, et éviterait probablement les stigmates liés à un contre-interrogatoire trop serré de la part de la défense. Simple nourriture à réflexion.

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