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Banque de l'infrastructure : bras-de-fer à l'horizon

Mylène Crête, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — L’avenir de la Banque de l’infrastructure repose toujours entre les mains du Sénat après une journée d’incertitude.

Les sénateurs ont fait preuve d’un élan d’indépendance jeudi soir en infirmant une décision rendue moins d’une heure auparavant par leur président. Un événement qui ne s’était pas produit depuis 2015.

Ils pourront donc décider de scinder le projet de loi C-44 qui crée la Banque de l’infrastructure et met en oeuvre le budget, ce qui retarderait la création de cette nouvelle société d’État — un projet phare du gouvernement Trudeau.

Le président de la Chambre haute, George Furey, avait tranché que le Sénat n’avait pas l’autorité pour diviser un projet de loi budgétaire. Sa décision a été rejetée par 38 sénateurs; 33 l’ont appuyé et 1 s’est abstenu. Près du tiers des sénateurs étaient absents.

Plus tôt dans la journée, le ministre des Finances, Bill Morneau, avait fait une mise en garde lors de son témoignage devant le comité sénatorial des finances.

«Si on attend, la Banque ne pourra pas financer le REM», avait-il lâché.

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé jeudi matin 1,28 milliard $ pour le Réseau électrique métropolitain (REM) de Montréal. Si une fois créée, la Banque de l’infrastructure finançait cet important projet ferroviaire, le Québec pourrait attribuer ce montant à d’autres projets.

La création de cette nouvelle société d’État assortie d’une enveloppe de 35 milliards $ — 15 milliards $ comptant et 20 milliards en prêts remboursables — soulève la controverse. Le NPD l’a baptisée «la banque de privatisation des infrastructures». Elle servirait à financer de grands projets d’infrastructure qui généreront des recettes, avec l’aide d’investissements du secteur privé et des grands régimes de retraite.

Mais les dispositions législatives qui créent cette nouvelle entité se trouvent à l’intérieur d’un projet de loi omnibus, ce qui limite le temps d’étude que les parlementaires peuvent y consacrer.

Le sénateur indépendant André Pratte est donc resté sur sa faim. Il est l’auteur de la motion pour diviser le projet de loi C-44. Il s’agit d’une procédure rare — seulement deux autres cas ont été recensés en 1988 et en 2002 — qui aurait retardé la création de ce nouvel organisme.

La dizaine d’heures d’examen du projet de loi avait soulevé plus de questions qu’elle avait apporté de réponses, selon lui.

«Je suis pour la Banque de l’infrastructure, mais il y a plusieurs questions relatives au risque pour les fonds publics, sur l’accès à l’information possible sur les projets dans lesquels la banque va investir, sur la protection des juridictions des provinces et sur le modèle de gouvernance aussi», avait-il détaillé en entrevue la veille.

Dans un geste contradictoire et sous les huées de ses collègues, André Pratte a voté pour la décision du président du Sénat jeudi soir «par respect pour le président et pour l’institution». Il a toutefois soutenu qu’il appuiera toujours sa motion lorsqu’elle passera au vote.

Bras de fer à l’horizon

Le Sénat et la Chambre des communes pourraient donc se livrer un bras de fer d’ici l’ajournement des travaux le 23 juin.

«Nous croyons que la Chambre des communes a l’autorité d’adopter ce projet de loi qui est crucial pour l’implantation de notre budget», a affirmé le ministre Morneau jeudi après-midi.

La Chambre des communes pourrait donc renvoyer le projet de loi C-44 intact au Sénat, non-élu, et faire fi de sa décision de le diviser.

«Nous avons été clairs, a-t-il dit. Nous avons inséré la Banque de l’infrastructure dans le projet de loi budgétaire parce que nous croyons qu’il s’agit d’une mesure qui comporte de sérieuses implications financières. Nous croyons que cela aura un fort impact économique à court, moyen et long terme et c’est pourquoi nous nous attendons à ce qu’elle demeure dans ce projet de loi.»

Le gouvernement veut que la Banque de l’infrastructure soit en activité d’ici la fin de l’année. Il a même déjà affiché le poste de président avant d’obtenir l’aval des parlementaires. Les intéressés ont jusqu’à la fin du mois pour soumettre leur candidature.

Le vote au Sénat pour scinder le projet de loi C-44 doit avoir lieu en début de semaine prochaine. Il est difficile de prévoir quelle en sera l’issue.

Un projet de loi doit être adopté dans la même forme par les deux chambres pour obtenir la sanction royale.

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