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150e: des Autochtones n'ont pas le coeur à la fête

Mia Rabson, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Justin Trudeau admet volontiers que plusieurs Autochtones n’ont pas le coeur à célébrer le 150e anniversaire de la fédération, et il soutient que ceux qui manifestent leur mécontentement doivent être traités avec respect et compréhension.

Des préparatifs étaient en cours, jeudi soir, pour déménager un tipi directement sur la colline du Parlement, dans le cadre d’une manifestation pour sensibiliser les Canadiens à la place des autochtones dans l’histoire du Canada.

Après avoir d’abord dû installer leur campement en bordure du terrain principal, la veille, il semble que les militants ont obtenu ce qu’ils souhaitaient.

À la suite d’un geste commis contre un manifestant, des négociations ont été amorcées pour transférer le tipi sur la pelouse principale, à proximité de l’édifice de l’Ouest.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a arrêté un homme qui aurait fait du tapage sur le campement et projeté au sol le téléphone cellulaire que tenait un manifestant. L’homme devait être accusé de méfait, a indiqué une source gouvernementale.

Le gouvernement fédéral semble tenter de calmer le jeu, notamment par des efforts pour déplacer le tipi vers un endroit plus sécuritaire pour tous les gens impliqués.

La ministre des Affaires autochtones, Carolyn Bennett, organise un pique-nique dans sa circonscription — Toronto-St. Paul’s —, samedi, et un autre événement de «réoccupation» y est prévu.

Jeudi après-midi, la ministre a lancé une invitation sur Facebook et sur son site internet de députée, soulignant pourquoi plusieurs Autochtones n’ont pas le coeur à la fête et les invitant à faire entendre leur voix au pique-nique.

«Bien que bon nombre de Canadiens célébreront le jour de la fête du Canada, pour trop de gens il s’agit d’un rappel de notre passé raciste et colonialiste», a écrit Mme Bennett.

Neuf Autochtones de Sault Ste. Marie, en Ontario, avaient initialement été arrêtés puis relâchés à Ottawa, alors qu’ils tentaient d’ériger le campement sur la colline du Parlement. Munis de planches de bois, mercredi soir, ils voulaient construire un tipi et le maintenir sur place pendant ce week-end de célébrations de la fête du Canada, afin de dénoncer le sort réservé aux Autochtones.

L’organisateur de cette «réoccupation», Brendon Nahwegezhic, a expliqué qu’il s’agissait d’un effort pour sensibiliser les Canadiens à l’histoire des Autochtones du Canada, marquée par le génocide et l’assimilation.

Interrogé à ce sujet lors de sa visite dans l’Île-du-Prince-Édouard, jeudi, le premier ministre Justin Trudeau s’est dit sensible au message des manifestants, qu’il faut traiter avec respect et de façon responsable, a-t-il dit. Mais il faut aussi pouvoir gérer l’immense foule attendue samedi à Ottawa pour la fête du Canada, a précisé M. Trudeau. «C’est ce que j’attends des services de sécurité.»

La sécurité a effectivement été renforcée sur la colline du Parlement, alors que les organisateurs s’attendent cette année à une foule de 500 000 personnes dans la capitale.

Selon M. Trudeau, les Canadiens doivent comprendre que le 150e anniversaire de la fédération canadienne ne sera pas souligné de la même façon par tout le monde. «Nous reconnaissons que nous n’avons pas été à la hauteur face aux peuples autochtones au cours des décennies, des générations — en fait des siècles passés», a estimé le premier ministre.

Quatre jours sur la colline

Les manifestants autochtones ont quant à eux l’intention de demeurer sur la colline pendant les quatre prochains jours. «Nous sommes en territoire algonquin, nous avons le droit d’y pratiquer nos traditions», martèle Brendon Nahwegezhic.

«Trudeau parle de vérité et de réconciliation, mais on ne pourra tendre à la réconciliation sans exposer d’abord la vérité de façon transparente et juste, estime-t-il. Malheureusement, cela semble avoir été mal compris, entre autres par les politiciens.»

La sénatrice libérale Sandra Lovelace Nicholas, de la Première Nation malécite de Tobique, au Nouveau-Brunswick, a aussi indiqué jeudi qu’elle ne célébrerait pas ce week-end. «Notre histoire remonte bien avant la colonisation et pourtant, nous sommes toujours traités comme des citoyens de troisième ordre, même si nous avons signé des traités en toute bonne foi», a-t-elle expliqué.

«Nous célébrerons lorsque tous les traités seront réglés, et lorsque tous les enfants autochtones jouiront d’un traitement équitable en matière d’éducation, de soins de santé, d’eau potable, de logement et de gouvernance sur nos territoires.»

Des mots-clics comme #Resistance150 ont aussi envahi les médias sociaux, rassemblant des Canadiens qui n’ont pas le coeur à la fête. Dans certaines villes, des petites affiches posées sur les poteaux comparent les fêtes du 150e à une «célébration du génocide autochtone».

En mai, déjà, le groupe Idle No More invitait les Autochtones du pays à perturber les fêtes du 1er juillet. On suggérait par exemple de manifester lors du pique-nique de la fête du Canada auquel doit assister la ministre des Affaires autochtones, Carolyn Bennett, dans sa circonscription de Toronto.

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