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Recensement: croissance de l'anglais surestimée

Sean Kilpatrick / La Presse Canadienne Photo: Sean Kilpatrick
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le français a perdu du terrain au Québec (mais moins qu’annoncé) et l’anglais n’a pas progressé (il a plutôt reculé). Ce sont les conclusions auxquelles en vient finalement Statistique Canada après avoir commis une erreur dans sa livraison initiale de données.

L’erreur qu’a identifiée vendredi dernier l’agence fédérale a eu pour conséquence de surestimer la croissance de l’anglais dans la province et dans certaines de ses régions, tant pour la langue maternelle que pour la langue parlée à la maison.

Le pourcentage de personnes ayant déclaré l’anglais comme seule langue maternelle a donc chuté, passant de 7,7 à 7,5 pour cent entre 2011 et 2016. Les données initiales du 2 août dernier faisaient état d’un phénomène inverse — une augmentation de 7,7 à 8,1 pour cent.

Ceux qui ont le français comme unique langue maternelle représentent quant à eux 77,1 pour cent de la population québécoise, une baisse d’un point de pourcentage de 2011 à 2016. Les chiffres précédents faisaient était d’une chute de 78,1 à 76,4 pour cent pendant cette période.

L’erreur dans les données a aussi entraîné une légère surestimation du taux de bilinguisme français-anglais au Québec, et par conséquent, à l’échelle nationale. Celui-ci s’établit ainsi désormais à 17,9 pour cent plutôt que 18,0 pour cent, tel que rapporté au début août.

Lors d’une séance d’information technique, jeudi matin, à Ottawa, des fonctionnaires de Statistique Canada y sont allés d’un mea culpa, reconnaissant que l’erreur n’aurait pas dû échapper à la vigilance de l’agence.

«C’est clair qu’on aurait dû capter cette erreur-là, il n’y a aucun doute là-dessus», a affirmé en entrevue Jean-Pierre Corbeil, responsable du programme de la statistique linguistique chez Statistique Canada

Il convient que l’erreur dans ces données, qui ont suscité une déferlante de réactions, est d’autant plus embarrassante vu la sensibilité de l’enjeu linguistique au Québec.

«Il est clair que si cette situation-là avait été observée parmi le nombre de couples en union libre, on n’aurait pas eu la même réaction que si on parle de l’évolution de l’anglais ou du français au Québec», a-t-il illustré.

«Nous sommes très conscients de l’aspect très sensible de cette question, de ces enjeux, et Statistique Canada va corriger le tir, simplement», a garanti M. Corbeil.

Les fonctionnaires de l’agence fédérale ont assuré avoir effectué au cours des derniers jours une révision rigoureuse de l’ensemble des processus, et que cet exercice avait permis de constater que l’erreur était limitée à la langue.

Elle a été causée par le logiciel utilisé pour compiler les données qui a inversé les réponses sur la langue dans des formulaires en français. Les réponses d’environ 61 000 personnes, dont environ 57 000 au Québec, ont ainsi mal été classifiées.

Elle était passée sous le radar jusqu’à ce que le président de l’Association d’études canadiennes, Jack Jedwab, passe les données au peigne fin.

Il a levé un drapeau rouge après avoir constaté que les chiffres indiquaient une augmentation d’environ 57 000 personnes dans la population anglophone de villes à forte majorité francophone comme Rimouski (+164 pour cent) ou encore Saguenay (+115 pour cent).

Le chercheur montréalais était satisfait, jeudi, que Statistique Canada ait «agi rapidement» pour corriger le tir, et il a assuré que sa confiance envers l’agence fédérale n’était pas pour autant ébranlée.

«Comme on sait, au Québec, le débat peut être assez émotif. On veut s’assurer que tout le monde travaille avec les données exactes», a-t-il dit en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.

En revanche, il trouve décevant que Statistique Canada semble avoir cherché à minimiser l’importance de l’erreur dans les documents publiés jeudi matin.

«Si on exprime ça en termes de pourcentage, c’est peut-être un petit changement, mais en chiffres réels, pour un anglophone, ce matin, il se lève en disant: ‘Ils sont 55 000 de moins’», a exposé M. Jedwab.

«Moi, je trouve ça assez important! On ne va pas me convaincre que c’est un petit changement», a-t-il lancé.

Chez Statistique Canada, «il y a une leçon qu’on tire» de cet épisode, a insisté M. Corbeil.

«J’aimerais mentionner que Statistique Canada est une institution d’envergure mondiale, un leader au niveau international, pas parce qu’on ne commet aucune erreur, mais parce qu’on réagit rapidement comme on l’a fait cette semaine», a-t-il plaidé.

Le chercheur Jack Jedwab recommande pour sa part «qu’un groupe d’experts soit consulté pour poser un dernier regard sur la diffusion de chiffres, notamment en ce qui concerne les questions linguistiques et les questions d’immigration».

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