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LGBTQ2: Trudeau s'excuse avec «honte» et tristesse

Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Adrian Wyld
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Douze «sorry» et un «désolé». Justin Trudeau s’est profusément excusé aux membres de la communauté LGBTQ2, mardi, se faisant le porte-parole de la «honte collective» des Canadiens face à la «véritable chasse aux sorcières» dont ils ont été victimes pendant des décennies.

«C’est avec honte, tristesse et un profond regret pour les choses que nous avons faites que je suis ici devant vous et que je dis: nous avons eu tort», a-t-il lâché après avoir énuméré une série de gestes préjudiciables posés par le gouvernement pendant des décennies.

Le gouvernement a eu «tort». Tort d’avoir «forcé à vivre à l’écart», «rendu invisibles» et «humilié» ses citoyens des communautés lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenre, queer et bispirituelle (LGBTQ2). Tort de s’être livré à la «purge antigaie» dans un passé pas si lointain.

Il a soutenu qu’entre les années 1950 et 1990, le gouvernement «a exercé son pouvoir de manière cruelle et injuste», alors que la fonction publique, l’armée et la Gendarmerie royale du Canada «espionnaient leurs propres membres» pour détecter tout «comportement homosexuel».

L’État justifiait la «véritable chasse aux sorcières» à laquelle il se livrait en prétextant que cette prétendue «faiblesse de caractère» pouvait être exploitée à mauvais escient par des pays ennemis, a déploré le premier ministre, que l’on a vu essuyer des larmes à quelques reprises.

«À cette époque, le gouvernement fédéral a même investi des fonds pour développer un appareil absurde qu’on appelait alors Fruit Machine — une technologie déficiente qui devait supposément permettre de mesurer l’attraction homosexuelle», s’est désolé Justin Trudeau.

Et sous le regard de certaines de ces personnes qui, assises dans les gradins, ont souffert de cette traque, il a lâché: «Vous n’étiez pas de mauvais soldats, marins et pilotes. Vous n’étiez pas des prédateurs. Et vous n’étiez pas des criminels.»

Le premier ministre a dit entretenir l’«espoir qu’en parlant de ces injustices, en promettant qu’elles ne se reproduiront plus jamais et en agissant pour corriger ces erreurs, nous pourrons commencer à guérir ensemble».

À la fin de ce discours qui a duré près de 30 minutes et qu’il a livré devant ses enfants Xavier et Ella-Grace, il a été étreint par quelques députés ouvertement homosexuels de son caucus, soit Rob Oliphant, Seamus O’Regan, Scott Brison et Randy Boissonnault.

Absentéisme conservateur

L’allocution de Justin Trudeau a été ponctuée de quelques ovations en Chambre. En revanche, dans les banquettes conservatrices clairsemées, où entre 20 et 30 députés étaient absents selon le moment, une poignée de trois ou quatre élus ont choisi de rester assis à chaque coup.

«Plusieurs députés étaient hors d’Ottawa cette semaine, pour plusieurs raisons: personnelle, comités, événements dans le comté», a expliqué une porte-parole du parti, Virginie Bonneau, dans un courriel envoyé à La Presse canadienne.

Des médias, dont La Presse canadienne, ont cependant pu constater du haut du perchoir de la Chambre des communes que des députés conservateurs qui étaient présents à la période de questions se sont éclipsés avant le discours de Justin Trudeau.

Lors d’une longue conférence de presse après la longue séance aux Communes, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, n’a pas voulu se prononcer directement sur ce taux élevé d’absentéisme au caucus conservateur, qui compte 96 députés au total.

«Notre objectif aujourd’hui, c’était de faire l’unanimité, parce que c’est important que la communauté LGBTQ2 entende que le gouvernement, et de façon générale, les parlementaires, on est de leur côté», a-t-elle affirmé.

«Maintenant, s’il y a des personnes qui sont mal à l’aise avec les excuses qui ont été présentées, ça leur appartient, a poursuivi la ministre Joly. Je pense que vous devez leur poser la question.»

Projet de loi et dédommagement

Les excuses formulées par Justin Trudeau sont assorties d’un dédommagement financier et d’un projet de loi qui permettrait aux Canadiens punis jadis pour des relations homosexuelles consensuelles d’effacer toute trace de ces condamnations de façon «simple» et sans frais.

Déposée en Chambre mardi, la mesure législative C-66 prévoit la destruction de tous les documents liés à ces «crimes» de grossière indécence ou encore en vertu de l’article 159 du Code criminel prohibant les relations sexuelles anales dans certaines circonstances.

Or, le gouvernement a déjà déposé deux mesures législatives visant à éliminer cet article. Les projets de loi C-32 et C-39 ont été déposés, célébrés par des ministres et membres de la communauté LGBTQ2, puis oubliés: aucun n’a franchi l’étape de la première lecture.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, qui parraine le projet de loi C-66, avait disparu au moment de répondre aux questions des journalistes, mardi, et n’a donc pas pu dire si sa mesure législative progresserait plus rapidement que les deux autres.

À sa place, le conseiller spécial du premier ministre sur les enjeux LGBTQ2, Randy Boissonnault, a simplement offert qu’il comptait s’assurer personnellement que ce soit une priorité, sans cependant fixer un échéancier précis en vue de son adoption.

«Mon objectif, c’est qu’on voit dans la session législative beaucoup plus de chemin», a-t-il indiqué, disant qu’il allait s’en assurer «dans (son) rôle de conseiller» et de membre du comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Le gouvernement a aussi confirmé mardi qu’il avait conclu une entente de principe prévoyant un dédommagement de 110 millions $ pour les militaires et les fonctionnaires dont la carrière a été perturbée ou a pris fin en raison de leur orientation sexuelle.

Selon le député Boissonnault, «jusqu’à 9000 personnes» pourraient se partager la somme. Qu’arriverait-il s’ils étaient encore plus nombreux à se manifester; le montant pourrait être revu à la hausse? «On va regarder si ça arrive», a-t-il répondu.

En vertu de l’entente de principe, chaque membre de l’action collective recevra un montant minimum de 5000 $. Le plus gros chèque pourrait atteindre 150 000 $. L’évaluation des dommages subis sera effectuée par un administrateur indépendant.

Le gouvernement fédéral était visé par une action collective d’employés fédéraux qui avaient fait l’objet d’enquêtes et qui avaient été sanctionnés, voire congédiés, dans le cadre de la «purge antigaie». L’accord de principe doit être avalisé par la Cour fédérale.

«Historique»

Mais déjà, il a l’aval plus qu’enthousiaste de Doug Elliott, cet avocat torontois qui a mené le combat devant les tribunaux et qui était à Ottawa présent pour écouter les excuses du premier ministre Justin Trudeau.

«C’est le dédommagement financier (….) le plus important pour la communauté LGBTQ2 au monde et dans l’histoire de notre mouvement. C’est rien de moins qu’historique», s’est-il réjoui en conférence de presse avec les élus libéraux.

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