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Des organisations du milieu de la santé dénoncent une omerta

Photo: Mario Beauregard/Métro

En s’arrogeant le pouvoir d’évaluer des réformes, auparavant dévolu au Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, impose une «loi du silence», jugent des organisations du milieu de la santé.

Annoncé en mars 2016, l’abolition du poste de CSBE a été confirmée le 31 octobre dernier, dans un projet de loi omnibus déposé par le ministre des Finances, Carlos Leitão. Dans les nouvelles dispositions, toutes les responsabilités qu’avaient le CSBE ont été transférées à l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS).

Toutes, sauf une, celle de faire «l’analyse des impacts des politiques gouvernementales» sur l’état des services de santé, qui est revenu au ministre de la Santé. C’est ce qu’ont dénoncé lundi le Conseil pour la protection des malades, le Réseau FADOQ, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Médecins québécois pour le régime public et l’avocat spécialisé en santé, Jean-Pierre Ménard.

«Le ministre va se donner des avis sur ses propres réformes», a ironisé Me Ménard, qui croit qu’en abolissant le CSBE, Gaétan Barrette a tué «la dernière voix indépendante» dans le réseau de la santé.

Le CSBE n’avait pas beaucoup plus de pouvoirs que ne l’aura l’INESSS, mais Robert Salois avait abordé des sujets sensibles qui n’avaient pas plu au gouvernement comme les CHSLD et la rémunération des médecins, estiment les organisations. En 2016, au moment d’abolir le poste occupé par M. Salois, le gouvernement avait évoqué des raisons budgétaires, le bureau du CSBE coûtant quelque 2,5 M$ par an.

Selon Me Ménard, Gaétan Barrette exerce une «forme de bullying». «Il envoie un message à l’INESSS aussi, en disant de ne pas aller sur le terrain des impacts sur la population, a-t-il avancé. Tout le monde dans le réseau le dit, la centralisation des pouvoirs dans les mains du ministre est excessive.»

Le président du Conseil pour la protection des malades, Paul Brunet, croit qu’une «loi du silence» s’incruste dans le réseau. «On a évacué toute forme possible de critique. J’étais au forum sur les CHSLD en novembre 2016. Les présidents-directeurs généraux étaient autour de la table et ils n’ont pas dit un mot, a-t-il relaté. Personne n’a osé critiquer. C’est un silence que je n’ai jamais vu en 20 ans.» Il fait état de confidences de cadres qui ne peuvent plus parler des indicateurs de gestion s’ils sont négatifs.

«Si on veut corriger les choses, il faut faire un débat dans la société. D’abord par une commission parlementaire pour savoir ce que les groupes [de soignants], les patients et la population en pense», a proposé Jean-Pierre Ménard.

Présente à la conférence de presse, la porte-parole du Parti québécois en matière de santé, Diane Lamarre, n’a pas voulu s’engager à réclamer une commission parlementaire. «Le ministre fait du camouflage dans beaucoup de données. Je crois que les gens le sentent et vont se manifester aux prochaines élections», a-t-elle dit.

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a pour sa part indiqué qu’une commission parlementaire pour établir un chien de garde en santé «serait une excellente idée», mais doute que le Parti libéral accepte de le faire.

Appelé à réagir, le ministre Barrette a simplement affirmé qu’il est convaincu «que l’INESSS sera en mesure de faire le travail».

Une erreur

Quatre autres organisations ont également déploré lundi la décision d’abolir le poste de CSBE, la qualifiant d’«erreur». L’Association médicale du Québec, l’Alliance des patients pour la santé, l’Association des cadres supérieurs de la santé et des services sociaux et la Confédération des syndicats nationaux jugent que la fonction de commissaire relevant de l’Assemblée nationale est «essentielle».

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