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Les cégeps mènent une intense offensive de charme

Photo: Isabelle Bergeron/TC Media
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Les collèges du Québec, particulièrement en région, sont en plein mode séduction alors que la pression économique s’intensifie pour produire davantage de diplômés.

L’initiative du cégep de Rivière-du-Loup, dont l’offre de 500 $ par session et la résidence gratuite pour neuf mois aux étudiants hors région de certains programmes a défrayé la manchette plus tôt cette semaine, n’est que la dernière en lice d’une série de démarches des collèges visant à mousser le recrutement.

«Il y a plusieurs cégeps qui réfléchissent à des mesures attractives, et ce, depuis quelques années», confirme le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, en entrevue avec La Presse canadienne.

Par exemple, le cégep Beauce-Appalaches offre des bourses pouvant atteindre jusqu’à 6000 $ à terme aux étudiants hors région pour certains programmes dont la répartition vise à la fois à attirer des jeunes et à les retenir ainsi qu’à financer leur résidence dans la région.

À Jonquière, le cégep propose des bourses de 3000 $ pour certains programmes, là aussi en versements étalés afin de soutenir la rétention et la persévérance.

Le cégep de Matane a également un programme de bourses de 3000 $ qui peuvent être consacrées aux études ou à la résidence, tout comme celui de Rimouski.

Baby-boom et plein emploi

L’économie québécoise est aux prises avec deux éléments de conjoncture parallèles, soit les départs massifs à la retraite des baby-boomers et une situation de plein emploi, deux phénomènes dont l’effet combiné crée une rareté de la main-d’oeuvre qui entraîne une demande inédite sur le marché de l’emploi.

Le recrutement intensif vise à résoudre la double conséquence de cette situation, soit augmenter le nombre de diplômés dans des secteurs où le nombre de finissants ne comble pas la demande du marché du travail et assurer le maintien de certains programmes où la demande est forte, mais dans lesquels le faible nombre d’inscrits locaux ne peut en assurer la viabilité.

Bien qu’il reconnaisse que des étudiants de l’extérieur risquent de quitter la région une fois leur formation terminée, Bernard Tremblay n’y voit pas de problème en soi: «Il faut dans certains cas attirer des gens de l’extérieur pour maintenir le programme, car on ne peut plus l’offrir s’il y a un nombre insuffisant d’étudiants».

Selon lui, le maintien d’un programme où la demande est forte peut être crucial car la région a souvent besoin elle aussi de ces diplômés, même s’il n’en reste qu’un petit nombre en fin de parcours.

Le financement des initiatives de recrutement est rendu possible en grande partie par une mesure entrée en vigueur durant l’année scolaire 2016-2017 qui vise à favoriser la mobilité interrégionale, dotée d’une enveloppe de 1,4 million $.

L’allocation cible huit des 17 régions administratives du Québec et «constitue une expérimentation d’une durée de cinq ans», selon le Régime budgétaire et financier des cégeps du ministère de l’Enseignement supérieur.

Tous les programmes énumérés ci-dessus ont été financés avec cette enveloppe.

Contrer l’exode rural par l’exode urbain

La clientèle des collèges est relativement stable à l’échelle provinciale, mais «il y a des variations d’un cégep à l’autre et d’une région à l’autre», explique M. Tremblay.

«Il y a toujours un phénomène de déplacement — l’exode des jeunes — dans certaines régions», note le PDG de la Fédération.

Il fait valoir que l’attrait d’étudier à l’étranger peut s’avérer un rêve hors de portée pour de nombreux jeunes et que l’offre régionale peut s’avérer l’alternative de choix.

«À 17-18 ans il y a un goût de l’aventure qui peut amener des jeunes à vouloir sortir de leur réalité urbaine, aller ailleurs sans que ce soit trop coûteux, surtout s’il y a des mesures incitatives», avance-t-il.

«Ce n’est pas parce qu’on est dans un milieu urbain qu’on n’a pas un attrait pour les grands espaces, pour un mode de vie plus détendu, une petite communauté étudiante. Il y a une grosse différence entre un cégep de 5000 ou 6000 étudiants et un cégep de 800 ou 1000 étudiants», argue Bernard Tremblay.

Bourses de 1700 $

Une autre mesure, axée strictement sur les besoins du marché du travail celle-là, a été mise en place par la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) — à laquelle siègent le gouvernement du Québec, des représentants des employeurs, des centrales syndicales, du milieu de l’éducation et des organismes communautaires.

La Commission a ainsi créé en 2017 un programme de bourses destinées aux étudiants qui fréquenteront des programmes bien ciblés où le besoin de main-d’oeuvre est criant.

Contrairement à la mesure budgétaire précédente, celle de la Commission vise l’ensemble des régions du Québec, incluant les collèges en milieu urbain.

«Les bourses de la Commission sont là d’abord pour stimuler l’inscription d’étudiants dans des programmes en pénurie», explique Bernard Tremblay, qui précise que «ce ne sont pas nécessairement les mêmes programmes d’une région à l’autre, quoiqu’il y ait des tendances lourdes».

Il donne ainsi l’exemple du programme de maintenance industrielle: «Il y a un besoin énorme de main-d’oeuvre, le taux de placement est de 100 pour cent et même si plusieurs cégeps dans plusieurs régions l’offrent, on manque constamment d’étudiants dans ce programme.»

Quelque 2000 bourses de 1700 $ ont été accordées pour l’année scolaire 2017-2018 à des étudiants se dirigeant dans des «programmes de formation menant aux professions priorisées» par la Commission. Sur le total des bourses, 1255 sont allées à des étudiants fréquentant un programme technique collégial, les autres allant à des étudiants en formation professionnelle au niveau secondaire.

Le programme de la CPMT prévoit accorder 1000 autres bourses semblables pour l’année scolaire 2018-2019.

Fait à noter, sur les quelque 90 000 emplois créés en 2017 au Québec, 81 pour cent exigeaient un diplôme d’études supérieures, soit de niveau collégial ou universitaire. Dans certains cas, au niveau collégial, les mesures d’attraction visent également les étudiants qui s’inscrivent à la formation générale en vue d’un parcours universitaire.

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