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Actes répréhensibles de sociétés: Ottawa agira

Ryan Remiorz / La Presse Canadienne Photo: Ryan Remiorz
Julien Arsenault, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Le gouvernement Trudeau va légiférer sur les actes répréhensibles commis par les entreprises, ce qui pourrait permettre à SNC-Lavalin, visée par des accusations criminelles, de tourner la page sur son passé trouble.

Au terme de consultations qui se sont terminées en décembre, Ottawa mettra en place un régime d’accords de poursuite suspendue (APS) en plus de modifier le Régime d’intégrité — qui peut empêcher une entreprise fautive de décrocher des contrats gouvernementaux pendant une période pouvant aller jusqu’à 10 ans.

On ignore toutefois l’échéancier du gouvernement Trudeau.

Le temps presse pour SNC-Lavalin, puisque l’enquête préliminaire découlant des accusations de fraude et de corruption déposées en 2015 par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en lien avec des gestes qui auraient été posés en Libye doit s’amorcer en septembre.

«C’est un pas dans la bonne direction», a indiqué vendredi la vice-présidente principale aux communications de l’entreprise, Isabelle Perras.

La firme de génie-conseil milite depuis des années pour la mise en place d’un APS semblable à ceux qui existent dans d’autres pays, comme aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Ces accords prévoient généralement le paiement d’une amende par la société concernée, qui doit aussi coopérer avec les autorités. Éventuellement, les accusations peuvent être abandonnées si l’entreprise se conforme aux exigences.

SNC-Lavalin, qui dit avoir apporté les changements nécessaires, fait valoir que des APS permettraient aux entreprises de régler les affaires de corruption et d’éviter de se retrouver en situation de désavantage lorsqu’elles font concurrence à des firmes rivales d’autres pays membres du G7.

«L’intention du gouvernement fédéral enlève un grand poids sur les épaules des entreprises canadiennes qui font affaires à l’international», a estimé Mme Perras.

Encore des questions

Mme Perras ignorait toutefois pour l’instant si SNC-Lavalin pourrait éventuellement conclure une entente qui paverait la voie à un abandon des accusations qui pèsent sur la société ou à l’annulation des procédures judiciaires.

Advenant qu’elle soit reconnue coupable, la multinationale pourrait perdre le droit de convoiter des contrats gouvernementaux.

D’après la GRC, la firme aurait versé 47,7 millions $ à des responsables gouvernementaux en Libye dans le but d’influencer leurs décisions. De plus, deux de ses divisions auraient privé diverses organisations locales d’environ 129,8 millions $.

L’annonce d’Ottawa a semblé rassurer les investisseurs, puisqu’à la Bourse de Toronto, l’action de SNC-Lavalin a pris 2,97 pour cent, ou 1,65 $, pour clôturer à 57,25 $.

«C’est un pas dans la bonne direction qui était attendu depuis longtemps, a estimé l’analyste Frédéric Bastien, de Raymond James, dans un rapport envoyé à ses clients. Cela mettrait un terme au scandale de corruption survenu en 2012.»

Au Québec, SNC-Lavalin avait conclu une entente avec sept municipalités, dont Montréal, Laval et Québec, en décembre afin de remettre une somme non précisée dans le cadre du programme de remboursement volontaire (PRV).

Plus efficace

Pour le directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), Michel Nadeau, les APS permettront de régler des dossiers en évitant la «voie légale, souvent longue coûteuse et complexe».

«Évidemment, les fonctionnaires devront négocier rigoureusement, mais je crois que c’est une solution à privilégier», a-t-il expliqué au cours d’un entretien téléphonique.

En vertu de la clause Jordan, de plus en plus de sociétés pourraient être tentées d’utiliser des «manoeuvres dilatoires» pour «étirer» les délais, ce qui pourrait mener à des demandes pour arrêter les procédures, a observé M. Nadeau.

À son avis, des ententes directes entre Ottawa et des entreprises ne risquent pas de se traduire par un relâchement au chapitre de la gouvernance compte tenu du suivi qui accompagne généralement un APS.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), qui avait participé aux consultations en déposant un mémoire en faveur des APS, a abondé dans le même sens.

«Ce dispositif laisse une latitude aux décideurs publics de déterminer s’ils désirent ou non conclure un accord», a rappelé son président et chef de la direction, Michel Leblanc, lors d’une entrevue téléphonique.

Selon lui, aucune entreprise ne prendra le risque d’enfreindre les règles en assumant qu’elle pourra s’en tirer en payant une amende à la suite d’une entente avec les autorités gouvernementales.

(Entreprise dans cette dépêche: TSX:SNC)

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