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Alcoolisme: un programme canadien se démarque

Christopher Katsarov / La Presse Canadienne Photo: Christopher Katsarov

VANCOUVER — Un programme radical qui offre des doses quotidiennes d’alcool à des alcooliques dans plusieurs villes canadiennes retient l’attention d’autres pays qui souhaitent en reproduire l’efficacité.

La chercheuse Bernie Pauly, de l’Université de Victoria, se rendra en Écosse dans deux semaines pour discuter d’une étude qui témoigne des multiples bienfaits des programmes de gestion de l’alcool.

Des villes comme Vancouver, Toronto, Hamilton, Ottawa et Thunder Bay offrent une variante de ces programmes. Les participants sont parfois logés et reçoivent une dizaine de consommations chaque jour, souvent sous supervision médicale.

Mme Pauly explique que les programmes qui incluent un hébergement offrent aux participants stabilité et sécurité; ils font partie de cette étude, qui est toujours en cours.

«On présente parfois ça comme une réponse toute canadienne à ces problèmes, et ça intéresse les autres pays, a-t-elle dit, en ajoutant que l’Australie étudie la possibilité d’implanter un programme de gestion de l’alcool. Nous avons reçu des appels de régions d’Afrique qui s’intéressent à ce qu’on fait, puisque la consommation d’alcool à travers le monde et les problèmes que ça cause sont responsables des proportions les plus élevées de morbidité et de mortalité.»

Mme Pauly et d’autres chercheurs de l’Université de Victoria signent quatre articles dans une édition spéciale publiée ce mois-ci par le journal médical «Drug and Alcohol Review».

L’étude «Canadian Managed Alcohol Program» compte environ 380 sujets, dont la moitié sont inscrits à sept programmes de gestion de l’alcool à travers le pays. Ces derniers seraient moins susceptibles de se rendre à l’hôpital, de traverser des épisodes de sevrage et d’être arrêtés par la police.

«Plusieurs communautés qui ont mis en place un programme de gestion de l’alcool partaient d’un point de vue de grande compassion en disant: « Il faut commencer par réduire les méfaits, il faut commencer par offrir aux gens un endroit sûr, des sources d’alcool plus sûres et des quantités d’alcool plus sûres »», a expliqué Mme Pauly.

Certains programmes canadiens sont toutefois menés dans la plus grande discrétion, en raison de la controverse qui peut entourer le fait de traiter des troubles graves liés à la consommation d’alcool avec de l’alcool, a-t-elle dit.

«Les gens qui participent aux programmes de gestion de l’alcool ont eu plusieurs, plusieurs expériences infructueuses avec des programmes d’abstinence. Ils sont donc fréquemment vulnérables aux méfaits des beuveries ou des modes de consommation explosifs», poursuit Mme Pauly.

Des refuges qui servent de l’alcool
Un spécialiste de la santé publique, le docteur Tomislav Svoboda, a aidé à mettre au point le premier programme canadien de gestion de l’alcool. Ce programme a été implanté à Toronto il y a une vingtaine d’années, dans la foulée du rapport d’un coroner concernant trois hommes morts de froid après s’être fait refuser l’accès à un refuge en raison de leur alcoolisme.

Le docteur Svoboda travaille toujours dans deux refuges qui, ensemble, disposent d’environ 80 lits.

«Nous avons un bar et nous servons de l’alcool, mais dans les faits, les gens vont boire de toute façon, et nous leur offrons des soins, ce qu’on leur refuse depuis des décennies», explique-t-il.

Les recherches de Mme Pauly et de ses collègues fournissent la plus grande quantité de données depuis que deux études publiées en 2006 se sont intéressées aux programmes canadiens de gestion de l’alcool, selon le docteur Svoboda.

L’un des patients du docteur Svoboda, Bruce Hughes, a tout perdu à cause de l’alcoolisme: sa femme, ses enfants, sa maison. Il buvait du rince-bouche et jusqu’à dix bouteilles d’alcool à friction par jour avant de s’inscrire au programme de gestion de l’alcool il y a environ trois ans.

On lui donnait deux bouteilles de vin chaque matin, qu’il consommait au fil de la journée. Il recevait ensuite six onces de vin par heure à compter de 20 h.

«On vous donne un nombre de consommations chaque jour en fonction de ce que le médecin a décidé. C’est bien géré. On ne voit personne qui se bave dessus ni rien. Mais le mieux, c’est qu’on ne voit personne sortir geler à mort dehors», explique-t-il.

M. Hughes n’a rien bu depuis six mois, mais il sait qu’il est un «ivrogne à temps plein» dont la prochaine consommation risque de le faire replonger.

«Ça m’a fait prendre conscience de ma dépendance, dit-il au sujet du programme. J’ai lentement commencé à comprendre que l’alcool était ma vie. J’ai 52 ans et je n’ai rien du tout.»

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