Les affiliations d’Alexandre Taillefer dérangent
Le nouveau président de la campagne électorale du Parti libéral du Québec (PLQ) est membre du Parti québécois (PQ), en plus d’avoir déjà adhéré à la Coalition avenir Québec (CAQ).
Le PQ a confirmé jeudi après-midi que l’homme d’affaires Alexandre Taillefer, qui venait à peine de faire le saut au PLQ plus tôt en journée, est un membre en règle de la formation souverainiste.
Il a renouvelé sa carte de membre l’an dernier et elle est valide jusqu’en 2020, a fait savoir une porte-parole du Parti québécois. Il avait également déjà fait un don à la campagne à la direction du PQ de Jean-François Lisée en 2016, en indiquant toutefois qu’il n’était pas souverainiste ou péquiste.
La CAQ a elle aussi confirmé que l’homme d’affaires avait été membre du parti en 2014-2015 et qu’il avait versé des contributions financières.
Les libéraux ont pour leur part affirmé que M. Taillefer a fait «comme d’autres avant lui qui sont devenus des membres illustres du PLQ», notamment l’ancien ministre des Finances Raymond Bachand, autrefois péquiste.
Le responsable des relations avec les médias du gouvernement, Charles Robert, a soutenu que M. Taillefer «choisit le parti le plus progressiste, ce qui est une preuve de clairvoyance, d’esprit neuf, en accord avec le premier ministre».
Il a ajouté que le nouveau venu «ne sera pas le seul à changer d’allégeance en faveur du PLQ».
M. Taillefer a été la cible de l’opposition à l’Assemblée nationale dès ses premiers pas en politique, parce qu’il dirigera ainsi la campagne libérale en étant à la tête de médias, propriétaire de Téo Taxi et lobbyiste.
Outre le fait qu’il possède les magazines L’Actualité et Voir, M. Taillefer a reçu des fonds publics pour Téo Taxi, mais il a dit n’y voir aucun conflit d’intérêts.
Dans une mêlée de presse diffusée à Radio-Canada, M. Taillefer a assuré n’avoir rien à se reprocher. L’aide financière gouvernementale qu’il a obtenue auparavant venait de programmes normés accessibles à tous.
«Pas du tout, je ne suis pas en conflit d’intérêts. Ce n’est pas un rôle où je suis élu, je ne me présente pas pour être ministre nulle part. Et les programmes auxquels on a eu droit sont des programmes auxquels toute l’industrie a droit.»
Quant à ses médias, il a plaidé que ce sont des mensuels et non des quotidiens qui commentent l’actualité au jour le jour. De surcroît, il ne s’ingère pas dans le contenu rédactionnel, a-t-il précisé.
«On n’est pas du tout dans une situation problématique. Jamais je n’interviens dans les salles de presse. Je ne pense pas qu’un mensuel soit en mesure d’avoir une influence sur une campagne électorale qui se déroule au quotidien.»
Il a convenu qu’il devra «démontrer une patte blanche absolue», mais il dit arriver «avec un bagage d’intégrité et une réputation qui ne sont pas à faire».
En point de presse en matinée jeudi à l’Assemblée nationale, le premier ministre Philippe Couillard a défendu son équipier. «C’est un président de campagne, ce n’est pas un candidat à un poste électif. Dans le passé les présidents de campagne ne se sont pas départis de leurs intérêts.»
Quant à savoir si M. Taillefer devait vendre ses actifs dans les médias, M. Couillard a dit aux journalistes qu’il fallait demander à M. Taillefer.
«Vous ne voyez pas d’autre dirigeant de presse (dans la même situation)?» a-t-il demandé, faisant ainsi allusion à l’actionnaire de contrôle de Québecor, Pierre Karl Péladeau, l’ancien chef du Parti québécois, à qui les libéraux reprochaient de conserver le contrôle de son empire.
Le leader parlementaire Jean-Marc Fournier a été cinglant. Il ne voit pas pourquoi on devrait imposer à M. Taillefer des obligations alors qu’il n’est pas membre du conseil des ministres.
«Son conflit d’intérêts, c’est de devenir membre du Parti libéral du Québec», a lancé M. Fournier en conférence de presse, en faisant ensuite une référence tacite à M. Péladeau, qui avait refusé de confier ses avoirs à une fiducie sans droit de regard durant son aventure politique.
«Les gens qui deviennent membres du Parti libéral du Québec, je ne pense pas qu’ils mettent leurs fonds en fiducie sans droit de regard.»
En Chambre, la députée péquiste Agnès Maltais a rappelé que M. Taillefer était inscrit au registre des lobbyistes pour obtenir des modifications réglementaires, également au ministère des Transports, au Fonds vert et à Transition énergétique Québec, pour obtenir des contrats, ainsi qu’auprès de deux ministères pour obtenir une subvention de 4 millions $.
«Depuis combien de temps est-il en discussion pour être président de la campagne électorale et l’a-t-il été en même temps qu’il était lobbyiste, ce qui semble, à sa face même, une évidence? Deuxièmement, est-ce que tout cela est éthique?» a-t-elle demandé.
Pierre Karl Péladeau s’est par ailleurs lui-même insurgé contre la position des libéraux dans son compte Twitter. «Bonne vieille règle du 2 poids, 2 mesures et de l’imposture libérale du chef du PLQ. Il n’exigera pas de fiducie à son nouveau directeur de campagne (sic) parce qu’il ne sollicite pas de mandat électif. Mais, ne travaille-t-il pas pour un premier ministre élu?»
Dans l’annonce de son engagement politique diffusée dans les médias sociaux, M. Taillefer explique que sa décision de faire le saut s’impose en raison de l’importance des enjeux. Il a ajouté que les positions progressistes du chef libéral, Philippe Couillard, le rejoignent.