Paradis nie en bloc le blâme de la commissaire à l’éthique
Pierre Paradis rejette en bloc les conclusions de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, qui accuse le député de Brome-Missisquoi d’avoir utilisé des fonds publics au profit de sa fille et de son gendre.
Dans un communiqué diffusé mardi en fin d’après-midi, le bureau du député assure que M. Paradis a «pleinement» respecté les règles d’éthique et nie qu’il ait commis un quelconque manquement aux règles.
Dans son rapport accablant, Ariane Mignolet, recommande d’imposer au député une sanction financière de près de 24 500$.
La commissaire avait déclenché une enquête après que l’Unité permanente anticorruption (UPAC) lui eut remis des renseignements sur la manière dont le député Paradis utilisait l’allocation de logement à laquelle il avait droit.
Selon la commissaire, M. Paradis avait utilisé son allocation pour louer à Québec, entre février 2009 et mai 2012, un appartement dans lequel habitaient sa fille, son gendre et leur enfant et où une chambre lui était réservée.
Toutefois, ni le nom de sa fille ni celui de son gendre n’apparaissait sur le bail de l’appartement, pour lequel il recevait une allocation tournant autour de 1200$ par mois. Ceux-ci se trouvaient ainsi à être logés gratuitement aux frais de l’État.
Puis, en mai 2012, la fille et le gendre de M. Paradis avaient acheté un condominium. Le député de Brome-Missisquoi avait alors signé un bail mensuel de 1300$, comme locataire, situation qu’il a continué de déclarer jusqu’à la vente du condominium par sa fille et son conjoint, en décembre 2015, mais seul le nom de son gendre apparaissait au bail et non celui de sa fille.
Encore là, le condominium était aussi habité par le jeune couple et le loyer payé par l’État couvrait la quasi-totalité de l’hypothèque.
Dans son rapport, la commissaire Mignolet réfute la prétention de Pierre Paradis selon laquelle il agissait «en toute bonne foi».
«Le député semble avoir eu l’intention de cacher sa situation de cohabitation avec son gendre et sa fille», écrit-elle, précisant que le nom de cette dernière n’apparaissait pas sur le bail du condominium, seulement celui du conjoint. Elle ajoute que «plusieurs éléments liés au bail (…) ne correspondaient pas non plus à la réalité» et que le député a omis de faire état «du lien qui l’unissait au locateur du logement qu’il louait, dans le cadre de ses déclarations des intérêts personnels».
Paradis se défend
Le bureau du député avait joint au communiqué sa version des faits qu’il avait présentée à la commissaire, dans laquelle il s’en prend à la personne qui a fait la plainte à l’UPAC. Il remet même en doute l’impartialité de Mme Mignolet.
Selon le document de 26 pages, la personne qui a dénoncé M. Paradis était la même qui l’avait dénoncé pour agression sexuelle — ce qui n’a mené à aucune accusation, rappelle le bureau du député.
«Cette séquence pour le moins particulière, combinée avec votre proximité professionnelle pendant quelques années avec la plaignante, alors que vous étiez collègues de travail à l’Assemblée nationale, nous cause un inconfort quant à votre impartialité», est-il écrit.
Avant de devenir commissaire à l’éthique, Ariane Mignolet était secrétaire de commission parlementaire à l’Assemblée nationale. La plaignante était une employée de M. Paradis.
«Vous avez effectué une enquête basée sur de fausses allégations émanant de la plaignante, alors que vous saviez que l’instigation ou l’encouragement d’une enquête par une personne qui venait d’être déboutée concernant des allégations d’agression sexuelle relevait d’un domaine particulièrement sensible», poursuit-il.
Quant aux allocations de logement elles-mêmes, M. Paradis nie avoir contrevenu aux règles. Il dit avoir partagé son appartement pour mieux concilier sa vie de famille et son travail de député.
«Une allocation pour logement faite au député, lorsque faite conformément à la Politique de logement, permet d’utiliser le logement à sa guise, comme toute personne utiliserait normalement son logement, avec une expectative de vie privée», souligne-t-il.
«La situation était simplement la suivante: M. Paradis était locataire des logements entiers, et il a choisi d’y cohabiter avec sa fille, son gendre et sa petite-fille.»
L’attitude du député déplorée
La commissaire à l’éthique dénonce aussi l’attitude générale de Pierre Paradis, soulignant que «le député s’est montré peu coopératif» durant son enquête, notamment en refusant de répondre lorsque son bureau a été avisé de la tenue de l’enquête et fournissant souvent des réponses «après le délai fixé pour ce faire». De plus, Ariane Mignolet lui reproche d’avoir «invoqué ne pas avoir l’état de santé requis pour collaborer à l’enquête», mais ajoute qu’il «n’a pas accepté de se soumettre à l’expertise d’un tiers à cet égard».
Pierre Paradis a été écarté du caucus libéral après avoir fait l’objet, en janvier 2017, d’allégations d’inconduite sexuelle, pour lesquelles le Directeur des poursuites criminelles et pénales ne jugeait pas avoir de preuves suffisantes pour porter des accusations.
La veille du dévoilement de ces allégations, Pierre Paradis s’était retiré de ses activités pour des raisons de santé. Son bureau rapportait qu’il avait subi une commotion cérébrale à la suite d’une chute de cheval, commotion cérébrale dont son entourage affirme qu’il ne s’est toujours pas remis.
Dans le communiqué, le bureau du député assure pourtant qu’il a collaboré «malgré son état de santé précaire».
Couillard s’abstient de commenter
Appelé à commenter le rapport, le premier ministre Philippe Couillard n’a pas voulu se prononcer sur le fond, disant simplement qu’il allait «commencer par lui communiquer cette décision et la nécessité pour lui de se présenter d’ici cinq jours.»
M. Paradis dispose en effet d’une semaine pour réagir en chambre au rapport de la commissaire à l’éthique. La décision de lui imposer ou non la pénalité sera ensuite soumise à un vote de l’Assemblée nationale.
M. Couillard a par ailleurs ajouté qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu une sanction aussi sévère en matière d’éthique.