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Pour ou contre la fermeture de Gentilly-2 ?

Photo: Archives Métro

Métro s’est entretenu sur le nucléaire avec deux spécialistes. Ils exposent le pour et le contre de la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2.

POUR la fermeture

Shawn Patrick Stensil est un militant de Greenpeace Canada pour l’énergie et le climat. Il cherche à promouvoir une société où l’on utiliserait des énergies renouvelables, vertes et non nucléaires. Il se spécialise dans les questions liées à l’énergie nucléaire.

Que pensez-vous de la décision de Pauline Marois de fermer Gentilly-2?
C’est tout à fait une bonne nouvelle pour le Québec. Le Québec n’a pas besoin de nucléaire. Et ailleurs dans le monde, il y a de nombreux pays qui abandonnent le nucléaire à cause des risques. Donc, je crois que c’est tout à fait sensé de fermer cette centrale dont personne ne veut et dont nous n’avons pas besoin.

Pourquoi dites-vous que nous n’avons pas besoin de cette énergie?
Elle représente moins de 2 % de notre électricité. La Belgique est au nucléaire; le nucléaire produit 50 % de son électricité. Mais ils fermeront toutes leurs centrales d’ici 10 ans. Donc, pourquoi ne fermons-nous pas notre seule centrale? C’est tout à fait facile.

Qu’est-ce qui est dangereux, selon vous, pour l’environnement et la santé?
Il y a le risque d’un accident, comme on a vu à Fukushima. Maintenant, on voit un accident majeur quelque part dans le monde tous les 10 ans. L’industrie nucléaire nous dit que c’est tout à fait sécuritaire, mais on voit des accidents souvent. J’étais au Japon l’année passée, et un accident nucléaire n’a pas juste des impacts sur la santé humaine et l’environnement, ç’a aussi un impact au niveau de la société. On a 150 000 personnes maintenant au Japon qui sont déplacées, qui ne sont pas capables d’aller chez elles. Il y a aussi ce que le Québec va faire avec les déchets radioactifs. L’Assemblée nationale a voté contre un site d’enfouissement au Québec; donc, ça veut dire qu’ils n’acceptent pas qu’on produise des déchets radioactifs. Donc, si on n’accepte pas les déchets radioactifs, pourquoi on continuerait avec la production?

Pourtant, Hydro-Québec nous garantit que cette centrale est sans aucun danger pour la santé et l’environnement…
On n’a aucune raison de les croire! Il y a une loi sociale fédérale, qui s’appelle la Loi sur la responsabilité nucléaire. Cette loi limite les responsabilités d’un opérateur nucléaire dans le cas d’un accident à 75 M$. Hydro-Québec a demandé une loi spéciale pour se protéger de leur centrale, qu’elle croit qu’un tel accident est possible.

Qu’est-ce qu’un accident nucléaire aurait comme conséquence dans le cas de Gentilly-2?
Gentilly est au centre du Québec. Dans le cas d’un accident, ça serait terrible. Il y a plus de personnes autour de la centrale à Bécancour qu’à Fukushima. Mais aussi, il y a toutes les propriétés, des impacts financiers, vu qu’il n’y a personne pour payer dans le cas d’un accident. Parce que Hydro-Québec n’est pas responsable.

Par quoi devrait-on remplacer cette énergie?
Le Japon et l’Allemagne, les deux pays qui abandonnent l’industrie nucléaire, investissent beaucoup dans les énergies renouvelables, pour leur efficacité. Ils font une transition vers une économie verte. Donc, si les troisième et quatrième économies du monde, qui sont beaucoup plus dépendantes du nucléaire que nous, sont capables de remplacer leurs centrales avec des énergies vertes, le Québec est capable. Donc, il s’agit des éoliennes, de l’énergie solaire, de la conservation de l’énergie. Ce qui est bien, avec l’énergie renouvelable, c’est que ce sont plusieurs sources d’énergie décentralisées.

Mais que pensez-vous des impacts négatifs que la fermeture de la centrale va avoir sur l’économie de la région?
Greenpeace demande, depuis longtemps déjà, à Hydro-Québec et à la Commission canadienne sur la sécurité nucléaire de préparer un plan de transition pour la centrale, dans le cas où elle fermerait. En 2011, lors de l’audience publique, à Trois-Rivières, Thierry Vandal, le chef d’Hydro-Québec, disait que c’était fort probable qu’on ferme cette centrale, parce que ce n’était pas rentable de faire la réfection. Donc, moi j’ai dit à la Commission canadienne sur la sécurité nucléaire qu’il fallait avoir un plan en place, de un pour donner une certitude aux travailleurs, mais aussi pour consulter la population sur comment on va fermer la centrale, pour qu’il y ait une transition pour les travailleurs. Ils ont ignoré notre recommandation. Et je blême aussi le leadership dans les syndicats. Ils savaient que c’était fort probable que la centrale ferme, pourquoi c’est Greenpeace qui demande la défense des travailleurs?

CONTRE la fermeture

Paul Taras est professeur émérite au département de sciences physiques de l’Université de Montréal. Il est spécialisé dans la physique nucléaire fondamentale.

Que pensez-vous de la décision de Pauline Marois de fermer la centrale Gentilly-2?
Je pense que c’est une grande erreur. Le Québec n’a peut-être pas besoin de nucléaire à présent, parce qu’il y a beaucoup de ressources hydroélectriques. Sauf qu’il y a une expertise nucléaire qui va être perdue une fois que la centrale va être fermée. Et ça, ce sera terrible. Et je pense qu’éventuellement, le Québec ne pourra pas se passer du nucléaire. Parce que toutes les ressources d’hydrocarbures sont en train d’être dépensées. D’ici 20 à 30 ans, il n’y aura plus d’essence ni de charbon.

Mais il restera toujours les énergies vertes…
Les énergies vertes ne peuvent pas remplacer ce qu’on a du point de vue nucléaire, du point de vue charbon et gaz. Pour l’instant, ce n’est pas possible.

Pourquoi les énergies vertes ne sont-elles pas suffisantes?
Si vous regardez la totalité qui est fournie dans le monde entier, et ce qui est nécessaire, vous verrez que c’est négligeable. Elles sont renouvelables, mais elles ne fournissent pas assez de ressources. Il n’y a pas assez de puissance qui sort de ces processus. Et ensuite, c’est vraiment laid, avoir ça dans sa cour arrière. Et personne ne veut ça. Alors, c’est beau tant que c’est chez le voisin!

Mais l’énergie nucléaire présente beaucoup de risques pour l’environnement et pour la santé…?
Non. Les gens ne comprennent pas ça. Il n’y a pas plus de risques pour la santé ou autre chose qu’une usine à charbon ou une usine à gaz ou à pétrole, ou même pour l’hydroélectricité. Quand on fait des barrages, on inonde une vaste étendue de terre, qui n’est plus disponible pour l’agriculture. Et derrière ces barrages, vous avez une accumulation de mercure qui se fait, qui pollue l’environnement.

Mais ce sont quand même des conséquences moindres par rapport à ce qu’on a vu à Fukushima, au Japon, par exemple?
Non. Il n’y a pas grand-chose qui a été vu au Japon. Les gens en parlent beaucoup, les journaux font leurs manchettes avec ça, mais en fait, il n’y a pas eu de problème. Il n’y a personne qui est mort à cause des radiations au Japon.

Pas encore en tout cas…
Pas encore, mais dans les faits, personne. Tandis que dans les usines à charbon, les puits de pétrole, il y a des gens qui meurent tous les jours. Il faut se rendre compte de tout ça. Et produire de l’énergie avec des barrages ou avec des usines à charbon ou à gaz, ça crée des problèmes, il y a des gens qui meurent, il y a des accidents. Dans les usines à charbon, dans les puits de forage, il y a des gens qui meurent tous les jours. Et personne n’en parle!

Selon vous, le nucléaire n’est donc pas dangereux pour la santé?
Les gens doivent prendre des précautions. Mais si les gens suivent les règles qui sont établies, il n’y a aucun problème. J’ai travaillé dans le nucléaire pendant 30 ans et je n’ai jamais eu de problème.

Selon vous, le nucléaire n’est donc pas dangereux pour la santé?
Il faut faire attention à ce que l’on fait, bien sûr. Les gens doivent prendre des précautions. Mais si les gens suivent les règles qui sont établies, il n’y a aucun problème. J’ai travaillé dans le nucléaire pendant 30 ans, et je n’ai jamais eu de problème. Et je suis entouré de gens qui ont travaillé dans le nucléaire, et il n’y a jamais eu de problème.

Mais il y a toujours le risque d’un accident…
Mais il y a eu un accident à Tchernobyl, il y a eu un accident au Japon. Et il n’y a pas tellement de répercussions. Il y a certaines maladies qui peuvent être présentes et selon un documentaire que j’ai vu récemment, ces maladies étaient présentes indépendamment de l’accident de Tchernobyl. Parce qu’ils avaient des usines qui utilisaient des tas de produits chimiques. Donc, apparamment, les gens commencent à dire, maintenant, que les problèmes qui sont attribués à l’accident nucléaire étaient en fait déjà présents avant l’accident nucléaire.

Quelles seront les conséquences directes de la fermeture de Gentilly 2?
D’abord, il y a 800 personnes qui vont perdre leur travail. Et ensuite, on ne pourra pas profiter d’une expertise qu’on pourrait avoir pour ensuite, même à la rigueur, aider d’autres sociétés dans le monde. Pas seulement faire du profit, mais aussi les aider à développer le nucléaire.

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