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Libre circulation dans le monde: une utopie?

Photo: Getty Images

«De toute façon, c’est utopique de penser à un monde sans frontières.» Voilà l’argument ultime qui est lancé lorsque l’on discute de la libre circulation des personnes. Pourtant, de nombreuses avancées permettent de penser le contraire.

Pendant que toute l’attention est portée sur la crise migratoire, où il est question de fermeture, d’expulsions et de forteresses, partout dans le monde on continue à mettre en place des structures politiques permettant la libre circulation des personnes et à élaborer des politiques d’immigration de plus en plus ouvertes afin de remédier aux besoins en main d’œuvre.

Ainsi, dans toutes les grandes régions du monde, des institutions politiques, regroupant un ensemble de pays, préconise la libre circulation des personnes:

  • En Europe: depuis 1997, l’Union européenne a créé l’espace Schengen, qui permet la libre circulation entre les 26 états membres.
  • En Afrique: la libre circulation est déjà acquise depuis longtemps en ce qui concerne les pays de l’Afrique de l’ouest; pour l’ensemble de l’Afrique, lors de la réunion tenue à Midland en Afrique du Sud (9 mars 2017), le Parlement panafricain a demandé aux états membres d’approuver le principe de la libre circulation des biens et des personnes.
  • En Amérique du sud: les états membres du MERCOSUR (Marché commun du sud) permettent depuis 1991 la libre circulation des personnes. En 2009, le «Residence Agreement Project» a réitéré une politique de frontières ouvertes pour les pays membres.
  • En Asie: l’ANASE (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) a adopté en 2012 une déclaration des droits humains favorisant la liberté de mouvement dans la région.
  • Dans les Caraïbes: le CARICOM (Communauté caraïbéenne) prévoit la liberté de mouvements pour certaines catégories de travailleurs qualifiés; on parle de la mise en place d’un marché unique.
  • En Amérique du Nord: l’ALENA (Canada, États-Unis et Mexique) prévoit la liberté de circulation avec contrats de travail pour les professionnels de 63 champs (voir le chapitre 16). Quatre catégories de personnes sont visées par cette entente: les visiteurs entrepreneurs,  les professionnels, les personnes mutées à l’intérieur d’une compagnie et les investisseurs. Dans un premier temps, ces catégories peuvent obtenir des visas temporaires sans l’évaluation de l’impact sur le marché du travail. Dans un deuxième temps, l’obtention de la résidence permanente est grandement facilitée. On sait que l’ALENA est présentement en voie de renégociation, mais je doute que le chapitre sur la mobilité des travailleurs soit significativement modifié.

Bref, un monde sans frontières est déjà en voie de construction dans toutes les grandes régions du monde.

Une autre indication que le monde change de façon significative – et dont on parle peu – est le fait que presque tous les pays ont des politiques d’immigration ouvertes. Selon la base de données des Nations Unies sur les niveaux souhaités d’immigration et les politiques mises en œuvre, on observe que la majorité des pays préconise des politiques d’immigration de plus en plus ouvertes. Ainsi, la proportion des pays développés estimant que leurs niveaux sont trop élevés est faible; elle a même diminué depuis le milieu des années 1980. De plus, la proportion des pays développés dont les politiques visent à augmenter les niveaux d’immigration est passée de 2% en 1996 à plus de 20% en 2015.

Tout ceci – l’ouverture des frontières et des politiques d’immigration – se traduit par une augmentation de la mobilité internationale dans les pays développés: de 3% en 1990, la proportion des personnes vivant dans un autre pays que leur pays de naissance a grimpé à 11% en 2015. On oublie que seulement en 2016, l’Union européenne a accueilli 2 millions d’immigrants en provenance de pays non membres.

Cela peut sembler contradictoire avec la prolifération des murs et la crise actuelle des migrants. En fait, cette crise ne vise que les réfugiés. Il faut le rappeler, ces types de migrations ne représentent qu’une petite partie de l’ensemble des migrations internationales (environ 10%).     

Ce qui est utopique, à mon avis, c’est de penser que le monde avec ses frontières actuelles est là pour durer.

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