Modification génique: des résultats encourageants
PHÉNIX — Les premiers résultats partiels d’une étude historique sur la modification génique donnent des signes encourageants indiquant que le traitement est probablement sûr et qu’il a au moins une partie de l’effet escompté, mais il est trop tôt pour savoir s’il sera ultimement couronné de succès.
Les résultats annoncés mercredi sont issus du premier test humain de modification génique dans le corps, une tentative de modifier l’ADN d’une personne de façon permanente pour soigner une maladie — dans ce cas, une maladie génétique appelée syndrome de Hunter, qui tue souvent dès l’adolescence.
Chez deux patients ayant reçu une dose moyenne du traitement, les taux urinaires de gros sucres caractéristiques du syndrome de Hunter avaient diminué de moitié, en moyenne, quatre mois plus tard — signe possible de l’efficacité du traitement. Deux autres personnes ayant reçu une faible dose ont connu peu de changements dans ces sucres jusqu’à présent.
Il n’y a aucun moyen de savoir si le changement constaté chez les patients à dose moyenne est attribuable à la modification de gènes ou à un autre facteur, mais le fait que leurs sucres aient diminué de manière constante depuis le traitement permet de le croire.
«Je ne peux pas dire avec certitude que c’est un effet du traitement, (mais la chute est) vraiment encourageante», a déclaré le responsable de l’étude, le docteur Joseph Muenzer, de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill.
L’objectif principal des études de traitement précoce est de tester l’innocuité de ce procédé, bien que les experts recherchent également des indices sur le fonctionnement du traitement.
Le docteur Muenzer a dévoilé les résultats de l’étude lors d’une conférence en Grèce. Il agit comme consultant auprès du fabricant du traitement, la société californienne Sangamo Therapeutics.
La présidente de la société, la docteure Sandy Macrae, a indiqué que d’autres tests en révéleraient davantage dans environ cinq mois, mais que le changement dans le groupe à dose moyenne jusqu’à présent semblait «vraiment bon».
«L’explication la plus rationnelle à cela est que ce que nous espérions voir arriver est arrivé», a-t-elle résumé.
Plusieurs experts indépendants sont d’accord.
«Les résultats sont passionnants» et suggèrent que la modification génique fonctionne dans une certaine mesure, sans problèmes de sécurité jusqu’à présent, a estimé le docteur Howard Kaufman, un scientifique de Boston membre du comité des Instituts nationaux de la santé qui a révisé l’étude avant qu’elle ne commence.
Le docteur Matthew Porteus, expert en génétique à l’Université de Stanford et consultant pour deux autres sociétés qui mettent au point des thérapies géniques, a prévenu qu’il faudra plus de temps pour voir comment le système immunitaire des patients continue à réagir au traitement et si ses effets perdurent, mais il affirmé qu’il serait «ravi de continuer à avancer» sur la base de ces résultats.
Comment ça fonctionne?
L’édition génique pourrait être une méthode plus précise de thérapie génique, pour remplacer un gène défectueux ou manquant. Les médecins espèrent que cela permettra de traiter de nombreuses maladies pour lesquelles il n’existe pas de traitements appropriés pour le moment.
En novembre, Brian Madeux, un homme de la région de Phoenix atteint du syndrome de Hunter, est devenu le premier à tester ce procédé. Il lui manque le gène qui produit une enzyme qui décompose certains grands composés de sucre appelés GAG. Ceux-ci s’accumulent dans les cellules et causent des ravages dans tout le corps.
M. Madeux a reçu par intraveineuse de nombreuses copies d’un gène correctif et d’un outil d’édition de gènes appelé nucléases à zinc pour l’aider à le placer avec précision dans son ADN. Il était l’un des deux patients à qui on avait administré une très faible dose de traitement, car ce premier test chez l’homme exigeait une extrême prudence.
Les premiers résultats
Une biopsie hépatique chez un patient ayant reçu une faible dose du traitement n’a révélé aucune preuve d’une modification génétique, mais les scientifiques de Sangamo ont prévenu que cette dose était bien inférieure au niveau auquel ces signes avaient été détectés dans les recherches sur les primates.
Deux autres patients ont reçu une dose moyenne correspondant à deux fois celle des deux premiers patients. Leurs niveaux de GAG ont diminué de 51 pour cent après quatre mois, en moyenne. Deux des principaux types de ces sucres qui s’accumulent dans les tissus ont diminué de 32 pour cent et 61 pour cent, respectivement.
On ne sait pas encore si de tels déclins peuvent améliorer la santé des patients ou ralentir la progression de la maladie.
«Ce n’est pas la preuve que cette thérapie est une réussite, que ces patients ont subi suffisamment de modifications géniques pour leur fournir l’enzyme dont ils ont besoin pour le reste de leur vie», a tempéré le docteur Muenzer.
Mais il a indiqué qu’un objectif important avait été atteint: le traitement semble sans danger. Il y a eu deux effets secondaires graves — un patient a été hospitalisé pour une bronchite et un autre pour un rythme cardiaque irrégulier —, mais ceux-ci seraient attribuables à leur maladie et à des conditions préexistantes, et non au traitement génique.
Les analyses de sang n’ont pas détecté l’enzyme manquante. Les scientifiques de l’entreprise ont déclaré que cela pouvait être attribuable au fait que tout ce qui était fabriqué était rapidement utilisé par les cellules plutôt que d’entrer dans la circulation sanguine — une explication acceptée par des experts extérieurs. Ce qui compte, disent-ils, c’était le résultat de l’activité enzymatique, soit la chute des sucres.
Les prochaines étapes
Deux autres patients ont reçu la plus forte dose testée — dix fois la dose initiale — pour un total de six patients inclus dans l’étude. L’étape suivante consiste à commencer à sevrer les patients des traitements enzymatiques hebdomadaires qu’ils ont reçus pour voir si la thérapie génique a changé leur corps afin qu’ils produisent eux-mêmes suffisamment d’enzymes.
D’autres résultats sont attendus lors d’une réunion médicale en février.
«Nous devons voir des niveaux soutenus pour que cela soit pratique. Si cela ne fonctionne que pendant six mois, ce n’est pas très bénéfique, a précisé le docteur Muenzer. Le temps va le dire.»