Rapport: le droit de manifester a été brimé au G7
MONTRÉAL — Les mesures de sécurité entourant la réunion du G7 dans Charlevoix, en juin dernier, ont donné lieu à de multiples violations des droits de la personne et les chefs des partis politiques en campagne sont invités à réaffirmer avec fermeté leur volonté de garantir le droit de manifester.
Le rapport de la mission d’observation du G7 menée par la Ligue des droits et libertés et Amnistie internationale, rendu public mercredi, dresse un constat accablant des mesures de sécurité et de leur effet délétère sur les droits et libertés des citoyens
Geneviève Paul, porte-parole d’Amnistie internationale, est catégorique: les autorités tant politiques que policières «n’ont pas respecté leurs obligations de protéger et garantir l’exercice de la liberté d’expression et de réunion pacifique, qui comprend le droit de manifester».
Ainsi, les observateurs notent qu’avant même la tenue du sommet, un «climat de peur et d’intimidation» s’est installé en raison notamment des déclarations du premier ministre Philippe Couillard et de l’annonce de mesures de sécurité colossales, incluant la construction d’un centre de détention qui n’a jamais servi.
«On a même recommandé aux gens de fermer l’air climatisé dans la maison en cas d’épandage de gaz lacrymogène ou de se terrer chez eux», a déploré Mme Paul.
Ce climat a eu «un effet dissuasif» qui a vraisemblablement contribué au fait que les manifestants ont été peu nombreux.
Une fois le sommet amorcé, «les manifestants — pacifiques il faut le rappeler — se sont retrouvés face à un dispositif policier complètement disproportionné, excessif, injustifié», a-t-elle poursuivi.
Atteintes multiples aux droits
La mission a documenté une série de violations de droits tout au long de l’événement.
Les quelque 45 observateurs ont ainsi témoigné d’arrestations qu’ils estiment arbitraires et souvent accompagnées d’un recours à la force «totalement injustifié» auprès de personnes qui n’offraient aucune résistance, suivies d’accusations qui n’étaient pas reliées aux motifs d’arrestation.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) est d’ailleurs sévèrement critiqué pour ces mises en accusation et plus encore pour avoir permis des durées de détention prolongées jusqu’à 60 heures et de s’être opposé à des remises en liberté en attendant la comparution.
Aussi, plusieurs personnes détenues n’ont pu communiquer avec un avocat avant leur comparution.
«Le droit à l’assistance et à la représentation effective et adéquate par avocat a été violé et, évidemment que ça compromet le droit à une défense pleine et entière et le droit à un procès juste et équitable», a noté la porte-parole de la Ligue des droits et libertés, Nicole Filion.
Mme Filion a aussi fait état d’atteintes à la liberté de presse.
«Nous avons été témoins du fait que des journalistes ont été pris pour cible par les forces de l’ordre. Des armes ont été pointées directement vers certains d’entre eux; un canon sonore a été utilisé à proximité et même en direction d’un journaliste; certains ont été bousculés à quelques reprises par des policiers et une journaliste a été menacée d’être arrêtée pour entrave», a-t-elle dit.
On parle également de fouilles et de contrôles d’identité abusifs de manifestants, notant que pour procéder à des fouilles, les policiers doivent avoir des motifs raisonnables de croire à une menace à la sécurité, alors que ce n’était pas le cas.
Appel aux politiciens
Amnistie internationale et la Ligue des droits et libertés s’inquiètent du fait que tous les groupes et comités créés pour encadrer et surveiller les mesures de sécurité ont reconnu que les manifestations étaient pacifiques, mais que tant le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, que le groupe de sécurité intégrée qui regroupait les différents corps policiers et les Forces armées canadiennes ont dressé un bilan positif des mesures de sécurité, malgré tous les abus.
«Il faut cesser d’associer manifestation et danger et plutôt valoriser, encourager, soutenir l’exercice de la liberté d’expression comme un droit fondamental et un élément essentiel à toute société démocratique», a martelé Mme Paul.
Les deux organismes réclament des chefs de parti qu’ils se prononcent sur les conclusions de leur rapport et qu’ils expliquent publiquement comment leurs partis entendent protéger et garantir l’exercice du droit de manifester.